LES LIVRES D’ARCHITECTURE
L’humaniste Guillaume Philandrier qui avait accompagné l’évêque de Rodez Georges d’Armagnac lors de ses ambassades à Venise (1536-1539) puis à Rome (1540-1545) publia à Rome en 1544 chez Giovanni Andrea Dossena ses Annotationes sur le De architectura de Vitruve, fruit de son expérience italienne. À Venise, l’humaniste, philologue et savant, avait été initié à l’architecture par Sebastiano Serlio en personne et était au fait de la théorie la plus moderne. Le disciple se révéla même assez avancé pour proposer dès cette époque une interprétation personnelle d’un passage du livre IV de Vitruve (IV, 6, [9] ]= Lemerle 2000, p. 201-202) dont Serlio ne tint pas compte dans ses Regole generali d’architetura publiées en 1537. Car Philandrier lit alors le traité antique de concert avec l’évêque de Rodez, lui-même fin lettré (1552, dédicace au cardinal d’Armagnac). Il est probable que le philologue a formé dès cette date le projet d’un commentaire du De architectura sous forme de brèves annotations avec des corrections comme il l’avait déjà fait pour Quintilien en 1535 (Castigationes, atque annotationes pauculæ in XII libros institutionum M. Fab. Quintiliani, specimen quoddam futurorum in eosdem commentariorum, Lyon, 1535). Il visite la cité des Doges, hante ses ateliers où il observe la fabrication des couleurs et il ne manque pas d’aller voir les ruines environnantes de Vérone et Pola, engrangeant ainsi une prodigieuse culture. Après un bref séjour à Paris, il revient outre-monts en 1540 et passe l’année à parcourir l’Italie avant de gagner Rome. À la cour de Paul III il fréquente Antonio et Giovan Battista da Sangallo, tous deux intéressés par les problèmes théoriques suscités par la lecture du De architectura. Comme dans la Sérénissime, le Français est en contact avec l’élite intellectuelle, Angelo Colocci et Marcello Cervini (futur pape Marcel II). Il est membre de l’Accademia della Virtù animée par Claudio Tolomei, qui au cours de l’hiver 1540-1541 décide de consacrer ses travaux à l’architecture antique et au traité de Vitruve. Il y côtoie des personnalités remarquables, ainsi que le jeune Vignole, chargé de relever les monuments antiques romains pour l’assemblée. La publication de Philandrier rendit caduque l’édition vitrivienne commentée projetée par Tolomei. S’il tira sans aucun doute parti des séances bihebdomadaires de l’académie romaine, consacrées en grande partie à la lecture du De architectura, cette lecture n’était pas achevée en 1544 et l’académie interrompit définitivement ses travaux après le départ de Tolomei en octobre 1545. Le Siennois n’eut pas non plus le temps de mener à bien l’autre volet de son ambitieux programme : l’étude et la publication des antiquités romaines. Or c’est dans ces mêmes années que le jeune Pirro Ligorio, qui évolue lui aussi dans l’ambiente Farnèse, consacre une grande partie de son activité aux vestiges archéologiques. Philandrier noua très vite des liens amicaux avec le Napolitain et apprit beaucoup de son ami (V, 3= Lemerle 2011, p. 72) en compagnie duquel il visita Rome et ses environs, Tivoli notamment. Frédérique Lemerle (Cnrs, Tours, Cesr) – 2013 Bibliographie critique
P. De La Mare, De vita, moribus, et scriptis Guillelmi Philandri Castilionii, Civis Romani Epistola, [Dijon], 1667. B. Ebhardt, Vitruvius : die zehn Buecher der Architektur des Virtuv und ihre Herausgeber. Mit einem Verzeichnis der vorhandenen Ausgaben und Erlaüterungen, Berlin, Burgverlag, 1918 (rééd. : New York, Salloch, 1962). F. Lemerle, « Genèse de la théorie des ordres : Philandrier et Serlio », Revue de l’art, 103, 1994, p. 33-41. F. Lemerle, « Philandrier et le texte de Vitruve », Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée, 106, 1994-2, p. 517-529. F. Lemerle, Les Annotations de Guillaume Philandrier sur le De Architectura de Vitruve, Livres I à IV, Introduction, traduction et commentaire, Paris, Picard, 2000. F. Lemerle, Guillaume Philandrier, Les Annotations sur l’Architecture de Vitruve, Livres V à VII, Introduction, traduction et commentaire, Paris, Garnier, 2011. F. Lemerle, « Philandrier et Giocondo », Giovanni Giocondo umanista, architetto e antiquario, a cura di P. Gros & P. N. Pagliara, Venise, Marsilio, 2015, p. 185-194. P. Maruéjouls, Étude biographique sur le cardinal d’Armagnac 1500-1585, thèse inédite de l’École des Chartes soutenue en 1896 (2 vol.), Rodez, Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron. P. N. Pagliara, « Vitruvio, da testo a canone », S. Settis (éd.), Memoria dell’antico nell'arte italiana, III, Turin, Einaudi, 1986, p. 67-74. G. Poleni, Exercitationes Vitruvianæ primæ..., Padoue, G. Manfrè, 1739-1741, p. 46-49.
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