LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Caus, Salomon de
Titre Les raisons des forces mouvantes...
Adresse Paris, J. Drouart, 1624
Localisation Besançon, Bibliothèque municipale, 11717
Mots matière Hydraulique, Jardins, Machines
Transcription du texte

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     La réédition en 1624 des Raisons des forces mouvantes s’inscrit dans une campagne menée par Salomon de Caus pour asseoir sa notoriété et l’étendre à de nouveaux domaines. Un personnage est particulièrement visé, le cardinal de Richelieu. Cette même année 1624, Caus dessine à son intention une carte de l’Italie, avec les Alpes, la Corse et la Sardaigne, et lui dédie La pratique et demonstration des horloges solaires publiée chez Jérôme Drouart.
Le début de cette dédicace évoque peut-être bien la carte d’Italie : « L’opinion qu’on pourrait avoir, que vous me portez plus d’affection que mes services n’en ont pu encore mériter, me donnent sujet de mettre souvent le compas & la règle en main, pour tâcher à m’acquitter du service que je vous dois... ». Elle se clôt sur une demande : « Je vous prie donc, Monseigneur, de recevoir ce petit œuvre, attendant qu’il vous plaise me commander choses plus grandes, où j’espère m’acquitter de mon devoir… ». Nous ne savons pas ce qu’est cette dette que Salomon de Caus reconnaît envers le cardinal.
Deux imprimeurs parisiens, Jérôme Drouart et Charles Sevestre se chargent de la nouvelle édition des Raisons des forces mouvantes. Plusieurs modifications ont été apportées quant aux textes, l’orthographe a été révisée. Toutefois les imprimeurs n’ont pas tenu compte de la liste des erreurs signalées en 1615 ; ils se sont simplement contentés de la supprimer. La table des matières est reprise intégralement, avec ses erreurs, et sans tenir compte de l’introduction de nouveaux problèmes (Livre I, pb 36 et 37 ; Livre II, pb 21 à 28).
Quant aux gravures, le beau frontispice de 1615 a fait place à un autre frontispice, récupéré puisqu’il avait été déjà utilisé deux fois pour La perspectiue (1611 et 1612) et pour l’ Hortus Palatinus (1620). Sur ce frontispice le titre initial a été modifié par un ajout : Les raisons des forces mouvantes, Avec diverses machines tant utiles que plaisantes : Ausquelles sont adjoints plusieurs desseins de Grotes & Fontaines. Augmentées de plusieurs figures, avec le discours sur chacune... La mention « Augmentées de plusieurs figures, avec le discours sur chacune » renvoie sans doute aux nouvelles planches. Cependant comme dans la première édition, il n’est pas fait mention dans ce titre du Livre troisiesme traitant de la fabrique des orgues qui fait partie de l’ouvrage. Ce qui laisse penser qu’en 1624 encore, Salomon de Caus avait l’intention de mener à terme un projet plus ambitieux sur ce sujet, comme il l’avait déjà annoncé à plusieurs reprises et l’annonce encore à la fin des deux éditions du livre III. « Je mettrai fin à ce troisième livre, espérant avec le temps d’en faire encore un, où seront montrées quelques machines que je tiens fort secrètes, & entre les autres, une qui représentera une musique plus parfaite qu’aucune humaine créature ne peut faire, soit avec les voix ou instruments manuels ».
Quant aux planches dans le corps de l’ouvrage, toutes les gravures sur bois du Livre I ont été refaites, sept grandes planches du livre I sont inversées et refaites (pb 16, 17, 23, 24, 25, 29, 33 et 34) de même qu’une dans le livre II (pb 8) et cinq dans le livre III. Comme dans la précédente édition, les planches ne sont pas signées, sauf deux : livre I, pb 3 (« P. Iselb. F. ») et livre II, pb 3 (« J. V. Heÿden F. »). Tous deux sont bien connus. Peter Iselberg, graveur de Nuremberg (1568-1630) est l’auteur des gravures du célèbre livre d’emblèmes Emblemata politica (Nuremberg, 1617). Jacob Van Heyden (1573-1645) est réputé en particulier pour ses portraits gravés sur cuivre. Il est l’auteur d’un portrait de Galilée qui illustre son Dialogus de systemate mundi (Leyde, 1635).
Dix nouvelles planches ont été introduites. Les deux premières, à la fin du livre I, sont intéressantes parce qu’elles illustrent toutes deux une question que Salomon de Caus a particulièrement à cœur : l’usage de la chaleur, et ici l’usage de la chaleur des rayons solaires pour actionner des fontaines. Parmi les huit autres du livre II cinq planches sont tirées du Hortus Palatinus (pb 24, pl. 30= H.P. pl. 30 ; pb 25, pl. n.p.= H.P., pl. n.p. ; pb 26, pl. 26= H.P. pl. 29 ; pb 27, pl. 27= H.P. pl. 11 ; pb. 28, pl. 28= H.P. pl. 8.) et trois nouvelles planches non paginées apparaissent correspondant aux problèmes 21, 22 et 23.
À lire les textes qui accompagnent les planches tirées du Hortus Palatinus, on comprend qu’il s’agit pour Salomon de Caus de faire valoir ses qualités d’architecte de jardin dans ses réalisations de Heidelberg. L’une des planches qui présente une orangerie est un encouragement à introduire en France cette pratique répandue dans les jardins princiers allemands. L’une des nouvelles planches est peut-être une réponse précise à un problème que rencontrait Richelieu dans ses jardins de Limours. Il avait acheté ce domaine en avril 1623 et y fit des embellissements considérables. Salomon de Brosse et Salomon de Caus y furent employés. Mais ce dernier se heurtait, pour l’aménagement des jardins, à un défaut majeur du lieu, bas, malsain et sans eaux courantes. Ceci correspond très exactement à la difficulté qu’il propose de résoudre dans son problème 21 : « Dessin d’un cabinet qui se pourra faire au milieu d’un dedalus ou jardin, dans lequel sera une fontaine artificielle ». « C’est », écrit-il, « une grande peine à ceux qui ont des jardins sans sources naturelles : c’est pourquoi on a eu recours à chercher les moyens d’élever les eaux avec pompes ou autres machines faciles, et faire des fontaines qui vont au jardin par le moyen de quelque réservoir. Or le défaut de ces fontaines est, que quand on jette la vue dessus et que l’eau n’y flue point, [elles] donnent autant de déplaisir comme elles donnent du contentement quand elles fluent ». La solution consiste en un petit pavillon avec un système de robinets actionnés au moment où l’on arrive, qui distribuera cinq ou six filets d’eau à partir d’une réserve dissimulée dans un rocher artificiel au centre du pavillon. On ne sait si cette solution fut essayée, mais peu après la mort de Salomon de Caus, en février 1626, sa veuve reçut 2898 livres pour ses derniers travaux à Limours, et le cardinal revendit le domaine au roi Louis XIII.

