LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Vredeman de Vries, Hans |
Titre |
Architectura... |
Adresse |
Anvers, G. de Jode, 1577 |
Localisation |
Paris, Binha, Fol. Res 207 |
Mots matière |
Architecture privée, cheminées, fortifications, ordres, ponts |
English
En 1577, Jan Vredeman de Vries publia son livre le plus important sur l’architecture. C’est l’édition allemande (Architectura Oder Bauung der Antiquen auss den Vitruvius, woellches sein funff Columnen Orden), qui est la plus ancienne. À ce jour, seule une dizaine d’exemplaires de cette édition ont été répertoriés dans les collections publiques. La même année a été mise sur le marché une traduction française, dans sa plus grande partie conforme à l’édition originale allemande. En 1581, une édition néerlandaise vit le jour. Selon certains auteurs (Mielke 1967, Fuhring 2002), il y aurait eu déjà en 1577 une première édition en néerlandais, mais aucun exemplaire n’en est connu à ce jour.
La première édition française a été imprimée chez Gerard Smits à Anvers pour l’éditeur Gerard de Jode. Elle fut traduite du néerlandais en français (« translaté de bas Allemand en François »), par Theodorus Kemp(e), instituteur de latin à Anvers. De cette traduction française, seuls quelques exemplaires sont parvenus jusqu’à nous. Le plus célèbre est celui conservé à la Bibliothèque nationale à Paris (Imprimés, Res. V.368). Il est dédicacé par l’auteur et dédié au prince Guillaume d’Orange-Nassau. Dans un acrostiche manuscrit fort élaboré, les noms de « Willem van Nassau », « Hans Vredeman de Vries » et « Antwerpen » ont été incorporés. En outre, un dessin représentant un décor temporaire et une statue du prince fait partie de l’ensemble du livre. Cette traduction française fut rééditée en 1597, imprimée chez Andreas Bacx à Anvers pour Cornelis de Jode, successeur de Gerard. Enfin, une dernière édition en français fut imprimée en 1615 par Gerard van Wolschaten et Hendrik Aertssens pour Pieter de Jode, successeur de Cornelis. Dans l’exemplaire présenté ici, la succession des feuilles n’est pas parfaite : les pages concernant l’ordre dorique ont été inversées. En revanche, la suite des pages d’illustration est correcte.
On peut affirmer que le texte qui précède les illustrations et donne des commentaires explicatifs aux 23 feuillets est très important pour la connaissance des ordres architecturaux et leurs applications aux Pays-Bas à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. C’est aussi le seul texte que Jan Vredeman de Vries ait publié sur l’architecture. Chaque ordre architectural est d’abord représenté par cinq variantes de colonnes. L’exemple placé au centre des planches fait référence à l’ordre correspondant présenté dans le Quarto libro (Venise, 1537) de Sebastiano Serlio. Les deux variantes placées à gauche sont des développements plutôt « rustiques » du même ordre, qui incluent la forme du pilastre ; celles de droite sont plutôt caractérisées par leur élégance. Les caractères stylistiques se manifestent aussi bien sur la décoration des colonnes et chapiteaux que sur les piédestaux, bases, architraves, frises et corniches. Les éléments décoratifs sont complétés par des mesures et indications de proportions, lesquelles peuvent être reprises par les architectes ou constructeurs en fonction des nécessités. Pour les ordres doriques, ioniques et corinthiens, Vredeman ajoute des plans et des élévations pour différents bâtiments construits dans chaque style ; pour les ordres doriques et ioniques, l’utilisation des ordres est aussi illustrée par des exemples de cheminées.
Les élévations des façades de maisons et palais sont toujours en demi-élévation. Ainsi l’auteur peut-il représenter un maximum de variantes sur une même page. En effet, Vredeman de Vries affirme que « tout ce qu’un Architecte Ingénieux aura icy de besoign a faire, je luy avance ma simple invention & labeur, afin de s’en ayder mieulx, selon son bon advis, & qu’il trouvera le plus expedient » (feuillet 34 [3] ).
