LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Vitruve
Fra Giocondo
Titre M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula...
Adresse Venise, G. da Tridentino, 1511
Localisation Tours, Cesr, SR/8B (2994)
Mots matière Architecture
Transcription du texte

English

     Le De architectura de Vitruve parut à Venise en 1511 chez Giovanni da Tridentino, alias Tacuino. Cette très belle édition in-folio établie par Fra Giovanni Giocondo (c1435-1515) fit date, car le Véronais proposait à la fois un texte considérablement amendé par rapport aux trois premières éditions (c1486, 1496 et 1497) et cent trente-six gravures sur bois, les illustrations du traité original étant perdues. Au crépuscule de sa vie, Giocondo, ingénieur renommé, familier des textes techniques et scientifiques des Anciens, mais encore philologue compétent et épigraphiste averti, de surcroît excellent connaisseur des ruines, apportait ses multiples compétences à la compréhension d’un texte difficile d’accès et lacunaire. L’architecte humaniste voulait rendre le traité vitruvien lisible, c’est-à-dire compréhensible et partant utilisable aussi bien par les érudits que par les praticiens. Dans cette optique il ajouta à la fin de l’ouvrage un précieux lexique.
Les corrections apportées ponctuellement par Giocondo ont souvent été retenues par les éditeurs modernes. Les illustrations des livres III et IV consacrés aux temples et à leur décor, soit aux colonnes et à leurs entablements, comme celles du livre VI sur la maison, constituaient un précieux commentaire du texte qui allait influencer durablement les études vitruviennes. La planche du folio 37 diffusa par exemple le motif du bucrane dans la frise dorique, dont le décor n’avait pas été décrit par Vitruve. Fra Giocondo, toujours soucieux de rendre le De architectura plus accessible, compléta les prescriptions vitruviennes en proposant un modèle d’entablement identique à celui du théâtre de Vérone, qu’il connaissait bien, où les triglyphes alternent avec des métopes ornées de bucranes et de patères, non décrits par l’architecte romain et rarement utilisés dans les monuments antiques de Rome, à l’exception de la basilique Æmilia détruite au début du XVIe siècle. Le modèle du Véronais fut suivi par la quasi totalité des théoriciens du Cinquecento : il se retrouve dans les Medidas del Romano de Diego de Sagredo (1526), comme dans la série de planches gravées par Agostino Veneziano que Serlio publie à Venise en 1528 et dans ses Regole generali (1537). Il est ensuite consacré par Philandrier en 1544, Vignole en 1562 et Palladio en 1570.
Le Vitruve de 1511 fut réédité dans un format in-octavo à Florence, avec quelques variantes, par Filippo Giunta en 1513 et en 1522 par ses héritiers. Ces trois éditions furent largement diffusées et furent entre les mains aussi bien d’architectes comme Antonio da Sangallo ou d’humanistes comme Guillaume Philandrier. L’édition de Vitruve publiée à Lyon par les Gabiano en 1523 s’en inspira directement, en reprenant par exemple un certain nombre d’illustrations.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2006

     L’exemplaire de la bibliothèque du CESR de Tours, qui provient du couvent des Dominicains de Toulouse, présente sur le frontispice la même indication manuscrite que sur l’exemplaire conservé à Paris, à la Bibliothèque Mazarine (2° 4780-1 Res), mais avec une variante (codex au lieu de exemplar) ; les annotations marginales, dues apparemment à la même main, s’y retrouvent, mais seulement jusqu’à la page 19r°, la suite du texte n’étant plus que sporadiquement et brièvement commentée. L’exemplaire de la Bibliothèque Mazarine, dont la couverture fut sans doute refaite au XVIIIe siècle, porte un ancien numéro à demi effacé (25162), qui prouve qu’il fut acquis assez précocement puisqu’on le retrouve dans l’Inventaire du 9 décembre 1690, avec la mention « Vitruvium Jocondi Venise 1511 ». En haut du frontispice, la mention manuscrite, qui a longtemps passé, à tort, pour un ex libris, est en réalité une citation tirée d’un ouvrage de Giovanni Battista Pio (Bologne, 1505), comme l’a compris Adolfo Tura. Ses marges sont couvertes d’un grand nombre d’annotations rédigées en latin ; malgré les différences qui peuvent être observées dans la couleur de l’encre, l’ensemble est dû selon toute apparence à la même main, celle d’un humaniste de la seconde moitié du XVIe siècle. Ces notes, riches de citations d’auteurs anciens, de commentaires terminologiques, de rapports fractionnaires, avec de nombreux renvois internes, sont particulièrement denses dans les sept premiers livres. Elles se raréfient ensuite mais ne cessent pas. Les xylographies sont souvent enrichies d’indications diverses, voire « corrigées » et parfois même remplacées par des images nouvelles, soigneusement collées à l’emplacement des illustrations originales. Il s’agit donc d’un exemplaire de travail, dont l’étude en cours devrait permettre d’identifier le propriétaire et éventuellement l’œuvre dont il constitue la préparation.

Pierre Gros (Institut, Paris) – 2013

 

Bibliographie critique

L. A. Ciapponi, « Fra Giocondo da Verona and his Edition of Vitruvius », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 47, 1984, p. 72-90.

P. Gros, « Fra Giocondo lecteur et interprète de Vitruve La valeur de sa méthode et les limites de sa logique », Monuments et mémoires de la fondation Eugène Piot, t. 94, 2015, p. 201-241.

Vitruve, De architectura, sous la direction de P. Gros, traduction et commentaire d’A. Corso et E. Romano, Turin, Einaudi, 1997. 2 vol.

F. Lemerle, « Le bucrane dans la frise dorique à la Renaissance : un motif véronais », Annali di Architettura, 8, 1996, p. 85-92.

P. N. Pagliara, « Vitruvio, da testo a canone », Memoria dell'antico nell'arte italiana, 3, Turin, Einaudi, 1986, p. 33-37.

P. N. Pagliara, « Le De architectura de Vitruve édité par Fra Giocondo, à Venise en 1511 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire active, 2004, p. 348-354.



 

 

Notice

M. Vitruvius per Iocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula ut iam legi et intellegi possit,[Venetiis : Johannes de Tacuino, 1511]. Au colophon : Impressum Venetiis… sumptu miraque diligentia Ioannis de Tridino alias Tacuino Anno Domini M.D.XI. Die XII Maii.
[4], 110, [10]f. : titre à encadrement, [136] gravures sur bois, in-fol.
Signatures AA4, A-N8, O6, P10.
Dédicace adressée au pape Jules II. La quatrième édition imprimée du De architectura de Vitruve mais la première édition illustrée après les éditions de Rome (1486), Venise (1495) et Florence (1496). - Marque de l’imprimeur au colophon.
Cette édition, avec des gravures sur bois des détails architecturaux, plans, machines, a été publiée par l’architecte véronais Fra Giocondo.
Page de titre : encadrement à décor floral et dauphins (imprim. Tacuino).
Berlin Katalog 1798 ; Brunet V, 1328 ; Cicognara 696 ; Fowler 393 ; RIBA 3491.
Tours, Centre d’études supérieures de la Renaissance, Fonds ancien, SR/8B (n° inventaire 2994).
*Notes :
- Reliure vélin, nombreuses notes manuscrites d’époque
- Ex-libris : « In monasterio divi Benedicti prope Mantuam... ».