LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Marolois, Samuel
Titre Fortification ou architecture militaire...
Adresse La Haye, H. Hondius, 1615
Localisation Zürick, ETH, Rar 9726 GF
Mots matière Fortifications
Transcription du texte

English

     La floraison des sciences et des arts dans les Pays-Bas du nord au XVIIe siècle est due à l’augmentation certaine de l’influence des protestants réfugiés et à d’autres immigrants de grand talent venus des provinces méridionales et de France. Dans le domaine de la théorie des fortifications, on peut citer Simon Stevin, la famille Van Schooten et Samuel Marolois (La Haye ( ?), c1572-La Haye, avant 1627). Marolois de fait était né dans la République, mais son père Nicolas, originaire de Valenciennes, venait d’être exilé de France à cause de son engagement auprès du prince d’Orange et des missions dangereuses qu’il avait accomplies pour lui. Suite à l’exil de son père qui avait perdu tous ses biens en France, le jeune homme grandit dans un contexte difficile. Dans une supplique adressée aux Gecommitteerde Raden de Hollande, il mentionne le fait qu’en dépit des services constants et loyaux rendus par son père à la République, il n’a jamais reçu la moindre récompense ni le moindre dédommagement en échange. Samuel parvint néanmoins à devenir un mathématicien doué en même temps qu’un ingénieur de terrain. Il gagna sa vie comme professeur privé de mathématiques et de fortification. Ses qualités furent incontestablement reconnues et on fit appel à son expertise en plusieurs occasions. En compagnie de Simon Stevin, il fit pour les États Généraux de Hollande un rapport sur la méthode de Jan Hendrickz Jarichs van der Leij pour déterminer les longitudes en mer. En 1611, il obtint un brevet pour une sorte de moulin à roue actionné par la force des chevaux. Pourtant son ambition ultime, succéder à Ludolf van Ceulen comme professeur et directeur de la Duytsche Mathematique, ne put se matérialiser. C’est le tout aussi compétent Frans van Schooten senior qui obtint la direction de la fameuse institution d’ingénierie de Leyde, mais la compétition avait été rude, car Marolois était personnellement recommandé par le stadhouder, le prince Maurice. En outre, l’école avait été fondée par le prince en 1600 sur un ensemble de protocoles établis par Stevin, avec qui Marolois avait travaillé. Marolois dut se contenter des postes occasionnels qui se présentèrent à lui. En 1618, il fut assermenté par le Conseil d’État en tant que contrôleur de l’artillerie. Lorsqu’en 1619 le problème de Van der Leij fut à nouveau posé, quatre des meilleurs spécialistes en mathématiques appliquées se trouvèrent concernés : Stevin, Snellius, Dou et Marolois. Bien qu’il n’ait jamais travaillé dans l’institution de Leyde, alors fameuse, où l’on enseignait les mathématiques appliquées, Marolois a livré l’un des premiers manuels imprimés sur l’architecture militaire et l’arpentage, plus ou moins le fuit de sa carrière. Son traité sur la fortification vit le jour comme partie d’un ouvrage plus vaste, les Opera mathematica,un luxueux livre oblong de grand format (30 x 39 cm) publié par Hendrick Hondius à La Haye en 1614-1616.
     L’édition oblongue de la Fortification par Hondius comporte respectivement pour les premier et second livres 29 et 11 cahiers de grand format avec quarante gravures imprimées uniquement sur les rectos représentant 164 figures. Les éditions postérieures sont toutes des in-quarto, avec les illustrations imprimées sur des pages pliées. Le traité fut conçu en deux livres qui correspondent au titre (Fortification ou architecture militaire tant offensive que défensive…), consacrés à l’art de la défense, c’est-à-dire à la conception des fortifications au sens strict de terme et à l’ingénierie nécessaire aux actions offensives, c’est-à-dire à l’art du siège. C’est le plan ordinaire d’un traité de fortification, même si les différents auteurs ont pu choisir des subdivisions particulières ou mettre l’accent sur tel ou tel point, la partie offensive étant la plupart du temps significativement plus courte. La théorie de la défense est traitée comme un ensemble d’opérations géométriques destinées à dessiner des plans en polygone régulier, avec leurs boulevards à l’échelle. La Fortification fut le premier ouvrage à présenter de façon systématique et complète ce que l’on appelait l’ancien système de fortification néerlandais, pour laquelle la jeune république hollandaise était fameuse. Néanmoins, Marolois n’a jamais enseigné à la Duytsche Mathematique et, pour autant qu’on sache, n’a jamais servi comme officier dans les armées de l’État. Il n’a pas non plus inventé ni formalisé le système hollandais, comme on le dit parfois. C’était un brillant mathématicien, probablement aussi un bon dessinateur, familier des derniers développements de la théorie des fortifications. Ses gravures à grande échelle ont dû représenter un exemple pour les auteurs qui lui ont succédé. Le traité de Marolois devint particulièrement réputé pour la représentation détaillée de la citadelle heptagonale de Coevorden, sur la frontière nord-est, qu’il estimait être l’exemple idéal des Pays-Bas (planche 14bis, fig. 75). Parmi les modèles théoriques de fortifications irrégulières, Marolois inclut l’exemple des réalisations réelles d’Harderwijk, les ouvrages du siège d’Ostende, la forteresse St. Andries et la cité de Juliers.
     Malheureusement, nous ne savons rien des activités de Marolois comme enseignant, ni sur ses éventuels contacts avec les mathématiciens et ingénieurs qu’il a pu fréquenter. Contemporain et rival direct Frans van Schooten senior, occupant une position intermédiaire entre d’un côté les émigrés venus du sud comme Simon Stevin et Vredeman de Vries et de l’autre la seconde génération de spécialistes en fortifications tels que Frans van Schooten junior, Adam Freitag, Nicolaus Goldmann et Matthias Dögen, Samuel Marolois est l’un des acteurs les plus étonnants de l’histoire de la théorie architecturale au début du XVIIe siècle.

Jeroen Goudeau (Radboud University, Nijmegen, NL) – 2015

Bibliographie critique

S. Bürger, Architectura Militaris : Festungsbautraktate des 17. Jahrhunderts von Specklin bis Sturm, Munich, Deutscher Kunstverlag, 2013, p. 277-181.

K. Jordan, Bibliographie zur Geschichte des Festungbaues von den Anfängen bis 1914, Marbourg, Deutsche Gesellschaft für Festungsforschung e.V., 2003, p. 168-170.

J. A. van Maanen, Facets of Seventeenth Century Mathematics in the Netherlands, Diss., Utrecht 1987, p. 6-12.

P. C. Molhuysen, Bronnen tot de geschiedenis der Leidsche universiteit 1574-1811, 7 vols, 1913-1924, vol. 2 : 8 fév. 1610-7 fev. 1647, ’s-Gravenhage, Martinus Nijhoff, 1916, p. 43*-44*, 67*-68*.

N. M. Orenstein, Hendrick Hondius and the Business of Prints in Seventeenth-Century Holland, Studies in Prints and Printmaking 1, Rotterdam, Sound & Vision Interactive, 1996, en particulier p. 106-121, cat. n° 629, 631-633.

E. Taverne, In t land van belofte: in de nieue stadt: Ideaal en werkelijkheid van de stadsuitleg in de Republiek 1580-1680, Maarssen, G. Schwartz, 1978, ch. 3.

C. de Waard, « Marolois (Samuel) », P. C. Molhuysen and P. J. Blok (éd.), Nieuw Nederlandsch Biografisch Woordenboek, 10 vols, 1911-1937, vol. 2, Leyde, A. W. Sijthoff, 1912, p. 873-875.