LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Viola Zanini, Giuseppe
Titre Della architettura... libri due...
Adresse Padoue, F. Bolzetta, 1629
Localisation Paris, Ensba, Gonse 321
Mots matière Géométrie, Matériaux, Ordres, Perspective
Transcription du texte

English

     Le traité de Viola aurait-il suscité un quelconque intérêt en France si Roland Fréart de Chambray, en 1650, ne l’avait proprement étrillé dans son Parallèle de l’architecture antique et de la moderne ? « Ce dernier autheur nommé Viola est de la categorie de ceux que les Italiens appellent des Cicalons, qui parlent sans cesse & quasi tousjours hors de propos. Cestui-cy s’estant proposé d’écrire des ordres & des proportions de l’Architecture, des regles de Perspective, de quelques principes de Geométrie & d’autres semblables dépendances de son principal sujet ; le pauvre homme s’est amusé à conter des fables, tellement qu’au lieu d’un livre d’Architecture, il en a fait un sans y penser de metamorphoses. Il a cela de commun avec Leon Baptiste Alberti, que ses desseins sont aussi mal ordonnez, & très mal executez ; il suit neantmoins une maniere plus elegante & assez conforme à celle de Palladio ; mais la methode dont il se sert en ses partitions est si grossiere & si mechanique, qu’il compte tout par ses doigts, & semble n’avoir jamais entendu parler ny d’Arithmétique ny de chifres » (p. 21). Cette position très critique est à peine nuancée quelques années plus tard par François Blondel dans les notes qu’il ajoute à l'Architecture françoise de bastimens particuliers de Louis Savot en 1673 : ce « grand diseur de rien » a pourtant écrit « plusieurs bonnes choses éparses çà & là dans son Livre », qui pourront être utiles à qui aura eu la patience de le lire (p. 349-350).
Giuseppe, ou, comme il se nomme lui-même, Gioseffe Viola Zanini est né à Padoue vers 1575-1580. Originaire d’une famille d’entrepreneurs et de maçons, il reçut une formation intellectuelle poussée grâce à l’architecte et humaniste padouan Vincenzo Dotto, expert en cosmographie et cartographie – on doit à Viola un plan de Padoue dressé en 1599. Son œuvre architecturale est limitée à un édifice bâti dans sa ville natale, le palais Cumano in Scalona, via Gregorio Barbarigo. Il réalisa aussi quelques décors plafonnants mettant en œuvre la technique de la quadratura dont son ouvrage traite en partie.
Tout comme l’Idea de Scamozzi parue quelques années auparavant (1615), le traité de Viola, publié à Padoue en 1629 se veut un ouvrage ambitieux. L’auteur entend traiter non seulement des règles des cinq ordres selon les meilleurs architectes, mais aussi des matériaux relatifs à la construction et des principes généraux régissant la « météorologie », les mathématiques et la perspective. Après quelques considérations générales sur la géométrie et la perspective, le premier livre s’intéresse aux pierres, aux briques, aux métaux et aux bois, puis à la distribution des demeures antiques, enfin à la situation des bâtiments relativement aux vents et aux eaux ; le second livre décrit les ordres. Le texte très érudit, émaillé de nombreuses citations, révèle une vaste culture théorique, mais le peu d’expérience de Viola en matière de bâtiments limite singulièrement la portée des développements les plus techniques. La présentation offre cette particularité rare aux XVIe et XVIIe siècles en dehors des éditions de textes anciens de compléter le texte proprement dit par d’abondantes annotations, alourdissant encore cette érudition quelque peu gratuite pour ne pas dire pédante qui agace tant Fréart de Chambray. Dans l’ensemble, le point de vue manque d’originalité : les pages sur la géométrie et la perspective du premier livre sont très influencées par Serlio (à l’exception des développements sur la quadratura), et la morphologie des ordres présentés dans le livre II, comme le souligne Chambray, rappelle fortement Palladio. Cependant, la manière dont l’auteur indique les proportions des ordres est infiniment plus sommaire : les cercles, portions de cercles et échelles graduées ramènent quasiment à l’époque du Vitruve de Cesare Cesariano, et leur système simple n’a pas grand chose à voir avec le raffinement des principes modulaires de Palladio ou Vignole.
La principale faiblesse de l’ouvrage réside dans la médiocre qualité des planches qui illustrent le propos, beaucoup plus grossières que les illustrations des Quattro libri du Vicentin. En outre, quelques dispositions très maniéristes ajoutées aux schémas de Palladio, comme les claveaux pénétrant l’architrave (p. 280, 282) ou des colonnes en bossages (p. 237, 391) renvoient à des dispositions chères à Serlio. La porte toscane (p. 285) est évidemment inspirée d’un modèle du Quarto libro. Viola utilise aussi Vignole, à qui il emprunte par exemple la présentation du chapiteau corinthien sur l’angle permettant de déterminer la saillie des rangs de feuilles (p. 401). Cet éclectisme dans le choix des références situe parfaitement Viola dans son époque : en ce début de XVIIe siècle, le temps n’est plus à l’invention de nouveaux modèles d’ordres, mais davantage à la composition et à la synthèse des formes proposées au siècle précédent.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2011

 

Bibliographie critique

A. Bellini, « G. Viola Zanini : pittore di prospettiva e trattatista di architettura », Padova e la sua Provincia, 27, 1981, p. 3-16.

A. Hopkins, « Giuseppe Viola Zanini : cartograpfo, pittore e architetto », A. Hopkins (éd.), Della Architettura di Gioseffe Viola Zanini, con la mappa di Padova del 1599, Vicence, CISA Andrea Palladio, 2001, p. XV-XXXI.

H. W. Kruft, Geschichte der Architekturtheorie : von der Antike bis zur Gegenwart, Munich, Beck, 2004 (1985).


 

Notice

Della architettura di Gioseffe Viola Zanini, padovano pittore et architetto. Libri due ne’quali con nuova simmetria & facoltà si mostrano le giuste regole dei cinque ordini di detta architettura, & osservationi de’ più eccellenti architetti... te (sic) prima di quelle materie, che sono appartenenti a fabricare, come pietre, legnami, metalli & alla dispositione, secondo le parti celesti. Con alcune diffinitioni de’ principii geometrici, meteorologici e mathematici et regole nella prospettiva et della simmetria humana...- Padoua : appresso Francesco Bolzetta, 1629.
2 tomes en 1 volume, pièces liminaires, 497 p. et 2 p. d’errata : figures gravées sur bois, in-4 (22 cm). Marque au titre, bandeaux, vignettes, lettrines ornées, figures, gravures sur bois.
Titre du second tome : « Nelquale si tratta delli cinque ordini, et adornamenti d’architettura [...] ».
Cicognara 687 ; Berlin Katalog 2614 ; Fowler 446.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Gonse 321.
*Note :
- Legs Henriette Gonse, 2005.