Hélène Vérin (Cnrs, Paris) – 2009

 

Bibliographie critique

C. Maks, Salomon de Caus 1576-1626, Paris, Jouve & Cie, 1935.

L. Morgan, Nature as Model Salomon de Caus and Early Seventeeth-century Landscape Design, Philadelphie, Pennsylvanie, University of Pennsylvania Press, 2007.

L. Châtelet-Lange, « Salomon de Caus, contestation d’un mythe », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, 1988 (1989), p. 25-32.



 

 

Notice

Les raisons des forces mouvantes, Avec diverses Machines tant utiles que plaisantes : Ausquelles sont adjoints plusieurs desseins de Grotes & Fontaines. Augmentées de plusieurs figures... Par Salomon de Caus... - A Paris : chez Hierosme Drouart, 1624.
3 parties ([4], 46 ; [2], 27 f. ; 19, [3] p., [1] f. de pl. dépl.) ; illustrations sur bois et sur cuivre ; 2º.
Chaque partie a sa propre page de titre ; pour la 2ème : "Livre second où sont desseignées plusieurs grotes et fontaines propres pour l’ornement des palais, maisons de plaisance et jardins" ; pour la 3ème : "Livre troisiesme traitant de la fabrique des orgues". - Les 2 premières ont un encadrement gravé sur cuivre.
Besançon, Bibliothèque municipale, 11717.
*Note :
- Demi-reliure, basane, papier marbré, XIXe siècle.