LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Du Breuil, Jean [Silvère de Bitainvieu]
Titre Art universel des fortifications...
Adresse Paris, J. I Du Breuil, 1665
Localisation  
Mots matière Fortifications
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Transcription du texte

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     L’auteur qui écrit sous le pseudonyme de Silvère de Bitainvieu est Jean Du Breuil (1602-1670), fils du libraire parisien Claude Du Breuil. Après avoir exercé la profession de son père, il est entré dans la Compagnie de Jésus. Son séjour de plusieurs années à Rome lui a permis de s’intéresser à l’architecture.
L’art universel des fortifications françaises, hollandoises, espagnoles, italiennes et composées publié en 1665, dans l’atelier familial est après La perspective practique (1642), son second ouvrage. Le R.P. jésuite choisit de se faire passer pour un soldat rompu à la pratique de la fortification, ce qui explique le choix du pseudonyme Silvère de Bitainvieu, anagramme de « iean du brevil iésvite » et la dédicace du livre à Georges de Guiscard, commandant la frontière de Sedan. Il s’adresse aux fils de la noblesse, qu’il souhaite initier à l’architecture militaire, mais ne veut pas passer pour un pédagogue en chambre, comme ses prédécesseurs les Pères Jésuites auteurs de traités d’art militaire, Pierre Bourdin Le Dessein ou la perspective militaire..., 1655) ou Georges Fournier (Traité des fortifications, ou Architecture militaire, 1648) par exemple.
Silvère de Bitainvieu souhaite donner un manuel de fortifications clair et simple aux jeunes nobles qui fréquentent les collèges des jésuites, en prétendant qu’il est un « homme d’expérience et tout occupé de pratique ». Pourtant ce sont surtout les mathématiques et leurs applications à la fortification et à l’art des sièges qui l’intéressent. Le plan de son ouvrage en six traités reflète la préoccupation d’un enseignant soucieux de familiariser à la fortification des nobles appelés à faire une carrière militaire, ce qui leur permettra de servir le roi, « comme de droit la noblesse y est obligée plus que tous les autres » (préface). Suivant la démarche classique des manuels de mathématiques qui s’adressent à des nobles dont les connaissances sont souvent rudimentaires en ce domaine, il débute par des définitions, suivies des vingt « Maximes générales » qui font une bonne fortification. Ce n’est que dans le traité suivant (traité II) qu’il aborde l’art universel de la fortification qui peut servir dans tous les cas. Il le réduit à quatre méthodes de fortification associées à quatre pays (France, Hollande, Espagne, Italie). L’auteur donne alors une leçon de géométrie et de dessin afin de tracer des plans de fortifications régulières avec une règle et un compas, ce qui est, dit-il dans la préface, « fort commode à la noblesse prompte à vouloir apprendre et mettre en pratique, comme je l’ay reconnu souvent », alors même que la répétition de l’invitation à s’exercer faite aux jeunes nobles, tout au long de l’ouvrage, vient contredire cette affirmation. Il décline sous différentes formes la recommandation de la légende de la gravure de Le Pautre qui introduit ce traité :
            « La Règle et le Compas, dans la main d’un Guerrier
            Quand il sçait imiter cette Illustre Maitresse
            Luy font avec plus de justesse
            Trancher au champ de Mars, la Palme et le Laurier »
La répétition des exercices géométriques, plus que le dessin qui, de fait, consiste à « tracer des lignes », associée à la connaissance de l’enseignement des prédécesseurs, prioritairement Jean Errard, le premier à avoir réduit en art la fortification, sont les étapes nécessaires. Le lecteur peut ensuite comprendre les quatre méthodes qui, selon l’auteur, résument la fortification, grâce à son exposé simplifié et aux tables supputées. Ces dernières ne sont pas encore usuelles dans les ouvrages destinés aux jeunes nobles, ce qui conduit l’auteur à leur accorder de longs développements pour en encourager la lecture et l’usage. Il invite ensuite le lecteur à voir les plans, comme l’ingénieur sait le faire, en lui indiquant la méthode pour « l’élévation des plans selon une perspective simple ». Ce n’est pas la véritable perspective « difficile d’abord et mal aisée à pratiquer » prônée par Descartes, mais celle qu’il a décrite dans son ouvrage de 1642 La perspective practique et qu’il expose dans le traité IV. Au terme de cette initiation à la fortification, il donne les principaux éléments de l’attaque et de la défense des places en reprenant les principes énoncés dans les traités spécialisés antérieurs, mais sans proposer de plan de villes pour ne pas « faire grossir » le livre. Il renvoie aux planches de Christophe Tassin, géographe du roi.
L’ouvrage est donc un bon manuel pour jeunes gentilshommes. Jean Du Breuil est conscient qu’il doit apporter des informations simples et précises car, écrit-il, « cette science est belle et aymée de la noblesse, qui pourtant ne se mesle pas beaucoup d’Euclide ». Il donne ainsi des détails sur la force des mousquets ou sur la pénétration des boulets de canons mais ne veut pas encombrer la tête de ses lecteurs avec des tables de sinus « qu’on peut laisser aux mathématiciens ». Ce livre confirme la place grandissante de l’enseignement des mathématiques appliquées à la fortification dans la formation des nobles et de la reconnaissance dans les années 1660-1670 des ingénieurs auxquels l’auteur s’identifie quand il prétend donner le point de vue du professionnel qui généralise (art universel). Le succès de ce livre, comme celui du R. P. Milliet de Chales (L’art de fortifier, de défendre et d’attaquer des places..., 1677) ont contribué à systématiser la fortification, ce qui provoquera une critique acerbe de Vauban qui refuse au nom du bon sens et de sa grande expérience cette présentation des « manières de », écrivant à propos des règles : « Il ne suffit pas de les appuyer sur des principes indisputables en matière de fortification sy elles se trouvent contraires dans la pratique et sur le terrain ».
Une seconde édition augmentée fut publiée deux ans plus tard en 1667, toujours dans l’atelier familial et retirée en 1668. Une nouvelle édition, posthume, parut en 1674.

Michèle Virol (Université de Rouen) – 2011

Bibliographie critique

F. de Dainville, « L’enseignement des mathématiques dans les collèges jésuites de France au XVIe et XVIIIe siècle (II) », Revue d’histoire des sciences,1954, vol. 7, 2, p. 109-123.

K. Jordan, Bibliographie zur Geschichte des Festungsbaues von den Anfängen bis 1914, Marburg, Deutschen Gesellschaft für Festungsforschung e. V., 2003.

J. Langins, Conserving the enlightenment, Boston, MIT Press, 2004.

M. D. Pollak, Military Architecture Cartography and the Representation of the Early Modern European City : A Checklist of Treatises on Fortification in the Newberry Library, Chicago, Newberry Library, 1991, p. 32.

H. Vérin, La gloire des ingénieurs, Paris, Albin Michel, 1993.