LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Cesariano, Cesare
Titre
Di Lucio Vitruvio Pollione de architectura libri dece...
Adresse Côme, G. da Ponte, 1521
Localisation La Flèche, Bibliothèque du Prytanée national militaire, E276-Res
Mots matière Architecture

English

     Le 15 juillet 1521 Gottardo Da Ponte gravait dans son atelier typographique de Côme la planche de la dernière page de l’opera preclara de Lucio Vitruvio Pollione de Architectura traducta de latino in vulgare, istoriata e commentata (f. 183), première édition imprimée d’une traduction en langue vulgaire du traité écrit par le théoricien romain contemporain d’Auguste, accompagnée d’un ample appareil de figures et de notes explicatives. La page de titre ne mentionne pas le responsable du travail – pas plus que les sept feuillets suivants non numérotés, utilisés pour la dédicace, le privilège, la préface et les index, où nulle part n’apparaît le nom de l’auteur véritable de cette entreprise vitruvienne, révélé seulement dans l’incipit de la première feuille numérotée : « Cesare Cesariano, cittadino mediolanense, professore di Architectura, etc. »
L’aventure éditoriale de la première traduction imprimée de Vitruve, éditée à 1312 exemplaires, est de fait très compliquée. Le long travail de Cesariano (Milan 1475-1543) avait finalement trouvé un débouché grâce au mécénat du noble Milanais Luigi Pirovano, mathématicien amateur, auquel s’était associé le Comasque Agostino Gallo, referendario royal. L’imprimeur avait été choisi dès juillet 1520 : Gottardo da Ponte, qui avait quitté Milan pour Côme en 1519. Pirovano imposa à Cesariano la collaboration de Benedetto Giovio, humaniste originaire de Côme bien connu, et du Bergamasque Bono Mauro. L’intention était de donner l’apparence d’une entreprise collective à un travail dont Cesariano dit à plusieurs reprises qu’il avait été une longue peine solitaire. Très vite, les rapports entre les uns et les autres se gâtèrent, et alors qu’ils en étaient arrivés au septième chapitre du livre IX, Cesariano abandonna ses collègues, parvenant à emmener avec lui le brouillon des chapitres qui n’avaient pas encore été fournis à l’imprimeur pour la mise en page. C’est pour cette raison qu’une partie du livre IX et tout le livre X de l’édition imprimée ont en réalité été commentés et illustrés par Giovio et Mauro. Le brouillon que Cesariano avait réussi à conserver et sur lequel il continua à travailler au moins jusqu’en 1528 a été retrouvé à Madrid en 1986 et publié en 1996. On y découvre combien est grande la différence entre la manière dont l’artiste milanais concevait le commentaire vitruvien, et celle qu’ont suivie de leur côté ses « collaborateurs » de mauvaise foi. L’aventure eut de longues suites judiciaires, au terme desquelles Cesariano obtint un jugement favorable, définitivement rendu entre 1528 et 1529.
La traduction de Cesariano se fonde principalement sur le texte de l’édition de Fra Giocondo, publiée en 1511 à Venise, et semble ignorer les autres tentatives, partielles ou complètes, toutes manuscrites, qui étaient déjà terminées ou en cours à l’époque, comme celle de Raphaël et Fabio Calvo. Dans plusieurs cas, Cesariano affirme s’appuyer sur d’autres éditions ou manuscrits du texte de Vitruve, qu’il n’est pas toujours possible d’identifier, mais parmi lesquelles on peut citer celle publiée à Rome en 1486 par Sulpizio da Veroli, et celle que Simone Bevilacqua, de Pavie, avait donnée Venise en 1497.
Il semble que Fra Giocondo ait été à l’origine de la disposition des illustrations, que Cesariano ensuite amplifie et interprète de façon tout à fait originale. De là, on peut inférer que l’ouvrage n’a fait l’objet d’une mise en forme systématique qu’après 1511, et plus sûrement à partir de 1513, date à laquelle Cesariano se fixe définitivement à Milan après avoir vécu et travaillé environ vingt ans comme peintre dans plusieurs centres de la vallée du Pô, en particulier à Reggio Emilia, avec des interventions à San Benedetto, Ferrare, Parme et Plaisance. Les travaux les plus récents confirment en outre un séjour à Rome.
Longues et complexes, les notes que Cesariano rédige en annexe à sa traduction répondent d’une part à l’exigence d’éclaircir les difficultés du texte de Vitruve, et représentent d’autre part une tentative d’actualisation des indications théoriques du traité antique dans une optique principalement bramantesque et lombarde. Il faut rappeler que la culture humaniste milanaise a toujours manifesté un grand intérêt pour Vitruve, depuis Pier Candido Decembrio jusqu’à Bramante et Léonard.
Pour interpréter le texte, Cesariano utilise principalement un répertoire qu’il emprunte à une riche série de lexiques latins, grecs et en vulgaire, et ses développements se fondent sur un ensemble dense de citations, souvent littérales, tirées du fonds classique médiéval et humaniste. On reconnaît surtout parmi les lexiques Festus, Crastone, Suidas, Pollux, Balbi, Perotti et Calepino ; parmi les sources, Pline, Strabon, Ovide, Ptolémée, Diodore de Sicile, Servius, Isidore et les Auctoritates Aristotelis.
De leur côté, Bramante, Luca Pacioli et Franchino Gaffurio sont parmi les noms les plus cités lorsqu’il s’agit, dans le commentaire, de relier les données théoriques vitruviennes à la culture artistique et architecturale de la Renaissance lombarde ; mais les rapports avec le milieu de Zenale et Cristoforo Solari apparaissent tout aussi évidents, même s’ils ne sont pas toujours exploités de façon adéquate. En arrière-plan se dessinent tous les chantiers ouverts entre l’accession au pouvoir de Ludovic le More et la domination française, et en tout premier lieu celui du Dôme de Milan, qui est représenté pour illustrer l’ichnographie, l’orthographie et la scénographie. Dans un telle tentative d’actualisation, les images jouent un rôle fondamental, dans la mesure où elles permettent de combiner texte antique et manière moderne. Il faut toujours rappeler que l’approche de Cesariano vis-à-vis de Vitruve est celle d’une personnalité dont la formation a sans soute été davantage déterminée par l’érudition et la peinture que par l’architecture.

