LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Consultation de l’ouvrage

Transcription du texte

English

     La suite de Zurich est la grande suite d’estampes consacrée au château de Richelieu. Il en existe une autre, plus brève, de quinze planches, portant le même titre. Indépendamment de leur aspect panégyrique à la gloire du second duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal, ces publications sont l’un des rares documents d’époque conservés sur l’édifice disparu. La version longue, datée aujourd’hui des années 1657-1659, pouvait être achetée sur place par les visiteurs. Elle comporte outre la page de titre, la dédicace d’Augustin de Buisine au duc de Richelieu (1629-1715) et l’avis au lecteur, vingt planches gravées à l’eau-forte, signées pour la plupart par Jean Marot. Le cardinal-ministre Armand Jean du Plessis (1585-1642) avait racheté en 1621 la châtellenie de Richelieu entrée dans sa famille au début du XV^e siècle et commencé à acquérir les terres environnantes tout en embellissant les édifices existants, en particulier le « château neuf », que son père avait édifié sans pouvoir l’achever. Il entreprit une première campagne de travaux. Mais après l’érection en 1631 de la châtellenie en duché-pairie, il demanda à Jacques Lemercier de transformer le château existant en un édifice digne de son nouveau rang, à qui la ville neuve devait servir d’écrin. Le château changea d’échelle et d’orientation.
À la différence de la petite, la grande suite offre six vues perspectives dont la célèbre vue générale avec les jardins gravée par Jean Marot et Jean Le Pautre dans l’esprit des vues d’Israël Silvestre. Marot fournit un précieux plan du rez-de-chaussée du château datable des années 1660, où le corps de logis (qui correspond à l’ancien bâtiment conservé du « château neuf ») est manifestement de biais, par rapport aux deux ailes en retour, concession sans doute à l’attachement du maître des lieux à son passé. Les bustes et les statues représentées sur les façades, en particulier celles qui ornaient le porche d’entrée avec leur identification, donnent une idée de la prestigieuse collection d’antiques réunie par le cardinal qui attirait de nombreux visiteurs à Richelieu.
Même si les gravures ne sont pas toujours précises, même si elles ne correspondent pas non plus parfois à ce qui fut réalisé par Lemercier, elles rendent parfaitement compte dans une savante mise en scène de l’ambitieux projet architectural souhaité par Richelieu, alors même que le château par son plan en U à corps de logis traversant encadré de deux ailes simples avec la cour d’honneur fermée par un mur-écran n’est à cette date guère innovant.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2013

Bibliographie critique

B. Bouyx, Jean Marot, Architecte parisien du XVII^e siècle, Mémoire de maîtrise, sous la direction d’A. Schnapper & C. Mignot, Université de Paris-IV, 1989. 2 vol.

K. Deutsch, « ‘Le magnifique château de Richelieu’ par Jean Marot. Représentation et panégyrique. De la relation entre l’architecture et sa représentation dans les gravures », B. Gady, B. Gaehtgens & J.-C. Boyer, Richelieu patron des arts, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2009, p. 55-74.

K. Deutsch, « Le Magnifique chasteau de Richelieu par Jean Marot », Richelieu à Richelieu. Architecture et décors d’un château disparu, Milan, Silvana editoriale / Musée des Beaux-Arts, Orléans / Musée des Beaux-Arts, Tours, 2011, p. 415-423 ; cat. 173, p. 427-429.

A. Gady, Jacques Lemercier Architecte et ingénieur du Roi, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2005, p. 264-277.

Richelieu à Richelieu. Architecture et décors d’un château disparu, Catalogue de l’exposition présentée dans les Musée des Beaux-Arts d’Orléans, de Tours et le Musée municipal de Richelieu (17 mars-13 juin 2011), Milan, Silvana editoriale / Musée des Beaux-Arts, Orléans / Musée des Beaux-Arts, Tours, 2011.

C. Toulier, Le château et la cité idéale de Richelieu, Orléans, Berger M. Éditions, 2005.

H. Wischermann, Schloss Richelieu. Studien zur Baugeschichte und Austattung. Thèse de doctorat Université de Fribourg, 1973.