LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Vitruve
Ryff, Walther Hermann
Titre
Vitruvius Teutsch...
Adresse Nuremberg, J. Petreius, 1548
Localisation Heidelberg, Ruprecht-Karls Universitäts Bibliothek, T 2017 RES
Mots matière Architecture
Transcription du texte

English

     Walter Hermann Ryff est un humaniste né à Strasbourg vers 1500. Il passa la plus grande partie de sa vie dans cette ville, qu’il quitta en 1547 pour s’établir à Nuremberg puis à Würzburg où il mourut en 1548, l’année de la parution du Vitruvius Teutsch. Se qualifiant de mathematicus, mais aussi de medicus, il publie à Paris en 1543, chez André Wechel, une Anatomica omnium humani corporis partium descriptio dont la traduction française parut la même année chez le même éditeur (Description anatomique de toutes les parties du corps humain). Entre autres ouvrages médicaux, il a écrit un traité sur la distillerie et l’abstraction de la quintessence (Das new groß Distillierbuch) paru à Francfort chez Christian Egenholff en 1545. Le même éditeur publie l’année suivante un Lustgarten der Gesundtheit qui relève lui aussi de l’art du médecin.
Médecine et architecture font souvent bon ménage : Louis Savot et Claude Perrault le confirment au siècle suivant. L’intérêt de Ryff pour l’art de bâtir se manifeste dès 1543, lorsqu’il contribue à l’édition latine de Vitruve publiée par Christian Egenoff à Strasbourg, puis en 1547 avec la rédaction du Furnembsten Bericht qu’imprime Johan Petreius à Nuremberg. La même année parut chez le même éditeur un petit cahier de six feuilles représentant les ordres d’architecture intitulé Der fünff maniren der Colonen... augenscheinlich Exempel. En 1548 le Vitruvius Teutsch, première traduction allemande de Vitruve, couronne la carrière de Ryff : elle suit d’un an la première traduction française procurée par Jean Martin mais, contrairement à cette dernière, elle est abondamment commentée.
Ce travail de traduction et d’analyse révèle de la part de Ryff une vaste culture. Il cite de nombreux auteurs, parmi lesquels Alberti, Luca Pacioli, Serlio, Philandrier, Dürer, les mathématiciens Pedro Nuñez et Oronce Fine, Niccolò Tartaglia, etc. Mais sa source principale est l’édition italienne de Cesare Cesariano parue à Côme en 1521. À l’Italien Ryff emprunte le goût des longues digressions et des commentaires abondants ; mais il s’en distingue par une plus grande précision dans la traduction. Il tire parti de sa vaste culture humaniste, citant volontiers Virgile qu’il n’hésite pas à commenter lui aussi, par exemple au livre I à propos du rôle des caryatides, ornement triomphal qu’il met en rapport avec les décors du palais de Didon qui au premier livre de l’Énéide font verser des larmes à Énée, pour en faire l’exemple des décors héroïques qui selon lui devraient décorer les demeures de princes d’aujourd’hui (f. XIII v°).
Traduit et commenté, le texte de Vitruve est aussi abondamment illustré par Ryff. Les gravures originales sont cependant rares : l’auteur fait son miel de toute l’iconographie architecturale antérieure, puisant principalement dans Cesariano, mais aussi dans Colonna, Dürer, Serlio et Philandrier ; à Marcantonio Raimondi il emprunte ses caryatides et ses Perses, à Agostino Veneziano des exemples de termes ; pour illustrer le vêtement des matrones, des sénateurs et des soldats romains il réunit trois planches du De re vestiaria de Lazare de Baïf (Röttingen 1914).
Le Vitruvius Teutsch fut réédité en 1575 et 1614 à Bâle. Mais son influence s’exerça certainement en France, où le livre d’anatomie de Ryff avait été publié. Il est très probable que Jean Goujon et Pierre Lescot, en concevant la « tribune » des Caryatides au Louvre, avaient consulté les textes et les images de l’Allemand, qui donnent non seulement la clé de la présence de ces motifs dans la grande salle du palais du roi, mais aussi la source de détails tels que le nœud du drapé de la robe des statues, qui apparaît dans l’illustration du livre, et qui permet d’identifier le vêtement comme la stola des matrones romaines évoquée par Vitruve.

Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2013


Bibliographie critique

I. Dann, « Walther Ryff », H. Günther (éd.), Deutsche Architekturtheorie zwischen Gothik und Renaissance, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1988, p. 79-88.

M. Gnehm, « Ryffs Scholien zu Vergil », Scholion. Mitteilungsblatt der Stiftung Bibliothek Werner Oechslin, 1, 2002, p. 69-87.

M. Gnehm,« Druckgeschichte und Bibliographie : W. H. Ryffs "Vitruuius Teutsch" », Scholion. Mitteilungsblatt der Stiftung Bibliothek Werner Oechslin, 3, 2004, p. 175-180.

M. Gnehm, « “Cum auctoritate et ratione decoris” : Bildinterpretationen in den Vitruvkommentaren W. H. Ryffs », F. Büttner & G. Wimböck (éd.), Das Bild als Autorität : die normierende Kraft des Bildes, Münster, LIT Verlag, 2004, p. 129-156.

H. Günther, « Les ouvrages d’architecture publiés par Walther Hermann Ryff, à Nuremberg en 1547 et 1548 », S. Deswarte-Rosa (éd.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Lyon, Mémoire Active, 2004, p. 501-503.

J. Jachmann, Die Architekturbücher des Walter Hermann Ryff : Vitruvrezeption im Kontext mathematischer Wissenschaften, Stuttgart, Ibidem-Verlag, 2006.

Y. Pauwels, « Athènes, Rome, Paris : la tribune et l’ordre de la Salle des Caryatides au Louvre », Revue de l’Art, 169, 2010, p. 61-69.

H. Röttingen, Die Holzschnitte zur Architektur und zum Vitruvius Teutsch des Walther Rivius, Strasbourg, Heitz, 1914.