LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s)

Gautier, Henri

Titre L’art de dessiner proprement les plans...
Adresse Paris, C. Ballard, 1697
Localisation Paris, Ensba, 67 in-8
Mots matière Dessin
Consultation de l’ouvrage
Transcription du texte

English

     L’art de dessiner proprement les plans, porfils, elevations geometrales, & perspectives publié en 1697 chez Christophe Ballard est la reprise d’un manuel pratique intitulé L’art de laver ou nouvelle manière de peindre sur le papier que Gautier avait donné dix ans plus tôt à Lyon chez Thomas Amaulry. Publié sous la forme d’un dictionnaire dans lequel « tout est rangé par ordre alphabétique comme devraient être tous les livres des Arts » (préface), Henri Gautier reprend les définitions techniques parues dans son ouvrage précédent tout en y adjoignant de nombreuses recommandations touchant à la convenance des coloris et au bon goût en peinture. Ainsi, lorsqu’il décritle tracé des arbres, il parle de grâce, soulignant « que si l’on ne donne point l’expression de rondeur à un arbre, qu’il n’a point du tout de grâce ». Évoquant le dessin de la gelée, il conseille de la dessiner« tendrement avec de l’encre de la Chine ». Il souhaite encore que les ingénieurs apprennent à« se faire la main à la belle manière de feuiller » qui est l’art « de dessiner proprement les feuilles des arbres ». Les voiles des moulins doivent être peintes avec « tendresse » et il s’attarde sur des nuances qui peuvent paraître périphériques concernant le travail de lavis de plans d’architecture civile et militaire, comme la manière de composer différentes tonalités de ciel : « ciel serein », « ciel de nuage » et « ciel de nuit ».
L’ouvrage de Gautier est intéressant à plus d’un titre. Il participe, bien évidemment, de l’homogénéisation des codes graphiques chez les ingénieurs et les architectes, préfigurant le grand best-seller de Nicolas Buchotte, Les règles du dessin et du lavis publié en 1722 qui aura une diffusion européenne inégalée jusqu’au XIXe siècle. C’est également un manuel pratique utile pour des ingénieurs qui, souvent en poste dans des places éloignées, pouvaient difficilement se procurer des instruments et des couleurs. Mais, plus encore, L’art de dessiner proprement les plans, qui met en scène pour la première fois dans un ouvrage d’ingénieur les vertus séductrices de la peinture – cette « vieille maitresse jalouse » selon Gautier (L’art de laver, préface) – est exceptionnel. Il exprime la sensibilité d’un homme, qui vivait dans son temps et était au fait des débats de l’Académie royale de peinture touchant l’intelligence des couleurs, les notions de beau et de vrai dans la nature, de convenance dans le dessin et de bon goût dans le trait. En ce sens, l’ouvrage de Gautier est proche des discours coloristes de Roger de Piles dans la Dissertation sur les ouvrages des plus fameux peintres (1681) suivi des Cours de peinture par principe (1707) précisant les nuances à adopter pour chaque dessin. L’« école du crayon » propre aux ingénieurs est ici concurrencée pour la première fois par l’ « école du pinceau ».
L’art de laver a été publié en italien à Lucques chez Giuseppe Rocchi sous le titre de L'arte di acquerellare, opera del signore H*** Gautier di Nismes. Cette version italienne, qui contient des annotations et des suppléments par rapport à la version française, est présente dans ce très nombreux fonds italiens du XVIIIe siècle.

Émilie d’Orgeix (Université Michel de Montaigne – Bordeaux III) – 2013

 

Bibliographie critique

A. Brunot & R. Coquand, Le Corps des Ponts et Chaussées, coll. « Histoire de l’administration française », Paris, CNRS Éditions, 1982.

C. Bousquet-Bressolier, « De la "peinture géométrale" à la carte topographique. Évolution de l’héritage classique au cours du XVIIIe siècle », L’œil du cartographe, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995, p. 93-106.

F. Ellenberger, « À l’aube de la géologie moderne : Henri Gautier (1660-1737) », Revue d’histoire des sciences, 1980, 33, 3, p. 279.

É. d’Orgeix, « Les techniques de lavis en usage chez les ingénieurs militaires royaux », Bulletin pour la recherche en Histoire de l’architecture au Canada, juin 1994, p 36-42.

É. d’Orgeix, « Éclosion et mise en place d’une littérature spécialisée enseignant la pratique du dessin à l’usage des ingénieurs militaires royaux (XVIIe-XVIIIe siècles) », Bulletin du Centre d’Etude d’histoire de la Défense, 6, 1997, p. 59-75.

É. d’Orgeix, « L’art de laver ou nouvelle manière de peindre », Vauban. Bâtisseur du Roi Soleil, Paris, Somogy éditions d’art/Musée des Plans-Reliefs, 2007, notice n° 55, p. 178.