LES LIVRES D’ARCHITECTURE

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     Heinrich von Geymüller, qui donne à ce recueil le titre de « Détails d’ordres d’architecture » y distingue à juste titre deux séries. La première, qu’il nomme « Premières études », présente neuf gravures qui reprennent en les inversant celles dessinées par Sebastiano Serlio et gravées par Agostino Veneziano, qui avaient obtenu pour elles un copyright du Sénat de Venise en 1528. Dans le présent volume, la suite des ordres commence par l’ionique ; elle est interrompue par une gravure représentant une fontaine de Verneuil.
Une seconde série plus originale, nommée « Détails d’architecture d’après l’antique » propose un ensemble de vingt gravures avec des détails d’ordres, principalement des entablements. Sur la première page, deux éléments renvoient à la Regola de Vignole : les griffons de la frise, à gauche, évoquent ceux de la frise ionique de la gravure XIX, tandis que les consoles accouplées aux modillons, sur l’entablement gravé en haut à gauche, ressemblent à s’y méprendre à celles proposées par Vignole dans sa corniche composite de la planche XXXII. Du Cerceau qui ne s’est jamais rendu à Rome et n’a donc pas pu voir les modèles réels, s’est inspiré manifestement de la publication italienne, ce qui permet d’envisager pour ces gravures une date postérieure à la première publication de la Regola en 1562.
On reconnaît dans le recueil quelques fragments antiques réels, comme l’entablement du temple de Sérapis sur le Quirinal, ou l’ordre de la basilique Æmilia, identifiable par son décor du chapiteau (oves de l’échine) ou de son entablement (architrave à deux fasces, décor de la frise, mutules de la corniche). Toutefois Androuet du Cerceau apporte quelques modifications subtiles, en groupant par exemple les gouttes de l’architrave par deux. À droite de ce profil se trouve un autre profil dorique, beaucoup plus atypique : les métopes et les triglyphes ne se sont pas sur la frise, comme il se doit, mais sur le larmier de la corniche. Du Cerceau apprécie beaucoup ce genre de fantaisies, puisqu’un entablement presque semblable apparaît un peu plus loin. En général, le recueil témoigne du goût prononcé pour les formes extraordinaires, au sens propre soit « en dehors des ordres » vitruviens, et pour l’abondance ornementale. On appréciera en particulier un entablement corinthien dont toutes les parties, y compris les trois fasces de l’architrave, sont couvertes de motifs sculptés. Il présente de grandes similitudes avec l’ordre des thermes de Dioclétien que Fréart de Chambray présentera en 1650 comme un modèle d’ordre orné, à n’utiliser qu’avec d’infinies précautions (Parallèle, p. 69).
On trouve dans le recueil deux gravures étrangères à son propos : la fontaine du château de Verneuil, qu’il faut évidemment mettre en rapport avec l’entreprise des Plus excellents bâtiments de France, et une scène de sacrifice.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2009

Bibliographie critique

H. von Geymüller, Les Du Cerceau. Leur vie et leur œuvre d’après les nouvelles recherches, Paris/Londres, Rouam/Wood & Co, 1887, p. 186, 314.

D. Howard, « Sebastiano Serlio’s Venetian Copyrights », The Burlington Magazine, 115, 1973, p. 512-516.

A. Linzeler, Inventaire du fonds français. Graveurs du seizième siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1932, 1, p. 58-59.

Y. Pauwels, L’architecture au temps de la Pléiade, Paris, Monfort, 2002.