LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s)

Serlio, Sebastiano

Titre Regole generali di architetura...
Adresse Venise, F. Marcolini, 1537
Localisation Évreux, Bibliothèque - médiathèque, RA 101
Mots matière Ordres
Transcription du texte

English

     Il est peu d’ouvrages qui aient eu un retentissement aussi grand dans l’histoire de l’architecture que les Regole generali publiées par Sebastiano Serlio à Venise en 1537. L’auteur, après avoir séjourné à Rome vers 1525 en compagnie de Peruzzi, s’était installé sur la Lagune peu avant 1528. Faute d’y construire beaucoup, il y était reconnu comme professore di architettura, c’est-à-dire un expert en architecture. Lié d’amitié avec les plus grands artistes et écrivains, l’Arétin, Lorenzo Lotto et Titien, il fréquentait les cercles humanistes de la cité, en particulier celui de Giulio Camillo Delminio, qui enseignait dans les prestigieuses universités de Bologne et de Padoue, auteur du fameux « théâtre de la mémoire ». Serlio, malade, le désigna comme son hériter universel dans un testament signé en avril 1528. La même année, il obtint un copyright pour l’impression d’une série de cuivres gravés par Agostino Veneziano représentant bases, chapiteaux et entablements des « ordres ».
Connu aussi sous le nom de Quarto libro, d’après sa place dans le traité complet de Serlio, l’ouvrage est le plus ancien des livres publiés par le Bolonais. Il occupe une place capitale dans l’histoire de la théorie architecturale des temps modernes, car pour la première fois, les cinq ordres d’architecture qui allaient fonder le décor architectural pour trois siècles trouvaient une expression satisfaisante, tant du point de vue de leur morphologie intrinsèque que de la méthode de présentation. Entre 1528 et 1537, la fréquentation du milieu savant de Giulio Camillo l’a formé aux exigences d’une pédagogie rhétorique renouvelée principalement par Melanchton à Wittenberg, doctrine que les accointances évangéliques de ce milieu lui avaient rendue familière.
La morphologie des ordres correspond dans l’ensemble à la pratique du milieu romain des années 1520 ; Bramante, puis Raphaël et ses élèves ont mis au point un langage qui était de fait la synthèse des indications vitruviennes et des leçons de l’archéologie. Formé dans cette ambiance, ayant bénéficié des leçons de Peruzzi auquel il rend hommage, admirateur de Giulio Romano, Serlio domine ces formes qu’il représentait déjà dans les gravures de 1528. Il a déjà précisé le vocabulaire, en particulier le cinquième ordre, le « composite romain », qu’il est le premier à décrire au même titre que les autres ordres.
Mais la culture littéraire de l’ami de l’Arétin et de Delminio lui permet avant tout de formaliser une très efficace mise en ordre d’un donné antique extrêmement confus, tant dans la lecture des ruines qui dans celle du texte de Vitruve. La présentation du Quarto libro obéit en effet à une mise en forme similaire à celle de l’organisation d’un recueil de lieux communs. Avant d’être des ensembles architecturaux composés d’une colonne et d’un entablement, les cinq « ordres » sont les cinq têtes de chapitre qui permettent de classer rationnellement la diversité antique. Sous chacune d’entre elles se rangent non seulement colonne et entablement, mais aussi portes, cheminées et façades relevant du même style. À l’intérieur de chacun de ces chapitres, dont la planche inaugurale donne en fait la table des matières, Serlio décrit avec un système régulier la morphologie, l’ornement – emprunté à des exemples antiques – et des modèles de composition qui jouent le rôle des « lieux communs » de la littérature, idées architecturales souvent réduites à une structure assez simple, destinées à être reprises, adaptées et amplifiées en fonction du contexte. Les vertus cardinales de l’architecte, qui doit être prudente et giudizioso, sont les mêmes que celles de l’architecte selon Cicéron : consilium ou providentia d’une part, judicium de l’autre, soit la faculté d’anticiper en fonction d’un projet global et celle de peser et de choisir les arguments les plus efficaces ; elles guident l’artiste dans l’utilisation des formes décoratives et des lieux, de l’elocutio et de l’inventio.
Cohérence des formes, pertinence de l’exposé et utilisation de l’imprimerie assurèrent au Quarto libro un destin exceptionnel : les cinq ordres, définitivement adoptés, furent repris par Philandrier, Vignole, Palladio et Scamozzi, par Goujon et Bullant en France, par Blum et Vredeman de Vries en Europe du Nord. Les « lieux » proposés se retrouvent ainsi dans tous les bâtiments, de l’Andalousie aux Flandres.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2012

Bibliographie critique

M. Carpo, Metodo ed ordini nella teoria architettonica dei primi Moderni, Travaux d’Humanisme et Renaissance, 271, Genève, Droz, 1993.

W.-B. Dinsmoor, « The Literary Remains of Sebastiano Serlio », The Art Bulletin, 24, 1942, p. 55-91.

H. Günther, « Das geistige Erbe Peruzzis im vierten und dritten Buch des Sebastiano Serlio », J. Guillaume (éd.), Les traités d’architecture de la Renaissance, Paris, Picard, 1988, p. 227-246.

H. Günther, « Serlio e gli ordini architettonici », C. Thoenes (éd.), Sebastiano Serlio, Milan, Electa, 1989, p. 154-168.

D. Howard, « Sebastiano Serlio’s Venetian Copyrights », The Burlington Magazine, 115, 1973, p. 512-516.

F. Lemerle, « Genèse de la théorie des ordres : Philandrier et Serlio », Revue de l’Art, 103, 1994, p. 33-41

F. Lemerle, Les Annotations de Guillaume Philandrier sur le De architectura de Vitruve, Livres I à IV, Introduction, traduction et commentaire, Paris, Picard, 2000, p. 36-40.

Y. Pauwels, « Les origines de l’ordre composite », Annali di architettura, 1,1989, p. 29-46.

Y. Pauwels, « La méthode de Serlio dans le Quarto Libro », Revue de l’Art, 119, 1998, p. 33-42.

Y. Pauwels, L’architecture au temps de la Pléiade, Paris, Monfort, 2002, p. 27-58.

Y. Pauwels, Aux marges de la règle. Essai sur les ordres d’architecture à la Renaissance, Wavre, Mardaga, 2008, p. 21-40.

M. Vène, Bibliographia serliana. Catalogue des éditions imprimées des livres du traité d’architecture de Serlio (1537-1681), Paris, Picard, 2007, p. 50-51.

 

 

 


 

 

Notice

Regole generali di architetura sopra le cinque maniere degli edifici, cio e thoscano, dorico, ionico, corinthio et composito, con gli essempi dell'antiquita, che, per la magior parte concordano con la dottrina di Vitruvio. [Da Sebastiano [HIGHLIGHT]Serlio[/HIGHLIGHT].]
Venetia : Franscesco Marcolini da Forli a presso la Chiesa di la Trinita, 1537.
76 ff. sur papier vergé : illustartions en noir ; 33 cm.
Erreur de pagination : les folios XXVI et XXXVII apparaissent deux fois mais ne contiennent pas les mêmes éléments. L’ouvrage comporte donc 78 f.
« Cum Privilegii ».
Berlin Katalog 2555 ; Brunet V, col. 304 ; Cicognara, 662 ; Fowler 313 ; RIBA 2966.
Évreux, Bibliothèque - médiathèque, RA 101.
*Notes :
- Reliure en parchemin.
- Mention manuscrite à la plume sur la page de garde : « Prima edizione ».
- Legs Régnier.