LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Besson, Jacques
Androuet du Cerceau, Jacques
Boyvin, René
Titre Instrumentorum et machinarum... liber primus...
Adresse s.l.s.n.s.d.
Localisation  
Mots matière Machines, Mathématiques
Consultation de l’ouvrage

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     Si, comme Besson l’affirme, il commença à rassembler ses inventions mécaniques en 1544, il est difficile d’admettre, comme le répètent à l’envi les biographes, qu’il est né en 1540. Plutôt faut-il envisager le début des années 1530, voire la fin des années 1520. Rappelons aussi à l’occasion qu’il est natif de Colombière, dans la vallée d’Oulx, alors escarton d’Oulx. Besson est donc né en pays vaudois. Nous ne savons rien de l’origine de son appartenance à la religion réformée. Il est mort en 1573, peut-être à Montargis où il était domicilié auprès de Renée de France, duchesse de Ferrare qui y accueillait de nombreux réfugiés huguenots, dont Androuet du Cerceau, son architecte, auteur des gravures du Livre et du Théâtre des instruments.
L’histoire de la conception de cet ouvrage, de sa préparation, de ses financements, de ses différents états à partir du manuscrit initial, de sa fabrique, de ses publications et éditions successives est à présent beaucoup mieux connue, même si demeurent de nombreuses zones d’ombre. C’est sans doute l’œuvre maîtresse de ce mécanicien, ingénieur et distillateur, qui se présente dans ses ouvrages comme professeur de mathématiques. Qu’est-ce qui porta Jacques Besson à devenir pour la postérité, l’initiateur d’un genre littéraire, le « théâtre de machines » ?
Nous savons très peu de choses sur sa formation. Sans doute pratiquait-il couramment le latin, puisque sa première publication est écrite dans cette langue. Il a pu commencer ses études à l’abbaye d’Oulx, qui comprenait un collège. Après ses premières études Besson partit, nous dit-il, en Italie, et l’on peut penser que c’est au cours de ce voyage qu’il commença à rassembler des dessins de machines et d’instruments. Ces recueils font partie des activités normales de tout mécanicien mathématicien ou ingénieur, comme les études historiques de ces dernières décennies l’ont amplement confirmé. L’essentiel de ses activités professionnelles est « mathématique », ce qui englobait les mathématiques mixtes et les mécaniques. Ses enseignements de mathématiques ont certainement compris des cours théoriques – en particulier, ceux qu’il délivra à Paris en latin, au début des années 1550 et des cours de mathématiques pratiques et mixtes tant à Genève, de 1559 à 1562 qu’à Orléans de 1565 à 1569. Comme ingénieur et mécanicien, inventeur d’instruments et machines, on peut penser que Besson a été actif dès son voyage de jeunesse en Italie, mais ses premiers travaux connus se situent en Suisse : de 1557 à 1559 au service de la ville de Lausanne, puis des seigneurs de Berne, et de 1559 à 1562, auprès de la ville de Genève. Les leçons de mathématiques qu’il y dispensa furent accompagnées de divers travaux d’utilité publique qui relevaient de ses compétences de mécanicien. Ces activités lui valaient des appointements modestes, mais réguliers. S’il est plausible qu’il mit en œuvre ses talents d’ingénieur lorsqu’il se trouvait auprès d’Olivier de Serres, de 1562 à 1564, nous n’en avons pas de trace. À Orléans, de 1564 à 1569, son enseignement de mathématiques pratiques est connu grâce à la publication de son Cosmolabe (Paris, 1567). L’invention de cet instrument donna lieu à une usurpation de la part de deux disciples de Besson, « Remon Poynet » et Benoît « l’Enginneur », fabricant d’instruments mathématiques. En effet, en 1566, Poynet publie à Paris, chez le libraire Michel Julien, Le cosmolabe, à la royne mère du roy. Sa dédicace est datée de juin 1566. Dès septembre 1566, Besson dénonça le larcin, « ils ont usurpé le droit de leur Maistre », soulignant que « chacun cognoist assez par l’effect de mes autres inventions, si j’ay esté capable de trouver le Cosmolabe ». Il dédia à son tour son traité à Catherine de Médicis et son éditeur Philippe de Roville obtint un privilège royal. Les inventions dont Besson dresse la liste dans l’avertissement au lecteur du Cosmolabe, traitent de plusieurs problèmes de géométrie à applications pratiques, de chorographie, de perspective, de géographie et d’astronomie proposant des machines et des instruments, dans lesquels on reconnaît un certain nombre de ceux qui composeront le Théâtre des instruments mathématiques.
D’autres mentions du futur théâtre de machines apparaissent au fil de dédicaces et des avis de l’imprimeur au cours de ces années. En août 1568, Besson dédicace son Art et moyen parfaict de tirer huyles et eaux à François de Balzac d’Entraigues et affirme que « par vostre moyen j’ay poursuivi et continué l’exercice de mes estudes Mathematiques ». Le 6 septembre 1569, dans sa dédicace de L’art et science de trouver les eaux et fontaines cachées sous terre, il écrit : « je travaille aussi à present, pour dedier à Sa Majesté, à un ample livre, distribué en plusieurs inventions nouvelles d’instruments & machines utiles ». Le 8 décembre 1570, Galiot du Pré, imprimeur de l’Art et moyen parfaict de tirer huyles & eaux écrit de Besson qu’il « a impetré & obtenu cette faveur & commandement du roi notre sire, de luy bastir & dresser un autre sien œuvre, declaratif de diverses machines inventions mathematiques, for recommendables & necessaires à nostre Republique ». Besson a donc obtenu le soutien royal et dans sa préface à l’édition de 1571 de l’Art et moyen parfaict de tirer huyles et eaux..., il explique qu’il doit à à François de Montmorency d’avoir rencontré le roi et d’avoir su lui faire entendre « qu’il est impossible que je puisse proffiter au public, et subvenir aux frais qu’il me conviendra faire, pour mettre en evidence mes œuvres et inventions de mathematiques, sans estre liberalement aydé et entretenu de sa Majesté ».
En décembre 1570 Besson, qui a quitté Orléans depuis un an, réside à Montargis. Lorsqu’il se rend à Paris il réside chez Philippe Lo, apothicaire, au faubourg Saint-Jacques. Protégé de la duchesse de Ferrare, il est ainsi auprès d’Androuet du Cerceau et il lui fait graver les planches du Livre d’Instruments. Et, comme l’explique Galiot du Pré, occupé à la préparation des gravures, on peut admettre que son manuscrit est achevé. Ce manuscrit a été découvert à la British Library et présenté par Alex Keller (1976) pour lequel « in short, we have here not only an early state of Besson’s book, but also the unique short treatise which summarises the theories of mecanics which believed his inventions exemplified » (p. 76). En effet, le manuscrit comporte, après la dédicace au roi, toute une première partie théorique, comprenant vingt-deux principes et deux « communes sentences », partie qui n’a pas été reprise dans les éditions successives de l’ouvrage. Elle témoigne d’une approche aristotélicienne, où interviennent en particulier des éléments d’analyse tirés des Problèmes mécaniques du Pseudo Aristote. Comme dans son Art et science de trouver eaux et fontaines, Besson affirme l’autonomie du raisonnement mathématique et son pouvoir à rendre raison et à rendre compte des effets obtenus, quand bien même ses hypothèses ne sont pas physiquement établies. La tradition dans laquelle s’inscrit cette approche est celle des mécaniciens de l’antiquité qui cherchent des moyens de calcul et ne prétendent pas atteindre la vérité physique intrinsèque des phénomènes, mais seulement calculer les effets des causes externes (entendons, artificielles). À cet égard, la référence fréquente, chez Besson, à l’œuvre de Copernic, vise à faire saisir très précisément l’avantage que peut procurer pratiquement une hypothèse qui borne son ambition à sauver les apparences, soit à rendre mathématiquement compte des phénomènes, fût-ce en prenant appui, précise-t-il, sur une représentation du monde indéniablement fausse (l’héliocentrisme). Le contenu du manuscrit a été très soigneusement étudié par Alex Keller (1976) et Denise Hillard (1981) l’a comparé terme à terme avec la première édition (latin/français) que l’on peut dater de 1571, au plus tard, du début de 1572. En effet, on a trouvé dans les Comptes royaux, à la date du 12 mai 1572, qu’« à Jaques Besson, ingenieur et mathematicien a été allouée la somme de 560 l. t. en consideracion de ses services et pour le recompenser d’ung livre des angins et instrumens mathematiques qu’il a presenté et dedié a sadite majesté... ». Il parut à Paris, chez Fleury Prévost, si l’on en croit les fichiers manuels de la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon.
Les quelques rares exemplaires qui sont parvenus de l’édition première sont sans lieu ni date. Le privilège, au verso de la page de titre indique : donné à Orleans, l'an mil cinq cens soixante-neuf, le vingt-septiéme iour de Iuin. Rappelons qu’en décembre 1570 l’imprimeur Galiot du Pré annonce que Besson est en train d’ordonner et préparer « les figures necessaires audict œuvre ». Le manuscrit retrouvé est celui qui a servi de modèle à Androuet du Cerceau pour graver ses cuivres, car la très grande majorité des dessins repris en planches ont été inversés. Quatre des soixante planches du Livre premier ont été gravées par René Boyvin. Le livre « premier » des Instruments et machines.., ne fut pas continué par d’autres livres, comme Besson l’avait annoncé, et ses projets furent interrompus par son décès au cours de l’année 1573.

