LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Vredeman de Vries, Jan
Titre Hortorum viridariorvmque elegantes et multiplices formae...
Adresse Anvers, P. Galle, 1583
Localisation  
Mots matière Jardins
Consultation de l’ouvrage
Transcription du texte

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     Le Hortorum viridariorumque... formæ occupe une place très importante dans la production de livres de jardins qui ont vu le jour durant la seconde moitié du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle au Nord des Alpes. Il est considéré comme le premier livre qui donne un ensemble de projets de jardins dans le style Renaissance. En même temps, les images sont toutes représentées suivant les règles de la perspective centrale. L’horizon est situé au-dessus du bord supérieur de l’illustration, de sorte que le spectateur regarde les jardins en plongée et peut ainsi se former facilement une idée de leur structure et de leur contenu. Vredeman de Vries a omis d’ajouter une introduction ou une partie explicative aux images contenues dans son livre. Cette absence contraste avec d’autres livres de cet auteur, comme par exemple son Architectura (1577, 1582) ou son livre Perspective en deux parties (1604-1605). Pour cette raison, il est intéressant de se référer à des livres contemporains traitant des jardins et de leurs plantations, aménagements et structures, comme par exemple ceux de Charles Estienne, Jean Liébault, d’Olivier de Serres, d’Élie Vinet, etc. Dans Le théâtre d’agriculture, édité à Paris en 1600, Serres distingue quatre sortes de jardins :  le potager, le « bouquetier », le médicinal et le fruitier ou verger. Suivant cette typologie, les jardins représentés par Vredeman de Vries appartiennent exclusivement au « bouquetier » (on ne remarque pas de verger en dépit de la mention « vergers » dans le titre de l’ouvrage). Le « bouquetier » est un jardin d’agrément orné de parterres géométriques, de treillages, de berceaux, de pergolas concentriques et en berceau, d’arbres et d’arbustes taillés en art topiaire, de haies taillées, de toutes sortes de fleurs, de portails, de statues, etc.
Vredeman relie artificiellement les différents modèles de jardin d’agrément aux ordres vitruviens, ne considérant toutefois que les ordres dorique, ionique et corinthien. Six jardins illustrent l’ordre dorique, allant d’une structure plutôt simple jusqu’au jardin aux compartiments très géométriques, entouré de passages couverts monumentaux et dominé par une pergola concentrique avec étage supérieur et coupole. L’ordre ionique est illustré par sept exemples de jardins d’agrément, caractérisés de nouveau par la complexité des clôtures, des allées, passages et même par l’implantation d’une fontaine couverte d’un pavillon de jardin, pourvu de statues et de « putti piscatore ». Enfin, sept jardins, dont les compartiments géométriques sont structurés suivant des modèles du type labyrinthe correspondent à l’ordre corinthien. La mise en rapport avec les trois ordres classiques paraît tout à fait arbitraire, sinon peut-être dans le cas de l’ordre corinthien associé au labyrinthe. L’absence de l’ordre toscan peut-être expliquée par le fait que le potager ou le jardin médicinal, ou même le fruitier et le verger ne sont pas traités par de Vries. Ces jardins, plutôt utilitaires, pourraient être associés à l’ordre toscan, le plus simple et fonctionnel des ordres architecturaux. Une autre hypothèse concerne l’ordre composite. Cet ordre a été mis en rapport par certains auteurs avec la deuxième série de jardins dessinés par Vredeman et éditée par Théodore Galle vers 1600. Mais aucune indication ou inscription de l’auteur ne va dans ce sens.
L’ouvrage de Vredeman de Vries ne doit pas être considéré comme un livre de modèles ni comme un ouvrage théorique. En effet, l’omission volontaire de plans de base, de détails techniques et même le manque de données concernant les plantations et l’usage de fleurs, d’arbres ou des hêtres, ne font pas du recueil un manuel pratique pour le jardinier ou l’architecte. À cet égard il est intéressant de remarquer que, contrairement à ce qu’il fait dans l’Architectura et la Perspective, l’auteur ne dit pas dans la page de titre que ses modèles sont destinés aux hommes du métier ; il se borne à indiquer qu’il s’agit d’exemples de « belles et diverses figures » de jardins, lesquels sont (artificiellement) mis en rapport avec les règles de l’architecture. Ce propos renvoie au statut des arts et sciences à la fin du XVIe siècle. En organisant la présentation des modèles en fonction des ordres architecturaux, Vredeman essaie de conférer à l’art des jardins un statut comparable à celui de l’architecture, essayant de démontrer par ce recours aux ordres que les règles de l’architecture peuvent aussi lui être appliquées. Toutes les variantes se rapportant aux nombreux éléments et ornements de chacun des ordres architecturaux - et ceci fut démontré et commenté clairement dans son livre Architectura -, sont aussi applicables à l’aménagement des formes du jardin d’agrément. Les formes de la Renaissance italienne, renvoyant à l’art antique, peuvent être appliquées avec beaucoup de souplesse et suivant l’invention de l’artiste, aussi bien dans l’art du jardin que dans l’architecture. 
Vredeman de Vries représenta d’autres jardins dans d’autres séries de gravures, souvent comme décor d’une scène ou représentation architecturale. Une certaine ressemblance entre ces modèles et ceux du présent recueil peut être constatée, comme dans les série de Perspective (1604-1605, vol. 1, fig. 43 ; vol. 2, fig. 9 et 19) ou Les cinq rangs de l’architecture (1617, fig. 2, 3 et 4). Parfois, les représentations sont antérieures à celles du Hortorum viridariorumque… formæ, comme la série Theatrum vitae humanae (1577, fig. 1 et 2). Dans la pratique, on sait que Vredeman fut chargé de l’aménagement d’un jardin d’agrément à Wolfenbüttel pour le compte du duc Julius en 1588. Malheureusement, ses projets n’ont pas été conservés. Les différentes séries de jardins de Vredeman de Vries ont inspiré nombre d’artistes et de graveurs durant la fin du XVIe et début du XVIIe siècle. En 1591-1592, Hans Puechfeldner a dessiné pour l’empereur Rodolphe II une série de cinquante-six jardins d’agrément en perspective, intitulée Ein nutzliches Kunstbuech der Gardtnerey, probablement destinée à la gravure. Les dessins de l’artiste autrichien sont en grande partie inspirés par les gravures du livre Hortorum viridariorumque…formæ et en sont parfois même des copies. Les quatre gravures de jardins en perspective réalisées en 1614 par l’artiste hollandais Crispijn van de Passe le Jeune et formant l’introduction à l’herbier Hortus Floridus in quo rariorum & minus vulgarium florum icones..., composé de cent-soixante reproductions de fleurs regroupées selon les quatre saisons, représentent de nouveau des jardins d’agrément, dont la structure et l’architecture ont été reprises de l’œuvre de Vredeman de Vries.
L’ouvrage connut deux autres éditions. L’une sortit vers 1600 des presses de Théodore Galle (1571–1633), le fils de Philippe (1537-1612), qui avait publié la première édition à Anvers en 1583 ; elle était augmentée d’une série de huit gravures de jardins, également dues à Vredeman de Vries, et d’une autre série de six gravures représentant des jardins en perspective de la main du dessinateur, graveur et peintre, Pieter IV van der Borcht (1545–1608). Une troisième édition suivit finalement vers 1636-1640, avec les mêmes séries que la seconde. Elle fut publiée par Joan Galle (1600–1676), fils aîné de Théodore.

