LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Dans la seconde édition qu’il revoit en 1685 François Blondel commente la liste des ouvrages nécessaires à l’architecte qui conclut l’Architecture françoise de Louis Savot : « Outre les livres d’architecture que cet auteur a nommez, j’estime qu’il n’est pas hors de propos que je rapporte en cet endroit ce qui est venu à ma connoissance en cette matière. Il y a donc premièrement le Livre des Songes de Polyphile, écrit en Italien & traduit en François par Jean Martin avec des figures excellentes en bois : & celuy de l’Amour Parfait, écrit à ce qu’on dit, en Grec par Athenagoras & traduit en François par Mr Fumée. Ce sont deux Romans, où l’on voit la description de plusieurs Edifices somptueux & biens entendus, bâtis suivant la doctrine de Vitruve, & où l’on peut apprendre quantité de belles particularitez & se former de grandes idées pour l’Architecture » (p. 351). Ainsi, près de trois siècles après sa première parution à Venise, chez Alde, l’Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna était-elle encore à l’honneur dans l’esprit du directeur de l’Académie royale d’architecture, qui possédait deux exemplaires de l’ouvrage, l’édition italienne de 1545 et la traduction française de 1554. Rien d’étonnant en soi, même si la culture d’un homme du Grand Siècle français était très éloignée de celle du moine dominicain du couvent des SS. Giovanni e Paolo à Venise. Car l’architecture occupe une place considérable dans le « roman » et les ekphraseis de Colonna (comme du reste celles de Martin Fumée) sont exceptionnellement longues et précises. Elles témoignent, de la part de l’auteur, d’une culture extrêmement moderne pour son temps. Architetto dilettante selon Arnaldo Bruschi, Colonna a peut-être contribué à la porte du chœur de l’église des SS. Giovanni e Paolo à Venise (disparue aujourd’hui). En tout cas, il connaît parfaitement Vitruve, Pline l’Ancien et Alberti, auteurs auxquels il emprunte un lexique architectural encore très neuf en volgare en 1499, et de ce fait parfois un peu imprécis. Yves Pauwels (Cesr, Tours) - 2011 Bibliographie critiqueS. Borsi, Polifilo architetto. Cultura architettonica e teoria artistica nell’ Hypnerotomachia Poliphili di Francesco Colonna, 1499, Rome, Officina Edizioni, 1995. A. Bruschi, Francesco Colonna. Hypnerotomachia Poliphili, A. Bruschi, C. Maltese, M. Tafuri & R. Bonelli (éd.), Scritti Rinascimentali di Architettura, Milan, Il Polifilo, 1978, p. 145-276. F. Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, édition critique par G. Pozzi & L. Ciaponni, Padoue, Antenore, 1980 (1963). 2 vol. F. Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, Introduction, traduction et commentaire de M. Ariani & M. Gabriele, Milan, Adelphi, 1998. 2 vol. M. Furno, « L’orthographie de la Porta triumphante dans l’Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna : un manifeste de l’architecture moderne », Mélanges de l'École Française de Rome - Italie et Méditérranée, 106, 1994-2, p. 473-516. S. Heringuez, « L'Hypnerotomachia Poliphili, un recueil de modèles d'architecture pour les peintres flamands du premier tiers du XVIe siècles : Bernard van Orley et la Porta Magna de Francesco Colonna », ArtItalies, La revue de l'Association des historiens de l'art italien (AHAI), 18, 2012, p. 12-17. L. Lefaivre, Leon Battista Alberti’s Hypnerotomachia Poliphili. Re-Cognizing the Architectural Body in the Early Italian Renaissance, Cambridge (Mass.)/Londres, MIT Press, 1997. G. Pozzi & M. T. Casella, Francesco Colonna, biografia ed opere, Padoue, Antenore, 1959.
Notice Poliphili Hypnerotomachia, ubi humana omnia non nisi somnium esse ostendit, atque obiter plurima scitu sane quam digna commemorat / (F. Columnae, edente L. Crasso) – Venise : Alde Manuce, 1499. |