LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Baldi, Bernardino
Titre De verborum Vitruvianorum significatione...
Adresse Augsbourg, [Prætorius], 1612
Localisation Einsielden, Bibliothek Werner Oechslin, A04b;513
Mots matière Vitruve, Architecture
Transcription du texte

English

Après avoir publié le petit « libellus » des Scamilli impares Vitruviani [Lien] Bernardino Baldi fit paraître la même année son grand ouvrage, connu dans la bibliographie vitruvienne comme le Lexicon, sous le titre très explicite de De verborum Vitruvianorum significatione, sive perpetuus in Marcum Vitruvium Pollionem commentarius... Accedit vita Vitruvii. Il s’agit d’un travail essentiellement lexical, où sont examinés environ 430 mots, classés par ordre alphabétique. Baldi, qui témoigne d’une connaissance approfondie des éditions commentées de Guillaume Philandrier ou de Daniele Barbaro, semble avoir voulu pour sa part composer un glossaire comparable, pour le De architectura, à celui, fort utile, qu’avait rédigé Ermolao Barbaro au terme de ses Castigationes Plinianæ primæ et secundæ (1492-93), auquel il se réfère du reste assez fréquemment, comme l’avait fait avant lui Philandrier dans ses Annotationes. Plus systématique mais moins complet que ses prédécesseurs, puisque son glossaire implique des choix, il n’en prétend pas moins, dès son titre, avoir rédigé lui aussi une sorte de « commentarius perpetuus ». L’affirmation est moins abusive qu’il n’y paraît, si l’on mesure l’ampleur de ses notices : il s’agit certes d’une anthologie, mais très documentée, dont les contenus sémantiques dépassent largement la référence ponctuelle. La localisation des termes retenus (livre et paragraphe) est généralement celle de Giocondo, mais il ne reprend pas les subdivisions supplémentaires adoptées par cet auteur, suivi par Barbaro, au livre X. Il conserve en revanche la plupart des corrections de Giocondo, comme par exemple en V, 4, 5, pour le nom des notes de musique (qu’il transcrit, comme tous les autres mots de même origine, du grec en latin) : citons seulement la forme « parhupate hypaton », qui figure dans la plupart des éditions postérieures. Il s’efforce avant tout de donner de chacun des termes examinés une interprétation précise et d’en souligner éventuellement les variations de sens, à l’intérieur même du De architectura, avec des dossiers comparatifs souvent très amples, où sont évoqués les emplois et acceptions des auteurs grecs, d’Homère à Ptolémée et à Plutarque, et latins, de Plaute, Caton et Varron à Suétone, avec de nombreuses citations de Pline l’Ancien ou de Pline le Jeune. Ces citations ne relèvent pas d’un vain pédantisme philologique, mais tendent à retracer l’histoire du mot depuis ses origines. Les exégètes récents, depuis Alberti, sont tous mis à contribution, ainsi que les travaux de certains humanistes comme Budé (Annotations aux Pandectes, 1556) ou Turnèbe (Adversariorum tomi III, 1581), dont il examine avec soin les propositions en matière de lexicographie. Enfin il ne manque jamais de proposer les équivalents dans les langues vernaculaires, italien et français particulièrement, et se réfère volontiers aux usages de ses contemporains ou compatriotes. Éventuellement, il rappelle le sens singulier donné en son temps à certains mots latins, comme conclave, par exemple, pour désigner le lieu de réunion et la réunion elle-même des cardinaux lors de l’élection d’un pape. Il lui arrive aussi, compte tenu de sa formation essentiellement philologique, de commettre des erreurs patentes ; l’un des cas les plus notoires est celui des « cæmenta », qu’il désigne comme des pierres taillées, en raison de l’étymologie (« cædo »), et s’en prend vigoureusement à Philandrier, dont il est par ailleurs un fervent laudateur (il a, dit-il dans sa Vie de Vitruve, parlé de cet auteur et de son œuvre, « longe doctissime » ...), qui y voyait justement des moellons ou du « tout venant ». La rareté des notations archéologiques est en fait la grande faiblesse de cet ouvrage, Baldi, contrairement à Philandrier, ne tirant aucun parti de ce qu’il aurait pu ou dû voir sur les vestiges italiens, et très rares sont de ce fait les incises du genre de celle qu’on relève sous la rubrique « mutulus » (« nec aliter memini me observare, tum apud antiquos, cum etiam apud nostrares et neotericos architectos »). Mais dans l’ensemble, et en dépit d’un apparat illustratif très insuffisant (11 figures au trait au total), cet ouvrage, dont Giovanni Poleni fera une critique acerbe dans ses Exercitationes vitruvianæ (1739-1741), marque une étape décisive dans la compréhension des termes techniques du De architectura.
La Vita Vitruvii qui termine ce livre, beaucoup plus développée que celle qui ouvre les Annotationes de Philandrier, rassemble en un peu plus de huit pages d’abord les éléments épigraphiques mentionnant des « Vitruvii », dont il relativise avec raison l’importance tout en postulant l’existence d’une famille d’architectes de ce nom active entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C. dans les régions de Vérone et de Fano, puis il cite en les commentant tous les passages du traité où l’auteur latin rappelle sa carrière et évoque sa formation. Il consacre aussi une grande partie de ce texte à réfuter les critiques qui ont pu être adressées à l’œuvre du vieux théoricien et à ses facultés de synthèse ou de conceptualisation, rendant justice à ceux qui l’ont couvert d’éloges, tels Philandrier ou Turnèbe.

