LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Niceron, Jean-François
Titre La perspective curieuse... Divisée en quatre livres...
Adresse Paris, Veuve F. Langlois, 1652
Localisation Paris, BnF, V-1663 (Gallica)
Mots matière Perspective
Transcription du texte

English

     Dès 1638, Niceron avait prévu d’améliorer et de compléter la Perspective curieuse par un ouvrage écrit en latin, nettement plus ambitieux. Huit ans plus tard, en août 1646, François Langlois achève d’imprimer le Thaumaturgus opticus qui reprend en partie le précédent traité et le développe notamment par un traité sur la lumière et les ombres. La mort de Niceron le 22 septembre de la même année, puis celle de Langlois en 1647 poussèrent sa veuve Madeleine Collemont à publier une nouvelle version française de La perspective curieuse, qui fut confiée aux soins minutieux du Père Marin Mersenne (1588-1648), maître, ami et confrère de Niceron. Mais après la mort de Mersenne survenue le 1er septembre 1648 c’est le mathématicien Gilles Personne de Roberval (1602-1675), « Professeur Royal aux Mathématiques au Collège de Maistre Gervais, & en la chaire de Ramus au College Royal de France », qui fut chargé de mettre définitivement en forme l’ouvrage, achevé d’imprimer le 25 septembre 1651 avec une date d’édition de 1652. Ainsi les quatre livres que Niceron avait prévus, enrichis par lui-même, revisités après sa mort par Mersenne puis par Roberval, se retrouvent-ils dans La perspective curieuse de cette édition française posthume.
Le premier livre, précédé par un court rappel de géométrie, est un traité de perspective. Alors qu’en 1638 cette partie ne comportait que 15 propositions, elle en a désormais 37 en 1646 et 1652. Les vives querelles, aux alentours de 1642, sur les méthodes de perspective où s’affrontèrent Desargues, Bosse, Du Breuil, Migon, Curabelle, et dans lesquelles l’éditeur François Langlois joua un rôle actif, imposèrent sans doute à Niceron un plus grand souci de rigueur. On trouve des échos de la querelle dans les variations du jugement que porte Niceron sur Desargues. En 1638, il écrit : « Monsieur Desargues, qui en a mis au jour une methode generale & fort expeditive, qu’il a inventée » alors qu’en 1646 il lui retire l’honneur de l’invention et l’accuse d’avoir plagié Danti, Vignole, Alleaume et Vaulezard. En dépit de cette appréciation, Niceron donne dans ses propositions 36 et 37, illustrées par les figures 34, 35 et 36, une explication originale et claire de la méthode arguésienne.
En revanche, dans l’édition de 1652, ce ne peut être Niceron, qui n’a pas connu le traité d’Abraham Bosse, mais vraisemblablement Mersenne qui rend justice à Desargues en écrivant « ceux qui ont leu & compris la manière universelle de M. Desargues où l’on employe aucun point hors du champ de l’ouvrage, achevée de mettre en lumiere par l’excellent graveur M. Bosse l’année 1647 confessent qu’elle surpasse en abregé de pratique tout ce qui en a esté donné jusques à present, & qu’il avait raison l’an 1636 de se dire l’inventeur de la methode universelle... » (p. 83). De même Niceron n’est sans doute pas l’auteur de l’avertissement qui clôt le livre 1, mais plutôt l’anticartésien Roberval. Dans ce texte (p. 87-88) l’œuvre de Giovanni Battista Benedetti est admirée alors que le traité de Desargues sur les coniques est critiqué pour être écrit « d’une manière trop briesve, ou trop obscure » et parce qu’il « a usé de termes qui n’estant pas ordinaires, ont rebuté plusieurs ». Quelques lignes plus loin le même auteur suggère aussi que « M. des Cartes fist sa Philosophie par propositions, afin qu’on veist les raisons de Mechanique qui luy servent d’apuy, & que les demonstrations lineaires contraignissent d’embrasser ce qu’il croit pouvoir demonstrer. ».
Le deuxième livre est nettement plus développé qu’en 1638 puisqu’il passe de 7 à 12 propositions, suivies de 11 propositions nouvelles. Niceron y étudie les anamorphoses résultant de perspectives dépravées obtenues par le choix d’une position de l’œil hors norme. Il y ajoute « la description et l’usage de l’instrument Catholique, ou universel de la Perspective » et un petit « Traité de la lumière et des ombres ». Dans ce dernier chapitre il ne parle pas de « la nature ou de l’essence de la lumière » mais seulement des propriétés nécessaires à la perspective et au tracé des ombres.
Le troisième livre est un traité d’anamorphoses catoptriques utilisant des miroirs plans, cylindriques ou coniques pour déformer mais surtout redresser des images dénaturées. Le quatrième livre expose un procédé dioptrique utilisant une lunette munie d’une lentille convenablement taillée pour faire apparaître une figure nouvelle à partir d’une collection de plusieurs figures. On remarque que toutes les considérations de 1638 sur les anagrammes, pleines d’arrière-pensées religieuses ou politiques ont été supprimées. Elles n’étaient plus d’actualité.
La deuxième partie de l’ouvrage est L’optique et la catoptrique de Mersenne, œuvre posthume datée de 1651« nouvellement mise en lumière après la mort de l’Autheur ». Dans l’« advertissement de l’imprimeur au lecteur » il est indiqué de cet ouvrage est tiré de « deux petits traitez de l’Optique, & de la Catoptrique, à peu près achevez, & leur impression commencée, mais qui pour quelques considerations, n’a pû estre poursuivie jusques à maintenant ». On y trouve aussi une mise au point de six pages de Roberval sur la quadrature du cercle. Il est vraisemblable que sous la signature de Mersenne, Roberval a fait passer beaucoup de ses propres idées. Robert Lenoble attribue entièrement à ce dernier la proposition IV de la Catoptrique ou des Miroirs (p. 88-92).
L’ouvrage de 1652 a le mérite d’offrir une présentation claire des théories sur l’optique mises en avant dans la première moitié du XVIIe siècle.

Jean-Pierre Manceau (Tours) – 2014

 

Bibliographie critique

N. G. Poudra, Histoire de la perspective ancienne et moderne..., Paris, Corréard, 1864.

F. Siguret, « Jean-François Niceron : le dess(e)in politique », Communications, 34, 1981, p. 25-40.

J. Baltrušaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus opticus. Les perspectives dépravées – II, Paris, Flammarion, 1984.

P. Hamou, La vision perspective (1435-1740), Paris, Payot & Rivages, 1995.



 

 

Notice

La perspective curieuse du R. P. Niceron, Minime... avec L’optique et la catoptrique du R. P. Mersenne [Texte imprimé],... du même ordre, mise en lumière après la mort de l’auteur
Paris : Vve F. Langlois, 1652.
[X]-134 p.-[51] f. de pl. : fig., portrait de Niceron, frontispice gravé ; in-fol.
Paris, Bibliothèque nationale de France, V-1663.