LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Manesson Mallet, Allain, [Alain]
Titre Les travaux de Mars ou l’art de la guerre...
Adresse Paris, D. Thierry, 1684-85
Localisation Madrid, Biblioteca Central Militar, SM-1684-2
Mots matière Fortifications, art militaire, urbanisme
Consultation de l’ouvrage
t. 1, t. 2, t. 3
Transcription du texte

English

     Dans la première édition des Travaux de Mars, Manesson Mallet soulignait que son ouvrage était encore imparfait : « Comme je n’ai pas encore gravé toutes les planches de ma troisième partie et que tous mes amis me prient incessamment de voir les deux premières, pour les satisfaire, je me suis vu obligé de les mettre en lumière, puisque leur lecture sert merveilleusement pour entendre la troisième, que je donnerai dans peu de jours ». Prenant ce projet à cœur, Manesson Mallet reprend l’intégralité de sa première édition et y rajoute une troisième partie qu’il publie quinze ans plus tard, en 1684 et 1685, dans une deuxième édition augmentée et réorganisée en trois volumes (il a sans doute mis plus de temps que prévu, car il a travaillé conjointement à La description de l’univers publiée en 1683). Cette deuxième édition est également publiée chez un des plus grands imprimeurs-libraires parisiens, Denys Thierry. Tout comme la première édition, l’ouvrage remporte un large succès. Il est simultanément publié en Hollande par Jan et Gillis Janson, dans une impression moins soignée, puis en russe en 1713, sur les presses de Pierre Le Grand.
Dès l’avertissement, Manesson souligne qu’il a « enrichi cette seconde impression de quantités de nouveaux traitez et de plusieurs (...) remarques que j’ai tâché de conformer aux excellentes maximes de Monsieur de Vauban (…) dont les services et les ouvrages prouvent assez qu’il est incomparable en l’art de fortifier et d’attaquer les places ». La volonté de l’auteur est donc claire : il s’agit d’écrire un ouvrage d’actualité qui rende compte des évolutions récentes en art militaire. Il traite ainsi dans sa première partie de la construction théorique et pratique des modèles, choisissant de placer le travail de l’ingénieur, tant la conception sur le papier que la construction sur le terrain, en première ligne. Il profite de l’occasion pour rajouter un chapitre entier sur la construction des plans-reliefs, dont le premier exemplaire avait été commandé par le roi à Vauban en 1668. Sa deuxième partie, plus classique, offre un vaste aperçu sur les modes de fortifications des auteurs « les mieux connus qui ont écrit depuis l’usage des bastions jusqu’à présent ». Or, là aussi, il innove en proposant quatre Hollandais (Marolois, Stevin, Freitag, Dögen), quatre Français (Errard, Pagan, Deville, Fournier) et seulement deux Italiens (Sardi et De Marchi) dont les modèles fondateurs étaient jusqu’alors prédominants. Il est également intéressant de relever que tous ces auteurs, hormis Francesco de Marchi, ont été publiés durant la première moitié du XVIIe siècle. Quant à la troisième partie, construite comme un vaste compendium de sujets divers, elle intègre deux thèmes nouveaux que sont les maximes de Vauban sur l’attaque et la défense des places et la pratique de la guerre contre les Turcs qui mobilisait alors toutes les forces militaires.
La comparaison entre la première et la seconde édition des Travaux de Mars révèle donc parfaitement les mutations de la professionnalisation du métier d’ingénieur durant le mandat de Vauban. L’ensemble des discours participe de cette volonté unique de Manesson Mallet de valoriser un métier d’ingénieur résolument moderne. Par un savant dosage entre théorie et pratique contemporaine, il parvient à livrer, à une époque où les écoles militaires n’avaient pas encore été fondées, un manuel de terrain fiable et concret pour tous les ingénieurs. L’œuvre de Manesson Mallet répond donc parfaitement aux attentes de son maître. Il se désengage pour la première fois de l’héritage du siècle précédent et synthétise de manière claire et précise les apports des auteurs de son siècle. Il définit également les principales disciplines d’une profession en pleine mutation institutionnelle et technique et fait office d’auteur d’actualité en abordant ce qu’il appelle les « conjonctures présentes » de son époque. Il est donc étonnant que n’ait jamais fait l’objet d’étude particulière l’œuvre d’un homme que Vauban tenait en très grande estime et qui fut même loué par le d’Artagnan d’Alexandre Dumas, qui découvre avec étonnement les fortifications de Belle-Ile : « ces fortifications n’appartenaient plus ni à la méthode hollandaise de Marollois, ni à la méthode française du chevalier Antoine de Ville, mais au système de Manesson Mallet, habile ingénieur qui, depuis six ou huit ans à peu près, avait quitté le service du Portugal pour entrer au service de France » (Le vicomte de Bragelonne, ch. LXIX).

Émilie d’Orgeix (Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3) – 2011

Bibliographie critique

A. de Rochas d’Aiglun, Vauban. Sa famille et ses écrits. Ses oisivetés et sa correspondance, Genève, Slatkine, 1972, 2, p. 102.

É. d’Orgeix, « Alain Manesson Mallet (1630-1706) : portrait d’un ingénieur dans le sillage de Vauban », Bulletin du comité français de cartographie, 195, mars 2008, p. 64-74.

N. Kanas, Star Maps – History, Artistry, and Cartography, Berlin/Heidelberg/New York, Springer-Praxis, 2007, p. 197-199.

M. Mendillo, Celestial Images – Antiquarian Astonomical Charts and Maps from the Mendillo Collection, Boston, University of Washington Press, 2005, p. 83-84.