LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Anonyme français |
Titre |
Discours de la Ioyeuse et triomphante entree de... Henry
IIII... faicte en sa ville de Rouën... |
Adresse |
Rouen, R. du Petit-Val, 1599 |
Localisation |
Paris, Binha, 8 Res 612 |
Mots matière |
Entrée |
English
Le
mercredi 16 octobre 1596, Henri IV faisait son entrée solennelle
à Rouen. Roi de France depuis six ans, il achevait de reconquérir
son royaume et s’efforçait de restaurer l’État
affaibli par trente années de guerres civiles. Son avènement
le 2 août 1589, à la suite de l’assassinat de Henri
III, le dernier Valois, avait provoqué un véritable traumatisme
: le nouveau roi de France, roi Très Chrétien, fils aîné
de l’Église, était en effet un adepte de la religion
réformée. Cette situation sans précédent
avait radicalisé l’opposition des catholiques zélés
qui, groupés au sein de la Ligue ou Sainte Union, voulaient placer
sur le trône un prince catholique. Pendant la première
décennie de son règne, Henri allait devoir combattre sur
tous les fronts : il lui fallait soumettre les provinces et les villes
qui avaient fait sécession, livrer bataille à des rebelles
puissamment armés et soutenus par le roi d’Espagne, résoudre
le problème posé par l’existence d’une forte
minorité protestante, rétablir le fonctionnement normal
des pouvoirs publics, complètement désorganisés.
Pour imaginer concrètement les difficultés auxquelles
le roi était affronté, il faut songer que Paris, sa capitale,
était aux mains des ligueurs depuis mai 1588 ; que de vastes
provinces comme la Normandie ou la Bretagne échappaient à
son autorité ; que le produit des impôts en était
d’autant diminué, alors qu’il fallait soutenir un
effort de guerre prolongé. Des solutions de fortune avaient été
mises en place. Pour assurer la continuité de l’État,
certaines institutions avaient été dédoublées
: ainsi, un parlement royaliste avait été installé
à Tours pour remplacer celui de Paris où étaient
demeurés les magistrats ligueurs.
À
l’automne 1596, Henri IV pouvait se féliciter du redressement
qui se confirmait depuis trois ans. Car les premières années
avaient été difficiles. S’il avait d’abord
remporté d’éclatantes victoires malgré un
rapport de forces défavorable (Arques en septembre 1589 et Ivry
en mars 1590), c’est en vain qu’il avait tenté, par
un blocus implacable, de reprendre Paris de mai à août
1590, et le siège de Rouen, de novembre 1591 à avril 1592,
avait pareillement échoué. C’est l’abjuration
du roi qui avait permis d’amorcer le processus de pacification
: le 25 juillet 1593, Henri IV avait fait profession de la foi catholique
à Saint-Denis, et le 27 février 1594 il s’était
fait sacrer dans la cathédrale de Chartres (celle de Reims, lieu
traditionnel de cette cérémonie, étant encore aux
mains des ligueurs). Ces deux démarches avaient facilité
les premiers ralliements : le roi était rentré dans sa
capitale le 22 mars 1594 et avait obtenu la soumission de Rouen et de
la Normandie quelques jours plus tard. Cependant les chefs de la Ligue
(essentiellement le jeune duc de Guise et ses oncles, les ducs de Mayenne
et de Nemours) continuaient la lutte et refusaient de reconnaître
un prince qui restait sous le coup des censures pontificales fulminées
contre lui le 9 septembre 1585 par Sixte Quint, lequel l’avait
alors privé de ses États (Navarre et Béarn) et
déclaré inapte à succéder à la couronne
de France. Cette dernière hypothèque fut levée
le 17 septembre 1595 quand le pape Clément VIII accorda au roi
son absolution. Quelques mois plus tard, en janvier 1596, les derniers
princes rebelles se soumettaient à l’exception du duc de
Mercœur, gouverneur de Bretagne. Pour provoquer un sursaut «
patriotique », Henri IV, en janvier 1595, avait déclaré
la guerre à l’Espagne, dont le roi Philippe II avait constamment
soutenu, militairement et financièrement, les ligueurs et même
tenté de placer sur le trône de France sa propre fille
l’infante Isabelle Claire Eugénie, petite-fille de Henri
II. La victoire de Fontaine-Française en Bourgogne, le 5 juin
1595, avait conforté la position du roi de France.
À
l’automne 1596, la situation de Henri IV s’était
donc considérablement raffermie. Du point de vue purement politique,
il ne restait plus – tâches à vrai dire encore redoutables
– qu’à soumettre la Bretagne, régler le problème
de la coexistence entre catholiques et protestants et terminer la guerre
étrangère. Ces trois objectifs seront atteints au printemps
1598, avec le ralliement de Mercœur, l’édit de Nantes
et le traité de Vervins. Mais pour parachever son œuvre
de pacification et de réconciliation, le roi devait encore rétablir
ses finances, qui se trouvaient dans un état catastrophique.
Aux dépenses incompressibles nécessitées par l’entretien
des armées royales depuis sept ans s’était ajouté
le paiement des fortes indemnités consenties aux ligueurs ralliés.
Les sommes astronomiques exigées et obtenues notamment par l’amiral
de Villars, gouverneur de Rouen, Charles de Cossé-Brissac, gouverneur
de Paris, ou le duc de Guise, avaient asséché le Trésor
royal et contraint le souverain à emprunter. La dette publique
était abyssale et il fallait y remédier au plus tôt.
