LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Vitruve
Cesariano & Fra Giocondo (d’après)
Titre

M. Vitruvii de architectura libri decem, summa diligentia recogniti, atqu; excusi...

Adresse [Lyon, L. de Gabiano], 1523
Localisation
Einsiedeln, Stiftung Bibliothek Werner Oechslin, A 04c ; app. 229
Mots matière Architecture
Transcription du texte

English

Le Vitruve publié par Cesariano en 1521 ainsi que celui de Giocondo (1511) et les éditions qu’en donnèrent peu après les Giunti à Florence (1513, 1522) n’échappèrent pas à l’attention de la famille Gabiano, originaire d’Asti, dont une partie s’était installée à Lyon. À la mort de Baldassare, son jeune frère Luxembourg (Lucimborgo) fut envoyé par son oncle Giovanni Bartolomeo prendre la direction de l’atelier lyonnais (Nuovo 2018). C’est lui qui assura l’édition d’un Vitruve de poche inspiré des éditions in-octavo publiées à Florence (Fowler 397, RIBA 3494), dont elle reprit outre le format in-8°, la dédicace à Julien de Médicis, la table des matières et l’index. Le texte fut illustré la fois par les planches de Giocondo et par celles plus récentes de Cesariano. Les gravures se distinguent par leur qualité bien supérieure à celles des Giunti, car les 136 xylographies de Giocondo ont été copiées de l’édition princeps de 1511 et réduites avec grand soin ; les quatre nouveaux bois apparus dans les éditions florentines n'ont pas été repris. Trente-quatre autres qui proviennent du Vitruvio de 1521 ont été drastiquement réduites pour s’adapter au petit format : signalées par un astérisque, elles sont présentées comme inédites dans la page de titre (« cum nonnullis figuris sub hoc signo * positis numquam antea impræssis »). La publication, on le sait depuis peu, fut retardée en raison de la peste qui sévit à Lyon en 1522 et dont fut victime Guillaume Huyon, l’imprimeur habituel des Gabiano, ce qui obligea Luxembourg à trouver d’autres caractères : il alla les chercher à Florence, peut-être même chez les Giunti. Il y eut aussi beaucoup de retard pour les 34 nouvelles illustrations. Le texte du traité a, comme toujours dans le cas d’une nouvelle édition, été révisé, mais il s’appuie sur le texte de l’édition princeps de Giocondo de 1511 (Pagliara 2004) sans prendre en compte le quart des errata auxquels Giocondo tenait tant (Tura 2011).
     Le Vitruve de 1523 est de fait la première édition de l’auteur latin publiée en France. Elle est novatrice à cette date en ce sens qu’elle est accessible à la fois aux cercles cultivés qui lisent le latin et à un plus large public qui accède par le biais de l’image au nouveau langage à l’antique tel que Giocondo l’a diffusé en 1511 (entablement dorique et sa frise avec bucrane en particulier) et selon l’interprétation de Cesariano, moins humaniste et plus marquée par l’architecture de l’Italie du Nord. Il n’est pas étonnant que les héritiers de Balthazar, qui s’était déjà illustré dans les contrefaçons des célèbres éditions aldines, aient eu l’idée de proposer une édition « enrichie » de Vitruve qui pouvait être un « must » dans son aspect composite et son contenu récent, comme dans l’illustration, raffinée en dépit du format réduit, de la mauvaise qualité du papier et d’une mise en page aléatoire. L’édition lyonnaise eut un beau succès commercial vu le nombre d’exemplaires aujourd’hui conservés. Il ne faut donc pas négliger le rôle qu’elle joua dans la diffusion en France des formes vitruviennes ou pseudo-vitruviennes.

 

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2022

Bibliographie critique

Giovanni Giocondo umanista, architetto e antiquario, a cura di P. Gros & P. N. Pagliara, Venise, Marsilio, 2015.

W. Kemp & S. Richards, « Les contrefaçons lyonnaises de livres d’Aldo Manuce et le premier traité illustré sur l’architecture imprimé en France, le Vitruve de 1523 », communication inédite dans le cadre des Onzièmes entretiens du Centre Jacques Cartier, Lyon l7-10 décembre 1998.

F. Lemerle, « La complexité de l’entreprise éditoriale à la Renaissance : le cas du De architectura de Vitruve », M. Furno (éd.), Qui écrit ? Figures de l’auteur et poids des co-élaborateurs du texte (XVe-XVIIe siècles), PENS, collection IHL, 2009, p. 151-164.

F. Lemerle, « Le bucrane dans la frise dorique à la Renaissance : un motif véronais », Annali di architettura, 8, 1996, p. 85-92.

F. Lemerle & Y. Pauwels, Architectures de papier. La France et l’Europe (XVIe-XVIIe siècles), Turnhout, Brepols, 2013, p. 18, 31-32.

F. Lemerle, « Philandrier et Giocondo », Giovanni Giocondo umanista, architetto e antiquario, a cura di P. Gros & P. N. Pagliara, Venise, Marsilio, 2015, p. 185-194.

F. Lemerle, « Le Vitruvio de 1521 dans la littérature vitruvienne », F. Lemerle, Y. Pauwels & V. Zara (dir.), Il Vitruvio di Cesare Cesariano (Como, 1521), à paraître.

A. Nuovo, « Transferring humanism: the edition of Vitruvius by Lucimborgo de Gabiano (Lyon 1523) »,G. Proot, D. McKitterick, A. Nuovo & P. F. Gehl (dir.), Lux Librorum. Essays on books and history for Chris Coppen, Mechele Flanders Book Historical Society, 2018, p. 17-37.

P. N. Pagliara, « Le De architectura de Vitruve édité par les Gabiano, à Lyon en 1523 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire active, 2004, p. 359-365.

A. Tura, « Un Vitruvio a Vicenza, un Alberti a New York », Pegasus, Berliner Beiträge zum Nachleben der Antike, 13, 2011, p. 29-39.