LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Vigenère, Blaise de |
Titre |
La somptueuse et magnifique entree du tres-chrestien roy
Henry III... En la cité de Mantoüe... |
Adresse |
Paris, N. Chesneau, 1576 |
Localisation |
Paris, Binha, 8 Res 531 |
Mots matière |
Entrée |
English
Blaise de
Vigenère (1523-1596) est surtout célèbre comme
traducteur et commentateur de plusieurs prosateurs antiques. On lui
doit en particulier les Images ou tableaux de platte-peinture,
traduction commentée des Images de Philostrate bien
connue des historiens d’art. Il rédigea tous ses ouvrages
dans une retraite studieuse prise à partir de 1570. Mais il employa
auparavant tout son negotium comme secrétaire diplomatique,
au service de la maison de Nevers. Celle-ci était liée
aux ducs de Mantoue depuis les noces, en 1566, d’Henriette de
Clèves, dernière héritière des comtes de
Nevers, et de Louis de Gonzague, troisième fils du duc Frédéric
de Mantoue. C’est à la demande de Louis de Gonzague, devenu
duc de Nevers par cette alliance et fidèle serviteur d’Henri
III, qu’il entreprit la rédaction de La somptueuse
et magnifique entrée.
La
somptueuse et magnifique entrée du roi Henri III en la cité
de Mantoue… est le premier livre publié par Vigenère
; c’est d’abord une œuvre de circonstance. À
la mort de Charles IX, Henri, élu un an auparavant roi de Pologne,
devient héritier de la couronne de France et regagne Paris pour
prendre possession de son nouveau royaume. De ce voyage de retour, La
somptueuse et magnifique entrée relate l’étape
faite à Mantoue les 2 et 3 août 1574. Le récit fut
rédigé après coup, et Vigenère, qui compose
son livret à partir de sources italiennes, ne fut pas un témoin
oculaire des événements. Mais il connaissait bien Mantoue,
qu’il avait visitée pendant un de ses deux longs séjours
diplomatiques en Italie dans les années 1550-1560.
Vigenère
entreprend donc de raconter les fêtes données à
l’occasion de l’entrée royale et explique le retard
de la publication par le temps mis à en reproduire fidèlement
les décors. Son livret répond d’abord à des
impératifs politiques : il s’agit de rappeler, à
travers la description des décors, le programme politique du
nouveau roi et les liens qui l’unissent à la maison de
Mantoue. Le parcours d’Henri III à l’intérieur
de la ville est jalonné de plusieurs portes et d’arcs triomphaux
ornés de figures allégoriques et de devises célébrant,
sur le mode hyperbolique propre aux entrées royales, le nouveau
roi et ses exploits. Les gravures et les devises du livret reproduisent-elles
exactement le décor de la fête ? Il a été
démontré qu’elles ont fait l’objet, pour la
publication, de quelques retouches dictées par le contexte politique
et religieux français du moment et qu’elles dessinent un
programme politique cohérent, conciliant désir d’apaisement
et fermeté face au parti protestant.
Mais le
livret de Vigenère a aussi un intérêt artistique
évident. Les fêtes de Mantoue en l’honneur d’Henri
III furent sans doute moins fastueuses que celles de Venise ou de Ferrare.
Aussi, pour rehausser le prestige de la cité ducale, Vigenère
entreprend-il, à travers la description de l’itinéraire
suivi par le cortège royal, un éloge des richesses artistiques
mantouanes : entrepris dans l’urgence, si soudaine avait été
l’annonce de l’arrivée du roi, les préparatifs
de la fête n’en furent pas moins impeccables, dit-il, grâce
à la qualité des artistes mantouans.
Henri III
arriva donc à Mantoue le 2 août 1574, « sur les trois
heures du soir ». L’installation du roi au palais du Té
sert de prétexte à l’évocation des principales
curiosités du bâtiment : la salle des chevaux, les peintures
et stucs, la chambre des Géants et ses effets acoustiques. L’entrée
dans la ville, porte de la Posterle, est l’occasion de mentionner
la présence, dans le palais de Saint-Sébastien, des Triomphes
de César de Mantegna (douze tableaux, selon Vigenère,
ce qui fait difficulté), comme plus loin, l’arrivée
devant l’église Saint-André (Sant’Andrea),
conçue par Alberti, sert à rappeler les dimensions exceptionnelles
de sa voûte. Vigenère insiste aussi sur la richesse des
collections du palais ducal et mentionne à la fin du livret la
villa de Marmirolo, où Henri III s’est rendu dans l’après-midi
du 3 août .