Alessandro Rovetta (Università Cattolica del Sacro Cuore, Milan) – 2009

 

Bibliographie critique

 

A. Bruschi, A. Carugo & F. P. Fiore (éd.), De Architectura traslato commentato e affigurato da Cesare Cesariano 1521, Milan, Il Polifilo, 1981.

C. Cesariano, Volgarizzamento dei libri IX (capitoli 7 e 8) e X di Vitruvio De Architectura, secondo il manoscritto 9/2790 Secciòn de Cortes de la Real Academia de la Historia, Madrid, B. Agosti (éd.), Pise, Scuola Normale Superiore, 1996.

C. Cesariano. Vitruvio De Architectura, Libri II-IV. I materiali, i templi, gli ordini, a cura di A. Rovetta, Milan, Vita e pensiero, 2002.

F. P. Fiore, « Le De Architectura de Vitruve édité par Cesare Cesariano, à Côme en 1521 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Mémoire active, Lyon, 2004, p. 355-358.

S. Gatti & E. Monducci, Nuovi documenti su Cesare Cesariano e la sua edizione del “De Architectura” di Vitruvio (Como 1521), Reggio Emilia, Tipolitografia emiliana, 1994.

C. H. Krinsky (éd.), Vitruvius De Architectura. Cesare Cesariano (Como, 1521), Munich, Fink, 1969.

A. Rovetta, « Note introduttive all'edizione moderna del primo libro del Vitruvio di Cesare Cesariano »,M. L. Gatti Perer & A. Rovetta, Cesare Cesariano e il classicismo di primo Cinquecento tra Milano e Como, Milan, Vita e pensiero, 1996, p. 247-308.

M. Tafuri, « Cesare Cesariano e gli studi vitruviani del Quattrocento », A. Bruschi, C. Maltese, M. Tafuri & R. Bonelli (éd.), Scritti rinascimentali d’architettura, Milan, Il Polifilo, 1978, p. 387-467.




 

 

Notice

Di Lucio Vitruvio Pollione De Architectura libri dece traducti de latine in vulgare affigurati... Au fol. 183 : Finis... Impressa nel amoena e delectevole citate de Como per Magistro Gotardo da Ponte... nel anno... M.D.XXI., XV. mensis julii, regnante il christianissimo re de Franza Francesco duca de Milano, con gratia e privilegio tanto ...
Vitruve, Marcus Vitruvius, - Gotardus da Ponte (Côme -Italie), 1521.
- 8 ff. n. ch., 183 ff. et 1 fol. n. ch.
Figures gravées sur bois, lettres ornées, carte ; in folio. - sig. A-Z8.-[Tiré à 1300 ex.- Le bois f. 166 est signé CC (Cesare Cesariano) 1519].
Manquent les fol. VI, VII et XXIV.
Titre triangulaire annonçant un privilège, avec marque typographique - Autorisation pontificale du Pape Léon X. -Table de vocabulaire (10 p.) ; table des chapitres (2 p.). - Pièces liminaires : discours d’A. Pirovano, préface d’A. Gallo dédiée au Roi de France et Duc de Milan, François Ier. - Texte de Vitruve encadré de commentaires. - Édité par Agostino Gallo et Luigi Pirovano, dont l’avis au lecteur, au dernier fol. n. ch., contient l’indication suivante : Caesare Cisarano, circa il fine de magio del anno presente M.D. XXI., havendo commentato e dato le copie a li impressori... se partite da Como, e lasso lopera imperfecta... furono richesti... Benedicto Jovio et Bono Mauro.
Luigi Pirovano dans son Oratio au 4e fol. limin., insiste sur le rôle de Bono Mauro dans la traduction et l’édition de cet ouvrage.
- Illustrations gravées sur bois insérées dans le texte ou en pleine page : édifices religieux, figures géométriques, colonnes, cariatides, roses des vents, calendriers, plans, proportions du corps humain, engins propres à la construction (bateau à aubes), carte du Sud de l’Italie.- Dédié au pape Léon X, le 23 juin 1521.-Trad. par Agostino Gallo et Aluisio da Pirovano.
BAL 3519 ; Berlin Katalog 1802 ; Cicognara 698 ; Fairfax Murray, 2338 ; Fowler 395 ; Harvard 544 ; Kristeller, Lombardische Graphik, p. 59-61 ; Mortimer, Italian, 544 ; RIBA 3519 ; Sander III, 7696.
La Flèche, Bibliothèque du Prytanée national militaire, E276-Res.
*Notes :
- A appartenu au Collège royal de la Société de Jésus de La Flèche (1604-1762).
- Marque de possesseur : « Erlateau avocat à La Flèche » et « Collegii regii flexiensis soc. Jes. catal. inscr. 69 ».
- Reliure estampée à froid.