LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Caus, Salomon de
Titre Les raisons des forces mouvantes...
Adresse Francfort, J. Norton, 1615
Localisation Heidelberg, Ruprecht Karls Universitäts Bibliothek, L 1639-1 Folio Res I-3
Mots matière Hydraulique, Jardins, Machines
Transcription du texte

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     Curieusement, le titre ne correspond pas au contenu de l’ouvrage qui comprend un Livre troisiesme traitant de la fabrique des orgues. Pour essayer de comprendre les raisons de cette omission, nous pouvons nous reporter au privilège qui l’accompagne. Le 17 octobre 1614, Salomon de Caus obtenait du roi Louis XIII un privilège pour la publication de quatre livres : Raisons des forces mouvantes avec plusieurs machines tant utiles que plaisantes ; De la Theorie & Pratique de Musique ; Constructions de quelques machines hidrauliques ; Desseings de grotes Artificielles et Fontaines. Le premier et le dernier de ces livres sont les seuls annoncés dans le frontispice de la présente publication. Le second a donné lieu à l’Institution Harmonique, disponible également en 1615 à Francfort, en la boutique de Jan Norton. Le Livre troisiesme traitant de la fabrique des orgues de la présente publication pourrait correspondre à une partie du livre annoncé dans le privilège, Constructions de quelques machines hidrauliques. En effet, dans la dédicace à la Princesse Elisabeth de l’Institution Harmonique (15 septembre 1614) Salomon de Caus fait référence à un traité inachevé, « De la fabrique des machines hidrauliques, commencé soubs mon bon maistre d’heureuse memoire le Serenissime Prince de Galles, ou par lesdites Machines, il se pourra représenter avec le cours de l’eau une parfaite harmonie ». Cette hypothèse est d’une part corroborée par l’annonce qui clôt l’ouvrage : « je mettray fin pour le present a ce troisiesme livre esperant avec le temps d’en faire encore un ou seront montrees quelques machines fort rares & que je tiens fort secrettes… » et d’autre part par le fait que ce livre troisième, contrairement aux deux premiers, ne comprend ni frontispice, ni dédicace, ni gravures sur cuivre. Tout ceci laisse entendre que l’ouvrage édité en 1615 le fut non sans repentirs, et sans doute fut composé à la hâte de travaux bien antérieurs, peut-être afin de présenter l’ensemble des compétences que Salomon de Caus avait déjà exercées à ce moment d’une carrière encore riche de possibles et en conservant néanmoins le privilège pour une publication ultérieure.
Le premier livre des Raisons des forces mouvantes est à plusieurs égards remarquable. Il se distingue des théâtres de machines contemporains par une ambition théorique affirmée dans sa présentation en définitions, théorèmes et problèmes : les définitions établissent le cadre général de la physique aristotélicienne des quatre éléments. Les dix-huit théorèmes fournissent les données de la théorie mécanique appliquée aux machines hydrauliques.
Deuxième point remarquable, Salomon de Caus aborde chaque théorème du point de vue des raisons, c’est-à-dire des proportions des forces mouvantes (et non de l’équilibre). Cette approche lui permet de mettre en avant la composition des forces qui s’exercent, ce qui a été salué plus tard comme l’une des premières expressions de l’idée de force composée ou moment. Enfin, les trente-cinq problèmes sont des applications des propriétés des forces mouvantes dans autant de machines tant utiles que plaisantes.
Un autre trait remarquable est le souci de donner au lecteur des éléments d’information qui, dans les autres théâtres de machines, sont laissées à l’appréciation des constructeurs : « plans orthographiques », parfois à l’échelle, précision de dimensions, ou des qualités des matières (composition de certains mortiers). Ces dernières remarques concernent également les livres 2 et 3.
L’ensemble place Salomon de Caus dans une position singulière relativement aux mécaniciens contemporains, par cette alliance entre théorie et pratique et entre physique et mécanique, dans le corps même de l’ouvrage où le recours au théorique est à la fois revendiqué et toujours limité à l’utile et à l’indispensable. À cet égard, on ne peut manquer d’apercevoir son intérêt tout particulier pour des applications possibles des Spiritali de Héron d’Alexandrie, alors récemment republiés en italien, applications de l’usage du « feu artificiel » pour produire de la vapeur d’eau motrice, mais également, du « feu naturel », le soleil, pour mettre en mouvement certaines fontaines. Si le XIXe siècle loua inconsidérément en lui l’inventeur de la machine à vapeur, notre siècle, imbu de « solaire » pourra y apercevoir un précurseur.

Hélène Vérin (Cnrs, Paris) – 2009

 

Bibliographie critique

C. Maks, Salomon de Caus 1576-1626, Paris, Jouve & Cie, 1935.

L. Morgan, Nature as Model. Salomon de Caus and Early Seventeeth-century Landscape Design, Philadelphie, Pennsylvanie, University of Pennsylvania Press, 2007.

L. Châtelet-Lange, « Salomon de Caus, contestation d’un mythe », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, 1988 (1989), p. 25-32.



 

 

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