LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Androuet du Cerceau, Jacques |
Titre |
Premier [et Second] volume des plus excellents bastiments
de France... |
Adresse |
Paris, s.n., 1576-1579 |
Localisation |
Paris, Ensba, Les 1594-1595 |
Mots matière |
Châteaux |
English
Les
plus excellents bastiments de France, anthologie des plus belles
réalisations de l’architecture française de la Renaissance,
sont parmi les livres d’architecture les plus cités. Tous
les historiens de l’architecture ont vu les planches de cette
œuvre si précieuse pour la connaissance de l’art de
bâtir français au XVIe siècle. Grâce à
du Cerceau, nous pouvons avoir une idée de nombreux châteaux
aujourd’hui détruits, comme Bury, Madrid ou Verneuil, et
de l’état ancien d’édifices défigurés
ou complètement transformés, comme Amboise, Anet ou Chantilly.
Il manque à ces deux tomes un troisième, qui eût
donné à voir quelques-uns des « plus excellents
bâtiments » de Paris, dont sont conservés plusieurs
dessins préparatoires. David Thomson a parfaitement fait le point
sur toutes ces questions dans l’édition en fac-similé
partiel qu’il a préparée et présentée
en 1988.
Pour être
connu, l’ouvrage n’en est pas moins problématique.
En effet, il n’apparaît pas de cohérence dans la
présentation des différents châteaux, qui apparaissent
dans les deux tomes sans chronologie ni hiérarchie visible. Les
modes de représentations sont très variés, et du
Cerceau n’adopte aucun parti-pris systématique : vues à
vol d’oiseau, élévations géométrales,
élévations perspectives alternent sans logique apparente.
Pour les bâtiments conservés, l’on constate souvent
de grandes différences entre ce qu’il nous est donné
de voir ou d’analyser dans la réalité, et l’image
qu’a choisi de donner l’auteur.
De fait,
la familiarité que nous avons avec ces représentations
fait souvent oublier l’extrême originalité de l’entreprise.
Il n’existe à cette date rien de comparable en Italie ou
en Europe : les anthologies de bâtiments ne concernent alors que
les antiques. Catherine de Médicis fut sans doute à l’origine
du projet. Du Cerceau l’affirme clairement dans la dédicace
du premier tome, mais il le dit aussi dans celle des Leçons
de perspective positive de 1576 : « Madame, si l’injure
du temps et troubles qui ont cours, n’eussent empêché
mon accès et vue des châteaux et maisons, que votre Majesté
désire être compris aux livres qu’il vous a plu me
commander de dresser et dessiner des plus excellents Palais, maisons
Royales et édifices de ce Royaume, dès à présent
j’aurais satisfait à votre volonté, qui m’est
si précieuse, que ne pouvant en cela vous rendre si contente
que mon obéissance désire, j’ai pensé d’employer
cependant le temps à quelque autre œuvre, qui à mon
avis vous sera agréable et de plaisir ». La famille royale
tenait à ce projet, puisque dans la dédicace au roi du
second Livre d’architecture de 1582 du Cerceau revient
sur le sujet : « Sire, étant votre Majesté à
Montargis, je reçus ce bien de votre accoutumée bénignité
et clémence, de me prêter l’oreille à vous
discourir de plusieurs bâtiments excellents de votre Royaume,
et entre autres propos, me demandâtes si je parachevais les livres
des bâtiments de France, mon âge et indisposition servirent
de légitime excuse, n’ayant moyen, sans votre libéralité,
de me transporter sur les lieux afin d’en prendre les dessins
pour après les mettre en lumière et satisfaire à
vos commandements. »
Les
plus excellents bastiments de France sont donc une commande royale,
à laquelle Charles IX, Henri III et surtout leur mère
attachaient une certaine importance. Rien d’étonnant, en
fin de compte, de la part de Catherine de Médicis : la Reine,
qui accumulait les portraits dessinés des membres de la Cour,
pouvait de la même manière souhaiter un recueil de représentations
des demeures du roi et de ses grands vassaux. Il faut insister sur cette
destination particulière de l’ouvrage : elle permet d’en
mieux comprendre les modalités d’exécution. Les
historiens ont volontiers souligné les erreurs, voire les invraisemblances
que la confrontation de l’image avec la réalité
archéologique met en lumière. C’est que le livre
n’est pas conçu comme un recueil de documents à
l’usage des chercheurs futurs, mais comme un vibrant hommage adressé
moins à l’architecture et aux architectes français
qu’à la dynastie qui a rendu possible l’éclosion
de tant de chefs-d’œuvre, et qui a permis à la France
d’« équipoller l’antique » dans le registre
monumental. Il y a dans les Plus excellents bastiments une
dimension poétique, voire épique : c’est un équivalent
architectural de la Franciade de Ronsard, parue pour la première