L’un des moyens traditionnels de faire face à une telle
crise était de consulter les représentants des trois ordres
constitutifs du royaume. Henri IV répugnait à convoquer
les États généraux, la précédente
session, organisée à Paris en 1593 par le duc de Mayenne
chef de la Ligue, ayant laissé un trop mauvais souvenir. Il recourut
à une procédure plus simple et plus sûre : la réunion
d’une assemblée de notables, qui fut convoquée par
lettres royales du 25 juillet 1596.
C’est
donc pour ouvrir cette assemblée et suivre de près ses
délibérations que Henri IV était venu à
Rouen avec le gouvernement et la cour. Le choix de cette ville, longtemps
ligueuse, était tout un symbole : il illustrait le désir
du roi de manifester la réconciliation nationale qui devenait
peu à peu réalité. Le roi et sa suite s’installèrent
dans le palais abbatial de Saint-Ouen. Lors de l’entrée
du 16 octobre, les habitants ne purent manquer d’être frappés
par la présence auprès du monarque, à une place
en vue, de sa favorite, la blonde Gabrielle d’Estrées.
Henri, toujours marié à l’époque avec Marguerite
de Valois, mais séparé d’elle, s’était
épris de Gabrielle en 1591. Elle lui avait donné un fils,
César, le 3 juin 1594. C’est à Rouen qu’elle
mit au monde, le 11 novembre 1596, leur deuxième enfant, une
fille, Catherine-Henriette, dont le baptême fut célébré
selon le cérémonial réservé aux enfants
de France. Le roi ne cachait pas son intention, une fois déclarée
nulle sa précédente union, d’épouser sa maîtresse,
qui, déjà, se comportait en reine. Un troisième
enfant, Alexandre, devait voir le jour en 1598. On sait que cette idylle
fut brisée par la mort inopinée de Gabrielle, le 10 avril
1599.
Ouverte à Rouen le 4 novembre 1596, l’assemblée
des notables, qui réunissait quatre-vingt-cinq membres, siégea
plus de deux mois. Les timides réformes qu’elle préconisa
furent très vite rendues inapplicables par une autre urgence
qui se présenta en mars 1597 : les Espagnols s’étant
emparés d’Amiens, il fallut mettre le siège devant
la ville, qui ne fut reprise que le 19 septembre. C’est pendant
cette période cruciale qu’un jeune gentilhomme protestant,
le baron de Rosny, membre depuis peu du Conseil des finances, se distingua
par son habileté à trouver les ressources nécessaires.
Séduit par son efficacité, Henri IV allait lui confier
peu après la surintendance de ses finances. Il est connu dans
l’histoire sous le nom de duc de Sully.
L’assemblée
de Rouen n’avait donc pas eu les résultats escomptés.
Du moins, par son entrée solennelle et son long séjour
dans la ville (qu’il ne quitta que le 6 février), le roi
avait-il affirmé son autorité et fait entendre que le
temps des révoltes contre le pouvoir légitime était
révolu.
Bernard Barbiche (École nationale des Chartes, Paris)
– 2009
Bibliographie critique
C. Desplat & P. Mironneau (éd.), Les entrées. Gloire
et déclin d’un cérémonial, Biarritz, Société Henri IV, 1997.
B. Guenée & F. Lehoux, Les entrées
royales françaises de 1328 à 1515, Paris, Éditions
du CNRS, 1968.
M. McGowan, "Henri IV as Architect and Restorer of the State: His Entry into Rouen, 16 October 1596", J. R. Mulryne (éd.), Ceremonial Entries in Early Modern Europe, Farnham, Ashgate, 2015, p. 53-76.
C. de Robillard de Beaurepaire, L’entrée à
Rouen du roi Henri IV, Rouen, Cagniard, 1887.
Notice
Discours de la joyeuse et triomphante entree de tres-haut, tres-puissant
et tres magnanime Prince Henry IIII de ce nom, tres-Chrestien Roy de France
& de Navarre, faicte en sa ville de Rouën, capitale de la province
& duché de Normandie, le Mercredy saiziéme jour d’Octobre
M. D. XCVI. Avec l’ordre & somptueuses magnificences d’icelle,
& les portraicts & figures de tous les spectacles & autres
choses y representez. – A Rouen : chez Raphael du Petit Val, M.
D. IC.
[8]-88 p. : ill. ; [10] f. de planches gravées sur bois (sign. [ ] 4 A-L 4). In-4
(228x155 mm).
Il semble exister une autre émission de cet ouvrage, avec une page
de titre à l’adresse de Jean Crevel (Ruggieri, Watanabe).
Vinet 478 ; Watanabe 1675.
Paris, Bibliothèque de l’Inha, Collections Jacques Doucet, 8 Res 612.
*Notes :
- Exemplaire réglé.
- Reliure XIX e siècle en maroquin rouge janséniste signée
Chambolle-Duru, dentelle dorée intérieure, double filet
sur la coupe, tranche dorée. Dos à 5 nerfs, titre gravé
et doré.
- Tampon à l’encre noire de la bibliothèque d’art
& d’archéologie au 19, rue Spontini, Paris. Tampon rouge
BAA.
- Probablement entré dans les collections de la BAA avant 1912.
|