Mais l’Entrée
à Mantoue intéresse surtout l’historien de
l’architecture par la précision technique des descriptions
et des gravures du décor festif. L’ouvrage comporte huit
gravures en taille-douce sur pleine page représentant les décors
de la fête : « arcs triomphaux, portes, statues et autres
belles fantasies, et inventions ». Après le récit
des cérémonies au palais du Té vient celui de l’entrée
dans la ville de Mantoue. Le livret va alors s’attacher à
décrire, gravures à l’appui, les décors de
la fête. Dans ses grandes lignes, l’itinéraire suivi
par le cortège royal est assez aisé à reconstituer,
malgré quelques incertitudes de détail. Quittant le palais
du Té, il traverse un fossé aujourd’hui comblé
pour entrer dans la ville par la porte de la Posterle, puis traverse
Mantoue du sud au nord par l’axe principal que constituait la
rue Saint-Silvestre jusqu’à la basilique Saint-André.
Puis il passe par la porte de la Garde et de là se rend sur la
place Saint-Pierre (aujourd’hui piazza Sordello). Traversant cette
dernière, il se rend à la cathédrale, puis au palais
ducal qui lui fait face.
La première
gravure (p. 15) reproduit les deux statues de Mars et de Mantho, devant
le pont qui enjambe le fossé circulaire, à la sortie du
palais du Té. A l’autre extrémité du pont
se trouve le premier portail garni de figures allégoriques. Aisément
visible à l’arrière-plan de la première gravure,
il constitue le sujet principal de la seconde (p. 19). Mais ici, le texte
et la gravure ne correspondent pas : à lire le texte, le portail
devait se trouver avant le pont (« au milieu de ces deux statues
», dit Vigenère) et non après. Les troisième
et quatrième gravures (p. 27 et 28) représentent l’arc
de la rue Saint-Silvestre, orné de figures allégoriques,
l’une montrant l’arc de face, l’autre les niches latérales.
La cinquième (p. 33) représente la porte de la Garde, au
décor allégorique consacré aux travaux d’Hercule.
Les sixième, septième et huitième gravures (p. 40,
42, 45) concernent le décor du palais ducal : un arc dressé
à l’entrée de la cour et dominé par l’écusson
des armoiries de France, une statue de bronze d’Œnus, fondateur
légendaire de la ville de Mantoue, dans la cour, enfin une porte
triomphale à l’entrée du palais.
La
somptueuse et magnifique entrée est donc un témoignage
très intéressant de la diffusion du vocabulaire architectural.
L’abondance et la précision des termes techniques prouve
de la part de Vigenère des connaissances certaines. L’insistance
avec laquelle reviennent des termes architecturaux témoigne de
la « naturalisation » progressive d’un vocabulaire
encore mal connu.
Richard Crescenzo (Université de Bourgogne) –
2007
Bibliographie critique
Blaise de Vigenère. La renaissance du regard,
Anthologie présentée et annotée par R. Crescenzo,
Paris, Ensba, 1999.
Blaise de Vigenère, poète et mythographe au temps
de Henri III, Cahiers V.-L. Saulnier, 11, Paris, PENS, 1994.
J.-F. Maillard, « De la maquette autographe à l’imprimé
: la Somptueuse et magnifique Entrée du roi Henri III
à Mantoue par Blaise de Vigenère (1576) », P. Aquilon, H.-J. Martin & F. Dupuignet Desrousilles (éd.), Le
livre dans l’Europe de la Renaissance, Paris, Promodis, 1988,
p. 73-90.
D. Métral, Blaise de Vigenère archéologue
et critique d’art, Paris, Droz, 1938.
P. de Nolhac & A. Solerti, Il viaggio in Italia di Enrico III
re di Francia e le feste a Venezia, Ferrara, Mantova e Torino,
Rome/Turin/Naples, Roux e C. editori, 1890.
Notice
La somptueuse et magnifique entree du tres-chrestien roy Henry III. de
ce nom, roy de France & de Pologne, grand duc de Lithuanie, &c.
