LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Marot, Jean
Titre
Recueil des plans, profils et élévations des plusieurs palais, chasteaux, églises...
Adresse [s.l.s.n.], [avant 1659]
Localisation Paris, Binha, Num 4 Res 9
Mots matière Châteaux, Hôtels, Églises, Tombeaux, Portes
Transcription du texte

English

     Jean Marot (1619-1679), architecte et dessinateur, apparaît essentiellement comme l’une des figures dominantes du monde parisien de la gravure du XVIIe siècle. Toutefois, sa carrière demeure obscure. Si dès 1648, il s’intitule « architecte » en même temps que « graveur » (Arch. nat., Min. cent., CXXI, 12, 2 avril 1648), les constructions qui lui sont généralement attribuées le sont surtout par le biais de ses recueils gravés connus sous les noms de Grand et Petit Marot. Or la constitution de ces deux recueils soulève de nombreuses interrogations, d’autant que leurs formes définitives ne furent fixées que durant le courant du XVIIIe siècle.
Le Petit Marot connut ainsi trois éditions successives : la première, sans lieu ni date, et la seconde, éditée par Mariette dans le deuxième tiers du XVIIIe siècle, toutes deux sous le titre Recueil des plans, profils et élévations... ; la troisième, éditée par Jombert dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, s’intitule Petit œuvre d’architecture de Jean Marot... Les deux dernières sont des compilations de gravures de Marot, ajoutées au noyau central contenu dans la première édition. Toutes présentent de nombreuses variantes dans leur composition, et ce même entre les différents exemplaires de chaque édition.
Même la première édition n’offre guère de cohérence dans la présentation des différentes constructions proposées. Les hôtels, châteaux, églises, tombeaux et portails sont exposés sans ordre apparent. Il y a cependant une logique : pour chaque édifice, Marot propose plusieurs planches de plans, élévations et profils, bien que leur ordre et leur nombre varient selon le bâtiment. Les informations données sont peu nombreuses et souvent incomplètes. Ainsi, seuls les hôtels de Jars (Gert) et d’Aumont sont dits « du dessein de l’architecte Mansart », alors que d’autres œuvres de l’architecte y sont présentées, comme le château de Maisons. Marot précise aussi que le tombeau du duc de Montmorency est « fait par Monsieur Anguer » (Anguier). C’est ce manque de précision qui est à l’origine de l’attribution à Marot lui-même de certains édifices qu’il grave, comme la façade de l’église Notre-Dame des Ardilliers de Saumur, attribution que rien ne vient confirmer par ailleurs.
Le livre présente vingt-neuf bâtiments et tombeaux en plusieurs planches. Le premier (pl. 2 à 6) est le palais d’Orléans (aujourd’hui du Luxembourg). Suivent les châteaux de La Trémoille à Thouars (pl. 7 à 9) et du Raincy (pl. 10 à 16), la maison Jabach (pl. 17 à 23), les châteaux de Maisons (pl. 24 à 28), de Ponts-en-Champagne (pl. 29 et 30), de Meudon (grotte, pl. 31 à 33) et de Coulommiers-en-Brie (pl. 34 à 37), la maison Roland, rue de Cléry à Paris (pl. 38 à 41), les hôtels Tubeuf (pl. 42 à 47), de Liancourt au faubourg Saint-Germain (pl. 48 à 52) et de Bretonvilliers (pl. 53 à 57), le château du Fayelles (pl. 57 à 59), les hôtels de Sully (pl. 60 à 63), d’Argouge (aujourd’hui Carnavalet, pl. 64 à 68), de La Bazinière (pl. 69 à 72), de Jars (pl. 73 à 78) et d’Aumont (pl. 79 à 82), une maison particulière à Paris (pl. 83 et 84), la grotte du château de Noisy (pl. 85 à 87), les chapelles de la Sorbonne (pl. 88 à 90), de Sainte-Marie (Visitation, pl. 91 et 92) et du Noviciat des Jésuites de Paris (pl. 93 à 95), le tombeau du duc de Montmorency à Moulins (pl. 96 à 98), les églises de l’Oratoire à Paris (pl. 99 à 101) et de Notre-Dame des Ardilliers à Saumur (pl. 102 à 104), la chapelle des Valois à Saint-Denis (pl. 105 à 113), le tombeau de François Ier à Saint-Denis (pl. 114 et 115), de l’église des Carmes déchaussés au faubourg Saint-Germain (pl. 116). Enfin, le Recueil se termine par une série de gravures (pl. 117 à 135), composée d’inventions de Marot (portails, portes de villes, églises ou chapelles, portes de menuiserie, cheminées) et d’éléments réels (les portes de la chambre du Roi au Louvre et du château d’Heidelberg, ou encore le Panthéon de Rome).
La datation de cette première édition est problématique. Un inventaire des planches de l’atelier de Marot réalisé à l’occasion de son mariage avec Charlotte Galbran en 1659 (Arch. nat., Min. cent., LXX, 73, 12 octobre 1659, cité par B. Bouyx), montre que l’ensemble des planches du Recueil existaient déjà à cette date, qui doit être considérée comme un terminus post quem. En effet, la dédicace d’un exemplaire du Recueil des plans, profils et élévations conservé à la Bibliothèque nationale de France (BnF, Res M-V-176) précise qu’il « a esté donné à frère Guillaume de Saint-Denis par Monsieur Paget, intendant des finances et maistre des Requestes, le 23e septembre 1659 », ce que confirme d’ailleurs l’ex-libris de la première planche : « Ex biblioth. Fuliensium Sti Bernardi parisiensis, 1659 ». Il faudrait donc considérer cette édition comme l’originale, et en accorder la paternité à Marot lui-même, assez tôt dans sa carrière.
De fait, l’œuvre de Marot, même si les raisons de son programme nous échappent, est à situer dans la lignée des Plus excellents bastiments de France d’Androuet du Cerceau. Ce qui compte, ce sont les bâtiments eux-mêmes, voire leurs commanditaires, mais non leurs auteurs. Au regard de l’histoire de l’art, le recueil de Marot représente un intérêt majeur pour connaître l’état ancien de constructions aujourd’hui remaniées ou disparues.

Michaël Decrossas (EPHE, Histara, Paris) – 2013


Bibliographie critique

A. Bérard, Catalogue de toutes les estampes formant l’œuvre de Jean Marot architecte et graveur, précédé d’une notice sur sa vie et ses œuvres, Paris, Morel & Cie, 1864.

B. Bouyx, Jean Marot architecte parisien du XVIIe siècle, mémoire de maîtrise à l’Université Paris IV Sorbonne, sous la direction d’Antoine Schnapper et Claude Mignot, 1989.

A. Mauban, Jean Marot architecte et graveur parisien, Paris, Les éditions d’Art et d’Histoire, 1944.