LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Marolois, Samuel
Titre Opera mathematica...
Adresse La Haye, H. Hondius, 1615
Localisation  
Mots matière Architecture, Fortifications, Géométrie, Perspective
Transcription du texte

English

     À sa parution en 1615, le traité sur les fortifications de Marolois n’était qu’une partie d’une œuvre plus vaste, les Opera mathematica, luxueux ouvrage oblong de grand format, publié d’abord par Hendrick Hondius à La Haye en 1614-1616. On y trouvait six parties dont trois sortaient de Marolois : outre la Fortification (sixième partie), une Géométrie et une Perspective formaient respectivement les première et deuxième parties. Les troisième et quatrième parties réunies sous le titre de Perspective ainsi que la cinquième, Architectura, étaient des rééditions de deux traités fameux publiées sous le même nom par Hans Vredeman de Vries (1526-1609). Les planches originales de ce dernier avaient été regravées par Hondius et agrémentées d’un nouveau texte par Marolois. Les Opera mathematica et les œuvres originales de Marolois, Fortification et Géométrie, en tant que livres séparés, nous sont parvenus en de nombreuses éditions, en français, allemand, latin, néerlandais, et une en anglais. Davantage marchand d’estampes que libraire, Hendrick Hondius (1573-1650), éditeur et graveur actif à La Haye, connut un grand succès. Il vendit les planches et les textes de ces ouvrages après la première édition à Johannes Janssonius (Arnhem, 1588-Amsterdam, 1664). Ce dernier, imprimeur, éditeur et cartographe établi à Amsterdam, avait les capacités techniques de procéder à des rééditions qui devaient satisfaire une large demande. Il était lié à la maison Hondius par son mariage avec la sœur de Hendrick, Elisabeth, en 1612. Toutes les éditions des Opera mathematica furent réimprimées par Janssonius à Amsterdam : en français en 1614, 1617, 1628, 1638-1639, 1644-1647 et 1662 ; en allemand en 1628 et 1639 ; des traduction latines virent le jour en 1633 et 1649, et une autre en néerlandais en 1651. La Fortification faisait partie de ces rééditions, mais, de même que la Géométrie, le livre était aussi vendu séparément. En 1627, les Opera mathematica furent révisés par le brillant mathématicien Albert Girard (1595-1632), protestant français réfugié aux Pays-Bas, qui traduisit aussi Stevin et qui est probablement le premier à avoir utilisé le terme « sinus » dans un livre imprimé, la Géométrie en l’occurrence. Ses révisions furent maintenues dans toutes les éditions postérieures, imprimées en italiques et ainsi facilement reconnaissables en tant qu’interventions postérieures à l’écriture du texte. D’autres révisions furent ajoutées en 1628 par Theodor Verbeeck dans la Géométrie et Frans van Schooten dans la Fortification. En 1662 se termina l’histoire des rééditions de Marolois, probablement du fait de la sévère récession économique que dut alors affronter la République et qui eut des répercussions immédiates sur la production de livres imprimés en Hollande.
     Pour la plupart de ses tirages et pour les pages de titre de ses éditions de livres, Hendrick Hondius eut recours à des artistes d’une très grand compétence en matière de gravure, et dont les mains se distinguent bien les unes des autres. C’est le cas pour les pages de titre de Marolois, et pas nécessairement pour les gravures didactiques à l’intérieur des livres, en général plus simples, qui étaient réalisées par des artistes moins habiles dans l’atelier de l’éditeur. Le cartouche de titre avec ses cuirs, sur la page de titre oblongue des Opera mathematica est encadré par quatre figures de l’Antiquité représentés au travail dans le cadre de leur discipline respective : Euclide pour la géométrie (comme partie des mathématiques), Vitellius pour la perspective et l’astronomie, Archimède pour la fortification (physique appliquée aux choses militaires) et Vitruve pour l’architecture. Bien que d’une iconographie originale et très détaillée, cette page de titre très narrative attribuée à Andries Stock est surpassée en force dramatique par celle de Simon Frisius pour la Fortification. L’on y voit en effet un Mercure nu et une Bellone coiffée d’un casque à panache disposés dans une composition triangulaire très dynamique et pleine de contrastes, allongés sur des ennemis à terre et des armes empilées, en train de consulter un livre sur la théorie des fortifications ; le titre lui-même est gravé dans un cartouche qui tient lieu de bouclier à Bellone.
     Une étude plus complète sur Marolois reste à écrire. Elle pourrait apporter des éclaircissements sur ses sources et sur ses propres apports à la fortification, à l’architecture, à la géométrie et à l’arpentage aussi bien que sur la perspective. Il serait très intéressant de déterminer le nombre exact des nombreuses rééditions de son livre, de préciser la nature de ses relations avec les éditeurs Hendrick Hondius et Johannes Janssonius, ses rapports avec l’œuvre artistique de Vredeman de Vries et le programme d’études de la Duytsche Mathematique. Il reste aussi à trouver des preuves d’applications concrètes des ouvrages de Marolois, par exemple au Danemark. Néanmoins, on peut souligner que l’importance de Samuel Marolois dans l’histoire de l’architecture est déterminée par la grande qualité de la publication de ses livres, qui ont suscité encore plus d’intérêt après sa mort, dépassant les frontières de la République de Hollande. Ils répondaient à une forte demande : ils couvraient plus ou moins une grande gamme de sujets relatifs à l’architecture, aux fortifications et à l’ingénierie, et proposaient une synthèse des connaissances de l’époque.

Jeroen Goudeau (Radboud University, Nijmegen, NL) – 2015

Bibliographie critique

S. Bürger, Architectura Militaris : Festungsbautraktate des 17. Jahrhunderts von Specklin bis Sturm, Munich, Deutscher Kunstverlag, 2013, p. 277-181.

K. Jordan, Bibliographie zur Geschichte des Festungbaues von den Anfängen bis 1914, Marbourg, Deutsche Gesellschaft für Festungsforschung e.V., 2003, p. 168-170.

J. A. van Maanen, Facets of Seventeenth Century Mathematics in the Netherlands, Diss., Utrecht 1987, p. 6-12.

P. C. Molhuysen, Bronnen tot de geschiedenis der Leidsche universiteit 1574-1811, 7 vols, 1913-1924, vol. 2 : 8 fév. 1610-7 fev. 1647, ’s-Gravenhage, Martinus Nijhoff, 1916, p. 43*-44*, 67*-68*.

N. M. Orenstein, Hendrick Hondius and the Business of Prints in Seventeenth-Century Holland, Studies in Prints and Printmaking 1, Rotterdam, Sound & Vision Interactive, 1996, en particulier p. 106-121 ; cat. n° 629, 631-633.

E. Taverne, In t land van belofte: in de nieue stadt: Ideaal en werkelijkheid van de stadsuitleg in de Republiek 1580-1680, Maarssen, G. Schwartz, 1978, ch. 3.

C. de Waard, « Marolois (Samuel) », P. C. Molhuysen and P. J. Blok (éd.), Nieuw Nederlandsch Biografisch Woordenboek, 10 vols, 1911-1937, vol. 2, Leyde, A. W. Sijthoff, 1912, p. 873-875.