LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Bullant, Jean |
Titre |
Recueil d’horlogiographie... |
Adresse |
Paris, V. Sertenas, 1561 |
Localisation |
Paris, Ensba, Les 130 |
Mots matière |
Cadrans solaires, Gnomonique |
English
On doit
à Jean Bullant, architecte du connétable Anne de Montmorency,
la rédaction d’un des tout premiers ouvrages imprimés
en français – si ce n’est le premier par son ampleur
et sa pérennité – traitant de l’usage et de
la fabrication des cadrans solaires. « Nuls par cy devant n’en
ont escrit en nostre vulgaire », dit-il dans sa dédicace,
ce qui est presque vrai. Son recueil d’horologiographie (il emploie
aussi le mot horlogiographie) est imprimé à Paris
en 1561 par Jean Bridier pour Vincent Sertenas. Le livre est édité
à compte d’auteur.
Les raisons
qui ont poussé Jean Bullant à entreprendre la rédaction de ce premier livre sont multiples. La première est que, privé
à la mort d’Henri II de la charge de contrôleur des
bâtiments et, pour l’instant, au seul service du connétable
de Montmorency, il ne souhaite pas « se consommer en oisiveté
» comme il l’écrit dans son traité ultérieur
d’architecture. La deuxième est que, à l’instar
de Vitruve, sa référence culturelle majeure, l’horologiographie
semble être une dépendance naturelle de l’architecture.
La troisième est que, sur ce sujet, il y a une importante somme
d’écrits auxquels il peut se référer et même
qu’il peut copier. Dans sa dédicace au duc de Montmorency,
pair et connétable de France, Bullant indique que son ouvrage
est « tiré par la pratique du compas des autheurs qui par
cy devant en ont escrit, comme Sebastien Muster, et le très-excellent,
et très-docte mathématicien Oronce F ».
En effet Sébastien Münster (1489-1552), cosmographe allemand,
qui professe à Bâle les mathématiques, la géographie
et l’hébreu, est l’initiateur des traités
de gnomonique moderne. Il fait paraître à Bâle, en
1531, la Compositio horologiorum, in plano... et variis quadrantibus,
en 1533 l’Horologiographia, puis en 1551 les Rudimenta
mathematica.
Quant à
Oronce Fine (1494-1555), premier titulaire de la chaire de mathématique
du Collège royal fondé par François Ier, il influence
incontestablement Bullant, qui a peut-être assisté aux
leçons fort courues du professeur royal. Oronce Fine a publié
sa Protomathesis à Paris, en 1532, qui comporte une
étude sur l’art des horloges solaires (De solaribus
horologiis et quadrantibus libri IIII) que Guillaume Cavellat édite
à part en 1560. Si selon l’historien des sciences Jean-Etienne
Montucla (Histoire des mathématiques, Paris, H. Agasse,
1799-1802), « Munster se trompe quelquefois ; mais Oronce F
très-fréquemment », Jean Bullant fait le choix fort
judicieux d’emprunter plutôt au premier qu’au second.
Parmi les figures de son traité beaucoup se trouvent dans les
Rudimenta mathematica, quelques-unes sont empruntées
au De solaribus horologiis, et d’autres sont communes
aux deux traités. Par exemple, la figure très importante
« de l’horloge sous l’équateur » (page
34 du traité de Bullant) est celle de la page 40 de Fine (éd.
1560) et de la page 109 de Münster (éd. 1551). D’autre
part, les ouvrages de Münster et Fine sont écrits en latin,
et c’est la quatrième raison qui pousse Bullant à
écrire. Il veut rédiger un ouvrage en français,
car non seulement lui-même « n’est pas latin »,
mais encore il a le souci d’écrire « pour le proffit
et commodité des artizans et gens de compas ». Et ces artisans
sont encore nombreux malgré les progrès considérables
de l’horlogerie mécanique à la fin du XVIe siècle.
Ils ont pour tâche de tracer des cadrans solaires in situ
ou de les fabriquer à l’atelier, pour diverses latitudes.
Bullant, lui-même, a de « long temps fait les espreuves
d’iceux quadrans et horloges ». Il rédige donc un
traité d’horologiographie pratique et laisse « les
grands secrets [théoriques] desdits quadrans, à ceux qui
sont plus curieux ». Il utilise des consignes de construction
simples, articulées sur des figures et emploie peu de termes
techniques. Quand il propose des calculs, il les présente sous
forme d’algorithme et en donne des exemples en faisant varier
un paramètre. Par exemple, au chapitre 28, pour déterminer
la latitude d’un lieu (la hauteur du pôle arctique en ce
lieu), il donne plusieurs exemples de calculs en variant la date d’observation
du soleil à midi.
