LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s)

Fréart de Chambray, Roland
Errard, Charles
Jollain, François

Titre
Parallèle de l’architecture antique et de la moderne... Seconde édition augmentée des piedestaux...
Adresse Paris, F. Jollain, 1689
Localisation  
Mots matière Ordres
Consultation de l’ouvrage
Transcription du texte

English

     Treize ans après la mort de Roland Fréart de Chambray, le « marchand graveur » François Jollain l’aîné prit l’initiative de republier le Parallèle de l’architecture antique et de la moderne. Cette réédition attendue depuis plus de trente ans est justifiée par le fait que la première est épuisée depuis sa parution et que « la rareté du Livre en a rendu le prix excessif » (Préface). Fréart de Chambray, dit-il, est « presque le premier qui a fait connoître en France cette grandeur de maniere, qui donne aux principaux membre de chaque Ordre peu de parties ; mais grandes & d’un grand relief, afin que l’œil ne voyant rien de petit, l’imagination en fût plus vivement touchée ». Chambray, en d’autres termes, est le premier théoricien des ordres classiques, ceux-là même utilisés par les Mansart, Le Vau et Le Mercier dans les grands chantiers parisiens ou d’Île de France.
L’édition procurée par Jollain a la particularité par rapport à l’édition originale d’être gravée (texte et images), à l’exclusion des premières pages comportant la préface et la page de titre. Au début de la préface Jollain précise qu’il donne un autre ordre que celui suivi par l’auteur, sans toutefois s’écarter de ses sentiments ni s’éloigner même de son expression. À la fin il justifie la liberté qu’il a prise « d’abreger plusieurs choses que Monsieur de Chambray avoit dites dans des termes trop étendus » pour « diminuer le prix de ce Livre, en évitant les frais de l’impression. » En revanche il s’est autorisé pour chacun des ordres à ajouter le piédestal « des meilleurs auteurs ». L’édition in-folio proposée en 1689 est donc une version revue, abrégée et augmentée du Parallèle, un manuel des ordres à l’usage des praticiens et maîtres-maçons, du même type que les Regles des cinq ordres de Vignole « revues, augmentées et réduite » données par Le Muet en 1632.
En 1689 on ne retrouve plus le portrait de Sublet de Noyers en frontispice, ni la dédicace de Fréart de Chambray à ses frères, ni le privilège. Dans sa préface Jollain reprend le texte de l’avant-propos dans une version abrégée et le fait suivre du texte du chapitre 6 de l’édition originale fortement réduit, où Chambray présentait et jugeait les dix auteurs qu’il avait choisis. Enfin il gomme la séparation des ordres grecs des ordres latins, objet de deux parties distinctes, qui faisait l’originalité foncière de l’ouvrage : cent pages de textes et d’illustrations se succèdent désormais sans découpage signifiant ni numéros de chapitres, avec un texte très abrégé (page impaire) et une illustration (page paire). Les gravures ont été refaites ; celles représentant les antiques sont toutes inversées à l’exception de l’ordre persique. Mais pour chaque ordre sont ajoutés à la fin du propos les piédestaux selon huit auteurs : Palladio, Scamozzi, Vignole, Serlio faisant l’objet d’un même texte et d’une seule planche, puis Cataneo, Viola, Bullant, De l’Orme occupant les deux pages suivantes (texte et images). Ces huit auteurs sont retenus pour les ordres doriques et ioniques, Palladio, Scamozzi, Vignole, Serlio seulement pour les ordres corinthiens, toscans et composites. Curieusement à la fin de l’ouvrage ont été insérés dans l’« Explication des Termes de l’architecture » le profil dorique selon Vitruve et celui de l’ordre corinthien du temple des Dioscures à Rome (p. 96).
Ce faisant le Parallèle, ouvrage polémique et politique, commande de Sublet de Noyers à son cousin pour remettre l’architecture dans le droit chemin, est réduit à un manuel efficace et commode des plus beaux ordres antiques et modernes, un catalogue de modèles avec notices explicatives pour praticien en mal d’inspiration. La présentation impeccable des ordres avec l’unification des illustrations procurée par le choix d’un même module au prix quelquefois de choix arbitraires, eut pour conséquence fâcheuse d’occulter la pensée originale.
Demeurent mais de façon moins évidente le primat des ordres grec, la supériorité des Anciens sur les Modernes, de par l’importance des pages qui leur sont consacrées, enfin le degré d’excellence des architectes retenus. Toutes les critiques enfin sur le composite, ordre hybride et monstrueux, ont été gommées.
L’édition de François Jollain propose moins un Parallèle moralisé que « modernisé » et simplifié destiné aux maîtres d’œuvre. Malgré son but commercial revendiqué et sans s’inscrire dans la politique éditoriale du pouvoir illustrée, entre autres, par les Vitruve (1673, 1674, 1684) et l’Ordonnance des cinq espèces de colonnes (1683) de Claude Perrault, ou les Édifices antiques d’Antoine Desgodets (1682), elle atteste la fortune du Parallèle lu désormais comme un recueil de modèles. La publication s’ajoute au Vignole réduit et augmenté de Le Muet.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2011

Bibliographie critique

R. Fréart de Chambray, Parallèle de l’architecture antique avec la moderne (Paris, 1650), Édition critique établie par F. Lemerle, suivie de l’Idée de la perfection de la peinture, édition établie par M. Stanic, Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2005.

F. Lemerle, « Fréart de Chambray : les enjeux du Parallèle », XVIIe siècle, 196, 1997, p. 419-453.

F. Lemerle, « Une querelle des Anciens et des Modernes en architecture : Fréart de Chambray », Travaux de Littérature, 12, 1999, p. 37-47.

F. Lemerle, « À l’origine du palladianisme européen : Pierre Le Muet et Roland Fréart de Chambray », Revue de l'art, 178, 2012-4, p. 43-47.

F. Lemerle, « Le Parallèle et l’Idée », É. Lavezzi (éd.), Lectures de l’Idée de la perfection de la peinture, à paraître.

A. Palladio, Les quatre livres de l’architecture d’Andrea Palladio, Traduit par R. Fréart de Chambray, Introduction par F. Lemerle, Paris, Flammarion, 2002 (1ère éd. : Paris, Flammarion, 1997).