LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Leclerc, Sébastien
Titre Traité de geometrie
Adresse Paris, J. Jombert, 1690
Localisation Paris, BINHA, 12 RES 527
Mots matière Géométrie
Transcription du texte

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           Pour qui s’intéresse à la fois aux arts et aux sciences au XVIIe siècle les carrières d’Abraham Bosse (1604 ?-1676) et de Sébastien Leclerc (1637-1714) offrent des similitudes et des différences frappantes. Certes l’un est plus lié à Louis XIII et Richelieu, l’autre à Louis XIV et Colbert, mais ils sont tous les deux des graveurs renommés dont les estampes furent très recherchées par leurs contemporains et aussi des savants qui, perspective et architecture obligent, devinrent des géomètres érudits. Ils fréquentent de nombreux scientifiques dont les Mémoires pour servir à l’histoire des plantes de Denis Dodart imprimés en 1686 par l’Imprimerie Royale et illustrés par Leclerc, contiennent dix planches d’Abraham Bosse. Leur carrière à l’Académie Royale de peinture et sculpture est plus contrastée car en 1661 Bosse quitte la Compagnie, consacrant ainsi sa rupture avec Le Brun. Or c’est ce même premier peintre du Roi qui reconnaît très tôt le talent de Leclerc et le présente à l’Académie en 1672 où il fut reçu, dit Jombert, « d’un consentement unanime, en qualité de graveur [plus exactement comme dessinateur et graveur] ; on le fit, en même temps, professeur de géométrie et de perspective, avec une pension de 300 livres ».
           De même que Bosse fut appelé dès la fondation de l’Académie pour y enseigner la géométrie et la perspective après la publication de son ouvrage sur La manière universelle de Mr Desargues pour pratiquer la perspective(1647-48), de même La pratique de la géométrie sur le papier et sur le terrain de Sébastien Leclerc, achevée d’imprimer en novembre 1668, datée de 1669, n’est pas pour rien dans sa nomination à l’Académie trois ans plus tard ; cette publication, dite la Petite géométrie de Leclerc, eut en effet un succès prodigieux. Elle est dédicacée au Marquis de Seignelay c’est-à-dire au fils du grand Colbert qui cette année-là obtint de Louis XIV, pour lui, la survivance de toutes ses charges. La vignette qui surplombe la dédicace réunit le Soleil, symbole du roi, et les couleuvres des armes des Colbert. Ce n’est pas, comme il est dit parfois, un ouvrage de perspective mais un livre élémentaire de géométrie manifestement destiné à l’éducation de la jeunesse. Leclerc rappelle dans sa préface que la géométrie est nécessaire aux astrologues, aux géographes, aux architectes, aux ingénieurs, « aux personnes de qualité que leur naissance engage à la guerre »et aux dessinateurs ; ces derniers, dit-il, « doivent sçavoir quelque chose de la Géométrie, puis qu’ils ne peuvent autrement posséder l’Architecture, ni la Perspective, qui sont deux parties absolument nécessaires à leur Art ». Or de nombreux livres élémentaires de géométrie sont à cette époque à la disposition du public et sans le même créneau, quatre ans plus tôt, Bosse a publié son Traité des pratiques géométrales et perspectives enseignées à l’Académie, mais l’ouvrage de Sébastien Leclerc séduit par son originalité et sa perfection artistique. Pour la première fois semble-t-il, un traité de géométrie réunit distinctement, d’une part un texte mathématique, certes d’un niveau moyen mais solide, et d’autre part des gravures de petits paysages ornés de morceaux d’architectures qui sont, dit Edouard Meaume, « dessinés et gravés d’une correction et d’une force où l’art parait épuisé ».
