LES LIVRES D’ARCHITECTURE
L’ouvrage publié en 1521 à Côme par Cesare Cesariano, premier commentaire illustré du De architectura de Vitruve et première traduction italienne imprimée, eut rapidement un impact en Italie du Nord, d’abord à Venise en 1524 et 1535, puis à Pérouse en 1536. En France, Luxembourg de Gabiano dès 1523 publia un Vitruve de poche inspiré des éditions florentines de 1513 et de 1522 dues aux Giunti qu’il illustra en partie par les planches de Cesariano. L’enracinement du peintre milanais dans la culture de l’Italie septentrionale ne pouvait qu’intéresser les milieux germaniques qui trouvaient dans les illustrations de l’ouvrage des propositions concrètes du nouvel art de bâtir. Le maître-maçon voyait des modèles précis de bases, de chapiteaux et d’entablements mais aussi des façades d’édifices au décor chargé proche de l’esprit tardo-gothique. Le Vitruvio de 1521 influença ainsi le médecin strasbourgeois Hermann Ryff qui illustra notamment l’édition latine publiée sous son nom en 1543 à Strasbourg de quelques planches empruntées à l’ouvrage de Cesariano. L’édition fut réalisée par Georg Messerschmidt dans l’officine Knobloch aux frais de l’éditeur Christian Egenolff, important éditeur et imprimeur établi à Francfort-sur-le-Main. Messerschmidt, dit « Machaeropoeus », avait en effet acheté l’officine Knobloch après avoir travaillé dans l’atelier de Jean Albrecht qui avait repris l’atelier à la mort de Johann II Knobloch. Un grand nombre d’illustrations de 1521 ont été supprimées : le livre IV ne présente ainsi qu’une seule gravure tirée de Cesariano, alors que l’entablement à denticule du livre III (p. 91), le chapiteau corinthien et son ichnographie au livre IV (p. 102 et 101) sont tirés de Giocondo ou de ses éditions dérivées. Les ordres corinthien et ionique (piédestal et base, chapiteau et entablement), dorique et toscan (piédestal et base, chapiteau et entablement) (p. 96, 99), et de façon totalement anachronique le composite (p. 100) se réfèrent à la planche des cinq ordres de Serlio (1537). Les cinq derniers livres sont à peine illustrés. Les planches du Vitruvio représentant la cathédrale de Milan ont été remplacées par des gravures tirées du chapitre 1 du livre V procurant des exemples d’ichnographie, d’orthographie et de scénographie. Quelques gravures sont partielles, d’autres ont été dissociées, comme celle des Perses, ou développées. D’autres enfin sont librement interprétées. Messerschmidt donna aussitôt une seconde version du Vitruvede 1543 en remplaçant la dédicace de Ryff par la sienne. Frédérique Lemerle (CNRS, Tours, CESR) – 2022 Bibliographie critiqueI. Dann, « Walther Ryff », H. Günther (éd.), Deutsche Architekturtheorie zwischen Gothik und Renaissance, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1988, p. 79-88. H. Günther, « Les ouvrages d’architecture publiés par Walther Hermann Ryff, à Nuremberg en 1547 et 1548 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 501-503. J. Jachmann, Die Architekturbücher des Walter Hermann Ryff : Vitruvrezeption im Kontext mathematischer Wissenschaften, Stuttgart, Ibidem-Verlag, 2006. F. Lemerle, « Le Vitruvio de 1521 dans la littérature vitruvienne », F. Lemerle, Y. Pauwels & V. Zara (dir.), Il Vitruvio di Cesare Cesariano (Como, 1521), à paraître.
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