LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Perrault, Charles
Leclerc, Sébastien (graveur)
Titre Labyrinte de Versailles
Adresse Paris, Imprimerie Royale, 1677
Localisation  
Mots matière Jardin, fontaines, sculptures
Consultation de l’ouvrage
Transcription du texte

English

     Universellement connu comme l’auteur des Histoires ou contes du temps passé, publiés en 1697, Charles Perrault (Paris, 1628 – Paris, 1703) fut sans doute le membre le plus illustre d’une famille de la haute bourgeoisie parisienne du XVIIe siècle. Parmi ses cinq frères, Pierre fut receveur général des finances de Paris, Claude fut médecin et architecte et Nicolas un théologien séduit par le jansénisme : brillants intellectuels, tous firent parti du clan des Modernes, dont un des manifestes fut précisément le poème de Charles, Le Siècle de Louis le Grand, lu en 1687 à l’Académie française. Après une carrière de commis chez son frère Pierre, Charles Perrault fut appelé par Colbert à la place de secrétaire de la Petite Académie, future Académie des inscriptions et belles lettres, une institution chargée de définir l’iconographie des programmes royaux dans le domaine des bâtiments, des tapisseries et des médailles et, plus largement, dans celui de l’aménagement et du décor des résidences royales. En 1668, Charles Perrault fut nommé premier commis de la Surintendance des Bâtiments du roi, où il fut appelé à seconder Colbert, jusqu’en 1683, dans la mise en œuvre de la politique artistique et scientifique de Louis XIV. Il tira avantage de cette position pour faire nommer son frère Claude à l’Académie des sciences avant d’être lui-même élu en 1671 à l’Académie française. C’est dans le cadre de ses fonctions qu’il eut à surveiller le déroulement des travaux à Versailles.
Attesté sur un plan des jardins daté de 1664, le bosquet du Labyrinthe de Versailles, conçu par André Le Nôtre, fut pourvu par la suite de trente-neuf fontaines ornées d’animaux de plomb polychromé : leur réalisation est attestée par les comptes des Bâtiments du roi à partir de 1672. À quelques exceptions près, chacune des fontaines mettait en scène un épisode tiré des fables d’Ésope, un texte qui avait déjà inspiré La Fontaine en 1668. Pour autant, ce n’est pas au fabuliste en disgrâce que fut demandé le programme des fontaines du Labyrinthe, mais plus probablement à Perrault lui-même, quoiqu’il ne le revendique pas dans les Mémoires de ma vie : c’est ce qui expliquerait la publication du Labyrinthe de Versailles en 1677, à une date où le décor sculpté du Labyrinthe était pratiquement achevé. « On a choisi pour sujet de ces fontaines une partie des fables d’Æsope », dont plusieurs ne furent pas traitées par La Fontaine. Les animaux de plomb coloré au naturel « semblent dans l’action mesme qu’ils représentent, d’autant plus que l’eau qu’ils jettent imite en quelque sorte la parole que la fable leur a donnée ». Au moyen d’une inscription peinte sur une plaque probablement en plomb, chaque fontaine était légendée d’un quatrain rédigé par le poète Isaac Benserade, dont le texte fut transcrit par Perrault.
Dans une sorte de préface, en tête de l’ouvrage, Perrault donne la clé du programme sculpté du Labyrinthe. L’entrée est en effet encadrée par deux statues de plomb représentant Ésope et L’Amour : « Æsope tient un rouleau de papier et montre l’Amour qui tient un peloton de fil, comme pour faire connoître que si ce dieu engage les hommes dans de fâcheux labyrinthes, il n’a pas moins le secret de les en tirer lorsqu’il est accompagné de la sagesse, dont Æsope dans ses fables enseigne le chemin ». Suit une description des trente-neuf fontaines ou fables (p. 7-34), désignées par un titre court (« Le duc et les oiseaux », « Le coq et la perdrix », etc.), résumées quant à l’action qui s’y déroule et sommairement décrites en tant que telles. À la fin de son texte, Perrault indique que son but n’a été que de donner de ces