Hélène Vérin (Cnrs, Paris) – 2008

Bibliographie critique

J. Besson, Instrumentorum et machinarum quas Jacobus Bessonus Delphinas mathematicus et a machinis practer alia excogitavit multisque vigiliis et laboribus excaluit ad zerum multarum intellectu difficillimarum explicationem et totius Reipublicae utilitatem (fac-similé de l'édition 1569=c1571), Paris, Jardin de Flore, 1978.

A. G. Keller, « The Missing Years of Jacques Besson, Inventor of Machines, Teacher of Mathematics, Distiller of Oils, and Huguenot Pastor », Technology and Culture, 14, 1, janvier 1973, p. 28-39.

A. G. Keller, « A manuscript Version of Jacques Besson’s Book of Machines, with his unpublished Principles of Mechanics », B. S. Hall & D. C. West (éd.), On Pre-Modern Technology and Science, Malibu, Undena Publications, 1976, p. 75-103.

L. Dolza & H. Vérin, « Figurer la mécanique : l’énigme des théâtres de machines de la Renaissance », Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 51-2, 2004-2, p. 7-37.

L. Dolza & H. Vérin, Theatrum instrumentorum et machinarum : Lione, 1578 di Jacques Besson, introduction, fac-similé de l’édition de 1578, Rome, Edizioni dell’Elefante, 2001.

E. Droz, Chemins de l’Hérésie, textes et documents, 4, Genève, Slatkine, 1976, p. 271-374.

D. Hillard, « Jacques Besson et son Théâtre des instruments mathématiques », Revue française d'histoire du livre, 22, 1979, p. 5-38.

D. Hillard, « Jacques Besson et son Théâtre des instruments mathématiques : recherches complémentaires », Revue française d'histoire du livre, 30, 1981, p. 47-69.