Vredeman de Vries met aussi en évidence un rapport entre la succession des ordres architecturaux et la typologie architecturale : les caractéristiques des ordres sont adaptées aux divers types de construction. L’ordre toscan, décrit comme rustique, robuste et fort, sert avant tout à la construction et décoration de bâtiments utilitaires et militaires, comme les ponts, portes, magasins, arsenaux, fortifications militaires, casemates et prisons. Parmi les illustrations de ponts, la figure n° 4 est remarquable à cause de la représentation en axonométrie d’une mégastructure en bois et fer, qui tente de résoudre le vieux problème du passage d’un bateau à mât levé à travers le tablier d’un pont. La solution réside dans la construction de fermes mises en équilibre grâce à l’usage de tirants de fer. Sur la même feuille, l’auteur donne en outre une solution pour construire les fondements d’un pilier de pont sous l’eau. Ici encore, la figure est donnée en axonométrie. Dans le texte accompagnant l’ordre toscan, l’auteur nous avertit qu’il ne traite pas de l’architecture militaire, car Jan van Schille « Ingeniaire & Geographe du Roy & des Estatz » avait déjà publié un livre à ce sujet (Form und Weis zu bauwen, zimmern, Anvers 1573).
Par rapport aux autres éditions, la traduction française est très intéressante car elle présente deux gravures supplémentaires avec leur description : la première représente les plans d’un palais et de deux maisons juxtaposées, et la deuxième offre en grand format une vue en perspective centrale du centre d’une ville imaginaire. Hélas, ces deux gravures manquent dans l’exemplaire présenté ici, mais le texte descriptif (voir feuillet 31 [10]) est maintenu. Dans l’exemplaire offert à Guillaume d’Orange, les deux feuilles sont insérées à la fin du livre. Le texte explicatif, intitulé « Iehan Vredeman de Vries au Lecteur S. », est suivi par un poème en néerlandais adressé « au lecteur discret » (« Totten discreten Leser »). Ni le texte explicatif ni les illustrations supplémentaires n’apparaissent dans les éditions allemandes et néerlandaises. Seul le poème en néerlandais est inclus dans ces éditions.
La description de ces gravures supplémentaires est importante, car elle nous renseigne sur la manière dont Jan Vredeman de Vries considérait la décoration architecturale des façades d’un palais urbain ou d’un hôtel de ville (voir la référence A) et de maisons urbaines (voir les références B et C). L’auteur dit clairement que ces bâtiments doivent d’abord tenir compte de leur fonction spécifique et de leur usage (« chacun a sa commodité & usance… »). En outre, leurs façades doivent être dessinées « pour le beau regard & contentement des yeulx », ceci grâce aux mesures harmonieuses de Vitruve et une décoration appliquée par « le docte Architecte ».
L’édition en français diffère aussi de celles en allemand et en néerlandais par la personnalité du dédicataire. Dans la traduction française, le livre est offert à Denys (« Dionys ») van der Neesen, licencié en droit et secrétaire de la ville d’Anvers, fort loué pour son amour des arts libéraux et spécialement pour l’intérêt qu’il porte à l’architecture. Bien que catholique, il resta secrétaire de ville d’Anvers pendant le pouvoir calviniste (1577-1585) jusqu’en 1583. Le traducteur Theodorus Kemp écrit qu’il est son « bien-affectionné Cousin, amy & serviteur fidèle ». En revanche, les éditions allemandes et néerlandaises sont dédiées à Pierre Ernest, comte de Mansfeld, serviteur du roi d’Espagne Philippe II. Il est intéressant de remarquer que le blason du comte se trouve aussi bien sur la page de titre des éditions allemandes, néerlandaises que sur celle de l’édition française (Zimmermann, 2002).
Deux livres de Jan Vredeman de Vries, contenant un grand nombre de gravures de colonnes et de leurs détails, mais sans texte explicatif, ont précédé le livre d’architecture de 1577. En 1565, Den Eersten Boeck, traitant les ordres dorique et ionique, était paru chez Hieronymus Cock à Anvers. La même année vit aussi la publication du livre Das ander Buech sur les ordres corinthien et composite. En 1578, une année après la publication de l’Architectura parut le troisième livre sur les ordres, Architectura. De oorden Tuscana…. En 1606, Vredeman de Vries et son fils Paul publient chez Hendrick Hondius à La Haye un nouveau livre sur l’architecture sous le titre Les cinq rangs de l’Architecture a scavoir Tuscane, Dorique, Ionique, Corinthiaque, et Composée. Dans ce livre, sans texte explicatif, les cinq ordres sont mis en rapport avec les cinq sens.
Piet Lombaerde (Hoger Instituut voor Architectuurwetenschappen Henry van de Velde,
Association Université Anvers) – 2009
Bibliographie critique
H. Borggrefe, V. Lupkes, P. Huvenne & B. Van Beneden (éd.), Hans Vredeman de Vries und die Renaissance im Norden, Munich, Hirmer, 2002.