fontaines « quelque idée à ceux qui ne les ont jamais veues », voire éventuellement de « rafraischir la mémoire » des autres. De fait, le bosquet était clos de grilles fermées à clef et l’ouvrage de Perrault, assez exceptionnel en ce qui concerne les bosquets de Versailles, a sans doute été conçu pour révéler à un public plus large les beautés cachées dues à la magnificence royale. La seconde partie de l’ouvrage, objet d’une nouvelle pagination, s’ouvre par un plan légendé du bosquet indiquant un parcours de visite. Suivent quarante gravures de Sébastien Leclerc montrant l’entrée du bosquet et les trente-neuf fontaines. En vis-à-vis de chacune des gravures, le titre des fontaines est repris de la première partie, mais il est cette fois accompagné des quatrains de Benserade.
Sans être explicitement désigné, l’ouvrage de Perrault, « dont le seul nom de l’autheur suffiroit pour la rendre recommandable », fut annoncé dès 1674, dans la Description sommaire du chasteau de Versailles par André Félibien (Paris, Guillaume Desprez, p. 94). De fait, en 1675, dans la « Lettre à Monsieur Bontemps » figurant en tête de son Recueil de divers ouvrages en prose et en vers imprimé chez Jean-Baptiste Coignard à Paris, Charles Perrault indiquait avoir conçu dès 1673 le projet de donner une description en vers de toutes les fontaines de Versailles. Et, aux p. 225-268 de ce même recueil, « Le Labirinte de Versailles » énumérait trente-huit fontaines (à l'exception de celle illustrant « Les grenouilles et Jupiter »), assorties de courts poèmes, parmi lesquels ceux « pour mettre dans le piédestail de la figure d’Ésope » et sur celui de la statue de L’Amour. À ces poèmes de Perrault furent en fin de compte préférés, pour une raison inconnue, les quatrains de Benserade édités par le même Perrault en 1677. Le texte publié en 1675 ne comporte aucune illustration, mais il est aussi connu par deux versions manuscrites (Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, inv. Vms 22 ; Versailles, Bibliothèque municipale, manuscrit M 59), non datées, assorties de gravures de Leclerc correspondant aux trente-huit fontaines. Reliée aux armes royales et portant le chiffre de Louis XIV sur le dos de sa reliure, une troisième version manuscrite, dont les gravures de Leclerc ont été richement enluminées par Jacques Bailly, ne comporte elle aussi que trente-huit fontaines, mais le texte, sans introduction, est déjà celui de Benserade (Paris, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit-Palais, inv. Dutuit 724).
Réédité en 1679, le Labyrinthe de Versailles de Charles Perrault est capital pour connaître précisément un des bosquets les plus étonnants des jardins de Versailles, détruit à la faveur de la replantation de ces derniers en 1775. N’en subsistent, dans les réserves du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, que trente-quatre beaux et émouvants fragments de fontaines en plomb, ainsi que les statues de l’Amour et d’Ésope, préservés par miracle. Il est regrettable que Perrault n’ait pas fait mention des artistes qui avaient collaboré à la réalisation de cet ensemble : en dehors des deux statues citées, dues à Tuby et à Legros, et de quelques fragments, les sources manquent pour attribuer en toute certitude un certain nombre d’éléments sculptés qui sont conservés.

Alexandre Maral (Château de Versailles) – 2010

Bibliographie critique

M. Conan, « Les jardins infinis », postface à l’édition du Labyrinthe de Versailles de C. Perrault, Paris, Éditions du Moniteur, 1982.

P. Hourcade, « Esope à Versailles », Le Fablier. Revue des Amis de Jean de La Fontaine, 1, 1989, p. 53-61.

A. Maral, recherches inédites, dans le cadre de la préparation du catalogue raisonné des sculptures des jardins de Versailles.

M. Préaud, Département des Estampes, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, 9, Sébastien Leclerc, 2, Paris, Bibliothèque nationale, 1980, p. 211-221.