Pierre Gros (Paris, Institut de France) – 2023

I. Affò, Vita di monsignore Bernardino Baldi da Urbino, Abate di Guastalla, Parma, Carmignani, 1783.

AA. VV., Séminaire d’étude sur l’Urbinate Bernardino Baldi (1553-1617), a cura di Giacomo Cerboni Baiardi, Urbino, Academia Raffaello, 2006.

A. Becchi, Leonardo, Galileo e il caso Baldi: Magonza, 26 marzo 1621, Venezia, Marsilio, 2004.

M. Biffi, « Sul lessico architettonico : Alcuni casi controversi di derivazione vitruviana », Studi di lessicografia italiana, XVI, 1999, p. 31-161 (sur les scamilli, p. 105-123).

L. Callebat & P. Fleury Dictionnaire des termes techniques du De architectura de Vitruve, Hildesheim, Olms-Weidmann, 1995.

G. Ferraro, « Le matematiche, l’architettura », in F. P. Di Teodoro (a cura di), Saggi di letteratura architettonica da Vitruvio a Winckelmann, 1, Firenze, Olschki, 2009, p. 207-220.

P. Gros, Vitruve. De l’architecture, livre III, Paris, Les Belles Lettres, 1990, p. 139-145.

F. Lemerle, Les Annotationes de Guillaume Philandrier sur le De Architectura de Vitruve. Livres I à IV, Paris, Picard, 2000.

E. Nenci (éd.), Bernardino Baldi. Le Vite de’ Matematici, Milano, Angeli, 1998.

W. Oechslin, « Bernardino Baldi », in W. Oechslin, T. Büchi, M. Pozsgai (éd.), Architekturtheorie im deutschsprachigen Kulturraum 1486-1648, Einsiedeln, Bibliothek Werner Oechslin, 2018, Bâle, Colmena, p. 503-508.

A. Serrai, Bernardino Baldi. La vita, le opere. La biblioteca, Milano, Bonnard, 2001.

A. Siekiera, Anna, « L’ingéniosité et la manière de Bernardino Baldi », in F. P. Di Teodoro (a cura di), Saggi di letteratura architettonica da Vitruvio a Winkelmann, 1, Firenze, Olschki, 2009, p. 299-312.

L. Vagnetti (a cura di), 2000 anni di Vitruvio (Studi e documenti di architettura 8), Firenze, Edizione della Cattedra di Composizione Architettonica, 1978, p. 89-90.

V. Zoubov, « Vitruve et ses commentateurs , La science au XVIe siècle, Paris, Hermann, 1960, p. 69-90.