           Une introduction de 16 pages et 16 planches présente la géométrie sous une forme assez euclidienne, avec définitions, axiomes et pétitions. Les figures géométriques qui en vis-à-vis explicitent chaque page mathématique sont inscrites dans de belles bordures ou des cartels d’ornement avec parfois des petits personnages. Ce type de présentation n’est pas nouveau même si l’imagination et l’habileté de Leclerc y sont déjà sensibles. La suite de l’ouvrage se divise en cinq livres sur cinq thèmes géométriques. A chaque page de texte correspond une planche où apparaissent dans la partie supérieure les figures géométriques relatives aux explications mathématiques et, en bas, et c’est cela l’originalité de l’auteur, une vignette qui n’a aucun rapport avec le texte. Ce sont des petits sujets extrêmement amusants par leur gentillesse & leur variété, écrit Jombert qui décrit finement ces gravures (p. 104-124). Certains de ces sujets ont été composés très tôt à Metz avant même l’arrivée de Leclerc à Paris en 1665. On peut considérer que ce sont autant d’exemples d’architecture et de sujets d’imagination où les perspectives linéaire et aérienne sont habilement mises en œuvre et peuvent servir de modèle à des débutants. Le contenu mathématique n’est pas négligeable : le premier livre décrit les lignes en quatorze propositions classiques. Le second livre expose seize propositions sur la construction des figures planes ; la proposition 13 donne la construction de l’ellipse par le procédé dit « de la bande de papier », mais on est très loin des savantes propositions de Bosse sur les coniques. Le troisième livre examine l’inscription des figures en quinze propositions, on y trouve l’inscription approchée dans un cercle d’un heptagone selon la méthode de Dürer (prop. 4), d’un ennéagone (prop. 5) et surtout d’un hendécagone avec une précision relative remarquable de 4 pour 10.000 (prop. 6). Le quatrième livre, plus original, traite en quinze propositions de la circonscription des figures comme, par exemple, la circonscription d’un triangle équilatéral par un pentagone (prop. 8). Le cinquième livre donne six résolutions géométriques très correctes de problèmes sur les lignes proportionnelles mais qui peuvent paraître un peu surannées à cette époque.
           En mariant ainsi le sérieux du propos et la séduction des images Sébastien Leclerc obtint un grand succès de librairie. En cette année 1669, Colbert, amateur de beaux-arts séduit par son talent, lui donna un logement aux Gobelins qu’il conserva toute sa vie ainsi qu’une pension de 600 écus qui l’attachait au service du roi. Une deuxième édition enrichie de 10 nouvelles planches (dont trois tirées du Discours sur le point de vue de 1679) parut chez Thomas Jolly en 1682, puis une troisième, avec sept nouvelles planches, chez Jean Jombert, en 1700.
           Cet ouvrage fit l’objet de très nombreuses contrefaçons surtout à Londres mais aussi à Lausanne, Amsterdam, Berne, Venise ou Rome et de traductions en anglais, latin, allemand ou italien. Ces éditions interviennent très tôt (dès 1671 à Londres) et il n’y a guère de décennies du début XVIIIe siècle où plusieurs publications n’aient vu le jour. Signalons, pour montrer la postérité du procédé éditorial de Sébastien Leclerc, une édition très tardive de 1805, Nattes’s Practical Geometry or introduction to Perspective Translated from the French of Le Clerc, à Londres, chez W. Miller, qui conserve une grande partie du contenu mathématique mais où les estampes de Leclerc sont remplacées par celles du dessinateur John Claude Nattes et du dessinateur-graveur William Henry Pyne.

Jean-Pierre Manceau (Tours) – 2016

Bibliographie critique

C.-A. Jombert. Catalogue raisonné de l’œuvre de Sébastien Le Clerc..., t. 1, t. 2, Paris, C.-A. Jombert, 1774.

P.-J. Mariette, Abecedario et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes. Ouvrage publié... et annoté par... Ph. de Chennevières et A. de Montaiglon, Paris. J.-B. Dumoulin, 1856, t. 3, p. 97-112.

E. Meaume, 1637-1714 Sébastien Le Clerc et son œuvre gravé, Paris, Baur & Rapilly, 1877.

M. Préaud, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, Sébastien Leclerc,t. 8.1 ; t. 9.2, Paris, Bibliothèque nationale, 1980.

Sébastien Le Clerc, 1637-1714 [Catalogue de l’exposition organisée par la Bibliothèque municipale de Metz, 27 mai-26 juillet 1980], Metz, Bibliothèque municipale de Metz, 1980.