Piet Lombaerde (Hoger Instituut voor Architectuurwetenschappen Henry van de Velde,
Association Université Anvers) – 2009

Bibliographie critique

E. A. De Jong, « Gärten auf Papier. Hans Vredeman de Vries und sein Hortorum Viridariorvmque elegantes & multiplicis formae von 1583 », U. Härting (éd.), Gärten und Höfe der Rubenszeit im Spiegel der Malerfamilie Brueghel und der Künstler um Peter Paul Rubens, Munich, Hirmer, 2000, p. 37-47.

P. Fuhring (éd.), De wereld is een tuin. Hans Vredeman de Vries en de tuinkunst van de Renaissance, Gand/Amsterdam, Ludion, 2002.

P. Fuhring & G. Luijten (éd.), Hollstein’s Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts 1450-1700, Vredeman de Vries 1572-1630, 48, 2, Rotterdam, Sound & Vision Interactive, 1997, p. 122-136.

P. Lombaerde (éd.), Hans Vredeman de Vries and the ‘Artes Mechanicae’ revisited, Turnhout, Brepols, 2005.

U. M. Mehrtens, « Johan Vredeman de Vries and the Hortorum Formae », M. Mosser & G. Teyssot (éd.), The History of Garden Design. The Western Tradition from the Renaissance to the Present Day, Londres, Thames & Hudson, 1991, p. 103-105.

H. Mielke, Hans Vredeman de Vries. Verzeichnis der Stichwerke und Beschreibung seines Stiles sowie Beiträge zum Werk Gerard Groennings, Thèse de doctorat, Berlin, 1967.

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B. Uppenkamp, « Die Scenographien und Gartenentwürfe des Hans Vredeman de Vries und seine Tätigkeit in Wolfenbüttel im Lichte neuer Quellen », L. Koneckny, B. Bukovinska & I. Muschka (éd.), Rudolf II, Prague and the World. Papers from the International Conference, Prague 2-4 September, Prague, Artefactum, 1998, p. 111-119.