Le premier
chapitre, très inspiré de Sébastien Münster,
décrit la manière de construire le triangle fondamental
dont un des côtés portera le style qui, par son ombre,
déterminera l’heure sur toutes sortes de cadrans, horizontaux,
verticaux, etc. Pour réaliser cette construction, Bullant mobilise
une donnée essentielle : la latitude du lieu où est installé
le cadran ; or ce n’est que dans l’avant-dernier chapitre
du livre qu’il donne le moyen de la calculer. De même dans
les chapitres suivants, qui examinent une à une les différentes
positions dans l’espace d’un cadran plan, pour déterminer
ses lignes horaires, il utilise la méridienne dont la détermination
géométrique n’est décrite qu’au dernier
chapitre. La composition du recueil n’obéit donc pas à
une logique interne très rigoureuse. Cependant, l’ensemble
est loin d’être décousu. Bullant a sérié
les problèmes. D’abord, la détermination de la position
du style ou « gnome » (ch. 1), puis, le tracé des
lignes horaires (ch. 2-15), et ensuite, la mise en place des
douze signes du zodiaque (ch. 16-21). Ceci fait, il décrit
plusieurs modèles de cadran universel permettant de déterminer
l’heure en tout lieu (ch. 22-24). Dans ces chapitres
(et les deux suivants) l’influence d’Oronce Fine est prépondérante.
Par exemple, « la figure demonstrant la description de l’horloge
quadrangulaire » de la page 99, est celle de la page 179 du traité
d’Oronce Fine (éd. 1560). Il ne lui reste plus qu’à
traiter des heures nocturnes, soit en utilisant « les rays de
la lune », soit en pointant les étoiles : c’est le
sujet des chapitres 25 à 27.
Bullant,
en tant qu’architecte, aurait pu s’exprimer sur l’esthétique
des cadrans solaires, sur leur implantation dans un ensemble architectural
ou sur la manière de rendre lisibles leurs traits et la préparation
des murs, mais par modestie et souci d’efficacité il a
limité son sujet. En donnant aux artisans « commencement,
entrée, et intelligence » en horologiographie, il contribue
à la diffusion de données scientifiques et techniques
dans une société en grande mutation économique
et sociale (comme Bernard Palissy, autre protégé du connétable,
qui publie sa Recepte véritable en 1563). Jean Bullant,
théoricien de l’architecture, un des meilleurs «
sectateurs de Vitruve » selon l’expression de Fréart
de Chambray, doit aussi être considéré comme un
érudit en phase avec la réalité culturelle de son
époque.
En 1562
Bullant signe un contrat d’édition avec Guillaume Cavellat,
lequel publie cette année-là le petit traité de
géométrie de l’architecte et à la suite son
traité d’horologiographie dont il lui a racheté
six cents exemplaires. Les deux traités sont à nouveau
publiés ensemble en 1564 par Guillaume Cavellat. Sa veuve publie
à part le recueil d’horlogiographie en 1598 et ensemble
les deux traités en 1599. Enfin, en 1608, leur fille Denise fait
paraître une nouvelle édition de la géométrie
et de l’horlogiographie pratique de Bullant augmentée de
textes d’Oronce Fine et de Pierre Apian.
Jean-Pierre Manceau (Tours) – 2009
Bibliographie critique
J.-P. Manceau, « La place des mathématiques
dans les écrits de Jean Bullant et Philibert De l’Orme
», Journal de la Renaissance, 6, 2008, p. 161-172.
P. Renouard, Imprimeurs et libraires parisiens du XVIe siècle,
Fascicule Cavellat, Marnef et Cavellat, Paris, Bibliothèque nationale, 1986, p. 159, n°186.
Notice
Recueil d’horlogiographie, contenant la description, fabrication
et usage des horloges solaires / par Jehan Bullant, architecte de
haut & puissant seigneur, Monseigneur le Duc de Montmorancy, pair,
& connestable de France. – Nouvellement imprimé à
Paris : [par Jean Bridier], 1561.
142 p. et colophon, signés
A4-S4, figures incluses ; G iii imprimé par erreur G ii,
p. 128 imprimé p. 28. Adresse complétée par le colophon
: « Fin de ce present livre, intitulé Recueil d’horlogiographie,
nouvellement imprimé à Paris, par Jean Bridier imprimeur,
& se vendent ( sic) par Vincent Sertenas libraire... 1561
». Le privilège accordé à Bullant en 1560 cite
comme titre « Petit traicté de géométrie et
d’horologiographie », qui est celui qu’il reprend en
1562 et 1564 pour publier le complément sur la géométrie.
Relié à la suite du traité de géométrie.
Comolli, IV, p. 142.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 130.
*Notes :
- Demie-reliure de veau XIX e siècle à dos long. 23 x 18
cm.
- En fin de volume est glissé le billet d’adjudication de
l’étude Bonnefons de Lavialle, à M. Le Soufaché,
n° 418, 2 fr. 50.
- Legs de l’architecte Joseph Le Soufaché
à l’École des Beaux-Arts, 1890.
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