fois en 1572. Du Cerceau chante non pas les « hauts-faits »
du prince et de ses preux, mais les « hauts-bâtiments »
des Valois et de leur entourage. Les héros sont les propriétaires
ou les commanditaires, le roi, le connétable de Montmorency,
le maréchal de Saint-André, et non les architectes, qui
ne sont qu’exceptionnellement nommés. Le titre même
du recueil introduit le lecteur dans un registre superlatif, qui n’a
évidemment rien d’objectif ni de scientifique au sens moderne
du terme. Du Cerceau travaille de la même manière que Ronsard,
qui affirme négliger le vrai au profit du vraisemblable : «
Je dis ceci pour ce que la meilleure partie des nôtres pense que
la Franciade soit une histoire des Rois de France, comme si j’avais
entrepris d’être historiographe et non poète »
(Épître au lecteur, Œuvres complètes,
Paris, Gallimard, bibl. de la Pléiade, 1, 1993, p. 1182). Peu
importe que Francus soit ou non venu en Gaule, peu importe même
qu’il ait ou non existé : dans le cadre épique,
la narration est vraisemblable, et surtout le poème est une œuvre
d’art, à la gloire de Charles IX. De même du Cerceau,
tel un poète « porté de fureur et d’art (sans
toutefois se soucier beaucoup des règles de grammaire) et surtout
favorisé d’une prévoyance et naturel jugement »
(ibidem), ne se soucie pas d’exactitude, mais interprète,
reprend, imagine. Il ne faut pas attribuer les fastueux développements
des Tuileries, de Chenonceau ou de Charleval aux architectes de ces
châteaux, mais plutôt à la muse d’Androuet
du Cerceau. Ces plans démesurés, ces élévations
somptueuses ne sont pas vrais, bien évidemment, et ne le seront
jamais ; mais ils pourraient l’être car leur grandeur poétique
est à la mesure de celle de Charles et de Catherine. On ne peut
comprendre cette Franciade architecturale que sont les Plus
excellents Bâtiments de France sans prendre en considération
que l’auteur est un poète et non un bâtisseur –
ce que Philibert De l’Orme avait parfaitement perçu, qui
sait faire la différence sinon entre historiens et poètes,
du moins entre architectes et dessinateurs, « donneurs de portraits
et faiseurs de dessins, dont la plupart n’en saurait bien tracer
ou décrire aucun, si ce n’est par l’aide et moyen
des peintres, qui les savent plutôt bien farder, laver, ombrager
et colorer, que bien faire et ordonner avec toutes leurs mesures »
(Premier tome, f. 21v°). Ut pictura poesis : pour
les bâtiments modernes comme pour les antiques, du Cerceau introduit
son lecteur dans le domaine de l’imaginaire.
Yves Pauwels (Cesr, Tours) - 2006
Bibliographie critique
J. Androuet du Cerceau, Les plus excellents bastiments de France..., présentation et commentaires par D.
Thomson, Paris, Sand & Conti, 1988.
F. Boudon, « Les Plus Excellents Bastiments de France de Jacques
Ier Androuet Du Cerceau, à Paris en 1576 et 1579 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture
et imprimerie, Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 451-453.
F. Boudon & H. Couzy, « Les plus excellents bâtiments
de France. Une anthologie de châteaux à la fin du XVIe
siècle », L’information d’histoire de l’Art,
1974, p. 8-12, 103-114.
F. Boudon & J. Blécon, Philibert Delorme et le château
royal de Saint-Léger-en-Yvelines, Paris, Picard, 1985.
Y. Pauwels, L’architecture au temps de la Pléiade,
Paris, Monfort, 2002, p. 87-89.
Y. Pauwels, « Petits arrangements avec le réel. Jacques Androuet du Cerceau à Écouen », Revue de l’art, 178, 2012, p. 33-41.
Notice
Premier [et Second] volume des plus excellents bastiments de France...
(Le) / par Jacques Androuet Du Cerceau... – Paris : imprimé
pour ledit J. Androuet du Cerceau, 1576-1579. - 2 vol. - in-fol. : 1 er
volume : page de titre, table des bâtiments, dédicace (sign.
Aii), texte (sign. A3-A8) et 64 planches gravées ; 2 nd volume
: page de titre, table des matières, dédicace à
Catherine de Médicis, texte (f. 3-7v°) et 61 planches gravées.
Berlin Kat. 2456, Fowler 24, RIBA 100-101.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 1594-1595.
*Notes :
- Exemplaire complet après comparaison avec la publication de
David Thomson ( Les Plus excellents bastimens de France par J.-A.
du Cerceau, Paris, 1988) et avec les deux autres exemplaires de
l’École des Beaux-Arts (505 M 19 bis et 505 M 19).
- Reliures de maroquin rouge signées LORTIC, d’imitation
Renaissance, à décor losangé pris dans une série
de cadres rectangulaires marqués par un double filet d’or,
entre lesquels court une volute répétée estampée
à froid, et titre estampé à chaud sur le plat central.
41,8 x 31 cm.
- Don de la veuve Joseph Le Soufaché à l’École
des Beaux-Arts, 1890, sans autre marque de provenance.
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