En la cité de Mantoüe, avec les portraicts des choses les
plus exquises. Par B. D. Vig.re. – A Paris : chez Nicolas Chesneau
rue S. Jacques, au chesne verd., 1576. – 48 ff. (sig. A-F4) : ill.
gr. sur cuivre ; in-4° (228 x 164 mm).
Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le Baron James
de Rothschild, I, Paris, Damascène Morgand, libraire, 1884 ; Brun,
p. 72-73 ; Mortimer, I, 202 p. 247 ; Watanabe O’Kelly ; Vinet.
Paris, Bibliothèque de l’Inha, Collections Jacques Doucet,
8 Res 531.
*Notes :
- Les armes et devises d’Henri III, roi de France, de Pologne et
duc de Lituanie sont gravées sur bois au verso de la page de titre
de l’Entrée.
- Recueil factice de plusieurs Entrées réunies en une unité
bibliographique, chacune avec une page de titre particulière indiquant
l’année, la ville d’édition et l’atelier
d’impression. Le dernier livret, qui porte la date la plus tardive
(1588), nous fournit un terminus ante quem à la reliure
de l’ensemble. L’Entrée de Henri III est le troisième
livret de ce recueil, elle est reliée avec :
- [Premier livret :] C’est l’ordre qui a este tenu à
la nouvelle et joyeuse entree, que tres-hault, tresexcellent, & trespuissant
prince, le roy treschrestien Henry deuxiesme de ce nom, a faicte en sa
bonne ville & cité de Paris, capitale de son royaume, le seziesme
jour de juing M. D. XLIX. [f. 29 : Titre secondaire] S’ensuit l’ordre
de l’entrée de la royne. – A Paris : par Jean Dallier
libraire, demourant sur le pont sainct Michel à l’enseigne
de la rose blanche, [1549]. Par privilège du roy – 38 ff.
(sig. a-g 4 A 4 B 6) : [2] pl. : illustrations gravées sur bois ; in-4° (228 x 164
mm).
- [Deuxième livret :] C’est l’ordre et forme qui a
este tenue au sacre & couronnement de treshaulte et tresillustre dame
madame Catharine de Medicis, royne de France, faict en l’eglise
monseigneur sainct Denys en France, le X. jour de juin. M. D. XLIX. –
A Paris : Par Jean Dallier libraire, demourant sur le pont sainct Michel
à l’enseigne de la rose blanche, [1549]. Et se vendent aussi
chez Jean Rabel, rue du ferre, pres les escholes de Picardie, à
l’enseigne de la baniere de France. Par privilège du roy
– 10, [1] ff. (sig. A-B 4 [1 blc] C 2 [1 blc]) ; in-4° (228 x
164 mm).
- [Quatrième livret :] Derossant, André : Estreines aux
majestez de la cour de France, et a monseigneur le duc d’Esparnon,
presentees à Paris, le premier jour de janvier, l’an mille
cinq cens, quatre-vingts, & huict. Tirees des admirables, & heureux
anagrammes de leurs noms, françois & latins, illustrez de vers,
en l’une, & l’autre langue. Par André Derossant,
jurisconsulte, & poëte lyonnois. – A Paris : chez Michel
de Roigny, ruë sainct Jacques, à l’enseigne des quatre
elemens, 1588. – [7-1 blc] ff. (sig. A 4 B 2 [ ] 2 ; [ ]2 blanc) :
illustrations gravées sur bois ; in-4° (228 x 164 mm).
- Reliure en parchemin, dos à 4 nerfs, deux lacets en fermoir coupés.
- Les illustrations pliées ne semblent pas être des planches
dépliantes, mais des feuillets massicotés dont la partie
débordante a été repliée pour que tous les
livrets soient reliés ensemble (de plus, l’illustration fait
partie du cahier).
- Ex-libris manuscrit, deux fois répété, à
l’encre brune en partie illisible, au bas des pages de titre du
premier livret : « Sum Hieronymus Bas […] » et du quatrième
livret : « Jerôme Bas […] - A Paris ». L’absence
de numéro d’inventaire peut laisser supposer que l’ouvrage
est entré à la bibliothèque d’Art et d’Archéologie
Jacques Doucet avant le 12 mars 1912.
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