LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s)

Serres, Olivier de

Titre Le theatre d’agriculture...
Adresse
Paris, J. Mettayer, 1600
Localisation
Paris, BnF (microfilm)
Mots matière Jardins
Transcription du texte

English

     Olivier de Serres, le « père de l’agronomie française », accède au statut de « grand homme » pour avoir récusé la tradition des savoirs agricoles en vigueur au XVIe siècle. Le theatre d’agriculture et mesnage des champs, qu’il publie pour la première fois en 1600 à Paris chez Jamet Mettayer,est une étape fondamentale de l’élaboration d’une science agronomique débarrassée des recours obscurantistes aux croyances magiques et superstitieuses. En replaçant la fabrique de ce traité dans son contexte, son analyse semble influencée par une conception positiviste de l’histoire des sciences. Une étude comparée montre en effet que la méthode expérimentale développée par Olivier de Serres, dont les fondements sont aristotéliciens, préexiste dès le Liber ruralium commodorum (vers 1304-1309) de Pietro de’Crescenzi ou La maison rustique (1564) de Charles Estienne et Jean Liébault. Certes, dans Le theatre d’agriculture cette méthode se généralise, car l’obtention de résultats tangibles comme condition du profit est une conséquence des buts mercantiles de la politique économique d’Henri IV, qui a choisi l’agriculture comme base de la prospérité nationale.
Le programme éditorial du Theatre d’agriculture comporte un grand nombre d’objectifs en commun avec les autres écrits sur les technologies agricoles publiés au début des temps modernes. Comme Charles Estienne ou Antoine Mizauld, Olivier de Serres est obnubilé par l’accumulation d’innombrables et merveilleux « secrets » issus des savoirs antiques ou populaires. Cependant, les recettes rassemblées dans les quelque mille pages de son traité sont confirmées ou corrigées par des vérifications in concreto entreprises dans son domaine de Pradel. La clarté de la langue est une autre conséquence de cette attention extrême apportée à la réalité des choses rustiques. Mais le seigneur de Pradel, qui est un « homme de réseaux », bénéficie aussi de l’expertise de grands spécialistes de son temps. Ainsi, les parterres prévus pour le jardin de plaisir ou le jardin médicinal qui illustrent Le théatre,proviennent-ils d’échanges avec le jardinier royal Claude Mollet I ou l’« instituteur » du Jardin des Simples de Montpellier, Pierre Richer de Belleval. Ces dispositifs particulièrement novateurs mis en œuvres dans les jardins royaux sont irréalisables pour une bonne part des lecteurs. Les topoi de la meraviglia ou de la copia n’ont donc pas disparu.
Dans la préface de son traité, Olivier de Serres explicite le plan de sa rédaction : il s’agit de « disposer és lieux de ce Theatre les memoires de Mesnage », « pour traiter chacune matière en son propre Lieu », ce qui suggère une méthode d’organisation des savoirs inspirée par l’art de la mémoire. D’une importance capitale avant l’invention de l’imprimerie, cette discipline, qui dépend de la rhétorique, procure des méthodes de mémorisation fondées sur la visualisation de lieux et d’images. Les huit « lieux » du Theatre d’agriculture correspondent aux thématiques suivantes : « du devoir du mesnager », « du labourage des terres à grains, pour avois des Bles de toutes sortes », « De la culture de la vigne », « Du bestail à quatre pieds », « De la conduite du poullailler », « Des jardinages », « De l’Eau & du Bois » et « De l’usage des aliments ». D’après Olivier de Serres, cette suite de rubriques serait inspirée par le De re rustica de Varron, mais elle est plus proche du plan thématique du Livre des prouffitz champestres de Crescenzi que du traité romain.
Les rééditions sont nombreuses, la première qui intervient en 1603 est une version revue et augmentée par l’auteur. Le Theatre est également réédité à Paris entre 1605 et 1617, mais aussi à Rouen (1623...), Lyon (1675) et Genève (1611...). Seule La cueillette de la soye par la nourriture des vers qui la font, un chapitre du traité paru indépendamment en 1599, est publié en allemand à Tübingen en 1603 par Erhard Cellius (Seydenwurm : von Art, Natur und großer Nutzbarkeit deß ... Seydenwurms), et en anglais en 1607 à Londres pat Felix Kingston (The perfect Use of Silk-Vvormes, and their Benefit).

Laurent Paya (Cesr, Tours/Artopos, Jardin et Paysage, Montpellier) – 2013

 

Bibliographie critique

D. Duport, « La “science” d’Olivier de Serres et la connaissance du “naturel” », Bulletin de l’Association d’Études sur l’Humanisme, la Réforme et la Renaissance, 50, 2000, p. 85-95.

J. Boulaine & R. Moreau, Olivier de Serres et l’évolution de l’agriculture, Paris, L’Harmattan, coll. « Les Acteurs de la Science », Paris, 2002.

H. Gourdin, Olivier de Serres. Sciences, expérience, diligence en agriculture au temps de Henri IV, Arles, Actes Sud, 2001.

J. B. Huzard, Notice bibliographique des différentes éditions du Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, Paris, Huzard, 1806.

L. Paya, Les parterres des jardins à compartiments en France et dans le monde (1450-1650) : entre figures de pensée et ornements de verdure. Thèse de doctorat sous la direction d’Y. Pauwels, Tours, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, 2012.