LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Jousse, Mathurin
Titre Le secret d’architecture...
Adresse La Flèche, G. Griveau, 1642
Localisation Paris, Ensba, Les 1251
Mots matière Stéréotomie
Transcription du texte

English

     Le Secret d’architecture de Mathurin Jousse, premier traité entièrement consacré à la stéréotomie, parut à La Flèche en 1642, avec une épitre dédicatoire à Urbain de Maillé-Brézé. Comme le privilège royal octroyé pour l’édition date de 1635, on peut croire que l’auteur avait achevé l’essentiel de son ouvrage plusieurs années avant sa parution, ce qui allonge encore le délai écoulé avant que ne paraisse en 1643 le nouveau traité du père François Derand, L’architecture des voûtes, dans lequel le Jésuite exprime son agacement d’avoir été distancé par son compétiteur, ainsi que ses critiques.
Le Brouillon project d’exemples d’une manière universelle... touchant la practique du trait à preuve pour la coupe des pierres de l’éminent théoricien Girard Desargues avait déjà paru en 1640, et Abraham Bosse publie la même année que Derand La pratique du trait à preuve pour la coupe des pierres. Cette floraison d’ouvrages édités en quelques années démontre l’intérêt porté alors à la maîtrise théorique et technique de la coupe des pierres, particularité de cette « architecture à la française » qu’a décrite Jean-Marie Pérouse de Montclos. Le choix du terme de « secret » exprime bien l’ambition de Jousse de définir enfin scientifiquement ce qui appartenait auparavant à la pratique des chantiers.
L’ouvrage de Jousse a longtemps laissé croire qu’il avait fait œuvre de bâtisseur, d’autant que le privilège royal de 1635 le qualifie d’« ingénieur et architecte de la ville de La Flèche ». Des recherches menées récemment par François Le Bœuf, notamment dans les archives notariales, on peut conclure qu’il n’en est rien. Son activité professionnelle est celle d’un serrurier, terme à prendre dans sa plus large acception d’inventeur et technicien des ouvrages en fer, tant pour le bâtiment que pour la vie quotidienne (fauteuils à roulettes, prothèses de bras et de jambes), mais aussi de fabriquant de figurines et de graveur. Son inventaire après décès témoigne abondamment de son esprit inventif. Homme de la Renaissance, Jousse est curieux des sciences et des techniques, il possède des instruments scientifiques, certains de sa fabrication, et une riche bibliothèque où l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie tiennent une grande place. Précurseur de l’Encyclopédie, il veut promouvoir les arts mécaniques dans des traités pratiques nourris de son expérience et de ses rencontres.
Cet enfant de La Flèche, né vers 1575, enterré le 17 mars 1645 au cimetière Saint-Thomas, exerce dans la cité ses activités de « maître serrurier » et de « marchand » qui lui valent aisance et réputation. Son fils, prénommé comme lui (1607-1672), y exerça la profession de maître orfèvre. La Flèche est alors un important foyer d’art et de culture lié à la présence du Collège des Jésuites, fondé en 1603 par Henri IV, tant par l’importance du long chantier de construction que par l’enseignement des pères.
Jousse entretient ainsi des relations avec le frère Etienne Martellange qui vint à plusieurs reprises sur le chantier et il met à disposition du célèbre architecte ses talents de graveur pour l’illustration de sa traduction française de La perspective positive de Viator à La Flèche en 1635. Il rencontre aussi François Derand, élève du collège entre 1613 et 1615, et professeur de mathématiques entre 1618 et 1621. Dans la grande église du collège, une œuvre n’a pas manqué d’attirer l’attention par l’élégante complexité de sa stéréotomie, c’est la tribune des orgues. On l’a fréquemment attribuée à Jousse ou à Derand, mais son auteur a pu être identifié par François Le Bœuf avec Jacques Nadreau, un maître tailleur de pierre fléchois qui signa le marché en 1637. Jousse, lui, exécuta plusieurs travaux de grosse et petite serrurerie pour le collège comme pour la ville (réfection de la grosse horloge du clocher de Saint-Thomas).

Jean-Pierre Babelon (Institut, Paris) – 2006

Bibliographie critique

H.-L. Baudrier, Bibliographie lyonnaise : recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle, Paris, de Nobele, 1964, 1, p. 244.

F. Le Bœuf, « Mathurin Jousse, maître serrurier à La Flèche et théoricien d'architecture (vers 1575-1645) », In situ, 1, 2001.

P. Le Bœuf, « La Bibliothèque de Mathurin Jousse : une tentative de reconstitution », In situ, 1, 2001.

É. Pasquier & V. Dauphin, Imprimeurs et libraires de l’Anjou, Angers, Société anonyme des éditions de l’Ouest, 1932, p. 311-326.

É.-C. Pecquet, « Mathurin Jousse, architecte et ingénieur de la ville de La Flèche au XVIIe siècle », Cahiers Fléchois, 6, 1984, p. 28-41.

J.-M. Pérouse de Montclos, L’architecture à la française, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Paris, Picard, 1982, p. 96-99.

R.-A. Weigert, Inventaire du Fonds Français. Graveurs du XVIIe siècle..., Paris, Bibliothèque nationale, 5, 1968, « Jousse (Mathurin) », p. 615-617.


 

 

Notice

Le Secret d’architecture decouvrant fidelement les traits geometriques, couppes, et derobemens necessaires dans les bastiments. Enrichi d’un grand nombre de figures, adjousteées sur châque discours pour l’explication d’iceux / par Mathurin Jousse, de la ville de la Fleche. - A La Flèche : par George Griveau, imprimeur ordinaire du Roy, et du College royal, 1642. – 8°, 227 pages, 12 planches gravées sur bois : 112 planches gravées sur bois, numérotées 1-113 (la 29e est oubliée) imprimées sur le côté gauche (verso), avec explication sur côté droit (recto).
Sur la page de titre : « Avec privilege de sa Majesté ». Le privilège imprimé figure p. 8.
12 feuillets repliés comportant de plus grandes figures sont insérés face aux pages 44, 74, 92, 108, 112, 142, 188, 190, 194, 196, 198, 200 et portent la même pagination et titre propre que le verso blanc qui les précède.
Fowler 160 ; Cicognara 534 ; Berlin Kat. 2538 ; Millard French Books 82 ; RIBA 1638.
Les deux exemplaires de l’École des Beaux-Arts présentent le même bois ornemental en page de titre que celui décrit dans l’exemplaire du RIBA, ce qui confirme l’hypothèse que l’exemplaire Millard serait seul à comporter les armes du dédicataire Maillé-Brézé à cet emplacement.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 1251.
*Notes :
- Reliure de veau clair du XIXe siècle avec triple filet d’encadrement et fleuron aux angles, dos à 5 nerfs et fleuron dans les entrenerfs, roulettes dorées sur le bord des contreplats.
- Don de la veuve de Joseph Le Soufaché, 1889. Reliure estampillée au dos « J. L. ».