P. Fuhring, « Architectura mit Widmung von Vredeman de Vries an Wilhelm von Oranien », H. Borggrefe, V. Lupkes, P. Huvenne et B. Van Beneden (éd.), Hans Vredeman de Vries und die Renaissance im Norden, Munich, Hirmer, 2002, p. 297.
P. Fuhring & G. Luijten (éd.), Hollstein’s Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts 1450-1700, Vredeman de Vries 1572-1630, 48, 2, Rotterdam, Sound & Vision Interactive, 1997, p. 56-85.
B. J. J. Krieger, « ’Tis een Excellente Conste, dwelk sijnen meester laudeert’. Ornament, orde en hiërarchie in de ‘Architectura’ van Hans Vredeman de Vries », Kunstlicht, 22, 2001, 2/3, p. 47-51.
P. Lombaerde, « Architectura », Zichtbaar Zeldzaam. Hoogtepunten uit de Antwerpse Stadsbibliotheek, Anvers/Gand, Stadsbestuur/Toohcsmi, 2005, p. 50-51.
P. Lombaerde (éd.), Hans Vredeman de Vries and the ‘Artes Mechanicae’ revisited, Turnhout, Brepols, 2005.
H. Mielke, Hans Vredeman de Vries. Verzeichnis der Stichwerke und Beschreibung seines Stiles sowie Beiträge zum Werk Gerard Groennings, Thèse de doctorat, Berlin, 1967.
D. Nuytten, « Theory and Example in Vredeman de Vries’s Architectura (1577). Intentions between a Modern Treatise and a Practical Model Book », P. Lombaerde (éd.), Hans Vredeman de Vries and the Artes Mechanicae Revisited, Turnhout, Brepols, 2005, p. 33-55.
D. Nuytten, « Architectural and Technical Examples between Antique Modernity and Gothic Tradition », P. Lombaerde (éd.), Hans Vredeman de Vries and the Artes Mechanicae Revisited, Turnhout, Brepols, 2005, p. 57-81.
P. S. Zimmermann, Die Architectura von Hans Vredeman de Vries : Entwicklung der Renaissancearchitektur in Mitteleuropa, Munich/Berlin, Deutscher Kunstverlag, 2002.
Notice
Architectura, ou Bafstiment, prins de Vitruve, & des anchiens escrivains, traictant sur les cincq ordres des columnes, d’ont on peult ordiner, & approprier, toutes sortes & practiques des bastiments, proffitable pour tous maistres de Fabrique, maistres maçons, menusiers, charpentiers, tailleurs d’images, & tous aultres amateurs de l’art d’architecture, avec la declaration des figures, de nouveau mises en lumiere, & inventés par Iean Vredeman, Frison. An° 1577. En Anvers, chez Gerard Smits. – Et dans un cartouche : Anverpie, apud Gerardus de Iode en Platea vulgariter dicta catlÿne veste sub signo floreni aurei. 1577.
[6] ff. non signés ; [24] planches gravées sur cuivre, dont la page de titre ; 525 x 351 mm.
Pl. sans date ni signature, mais numérotées ; elles comportent une échelle, parfois un titre et des lettres renvoyant au texte.
Texte en caractères romains. Lettrines gravées sur bois en début de dédicace et de chaque explication.
Recueil factice composé de planches originales, qui se veut une réplique du traité original de Vredeman de Vries (pl. recoupées et collées sur papier, ff. de texte également recoupés et montés en fenêtre).
Manque l’adresse au lecteur.
Le titre français, imprimé sur un morceau de papier, a été collé sur le titre allemand dans le compartiment central du frontispice, où se lit encore l’adresse suivante : ‘By Geerhart de Jode An 1581’ (Hollstein II, 408-431 (notice par Peter Fuhring). La dédicace indique qu’une traduction du ‘bas Alleman’ en français.
Cicognara 1821 VII 746 ; Guilmard p. 482 ; Funck 1925, p. 410 ; Berlin Katalog 1939, 2219, 2219a ; Mielke 1967, XXII, 1-8.
Paris, Bibliothèque de l’Inha, Collection Jacques Doucet, Fol. Res 207.
*Notes :
- Reliure du XXe siècle, chagrin (G. Duval-Havard).
- Ex-libris manuscrit sur la page de titre : ‘De Larra (?)’.
|