LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s)

Gautier, Henri

Titre Traitté des fortifications...
Adresse Lyon, T. Amaulry, 1685
Localisation Paris, Cnam, 12 Res Qe 7
Mots matière Dessin
Transcription du texte

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     Le Traitté des fortifications est l’œuvre de l’ingénieur Gautier (1660-1733), également connu sous le nom de Gauthier de Nîmes, dont le prénom, Henri ou Hubert, n’a jamais été documenté avec certitude. Il est ainsi alternativement référencé sous le prénom de Henri (BnF) ou de Hubert (Encyclopaedia Britannica). « H. Gautier », ainsi qu’il signait ses mémoires et écrits, était le fils d’un cardeur huguenot originaire de Nîmes. Docteur en médecine de l’université de la ville d’Orange en 1679, Gautier s’oriente vers la profession d’ingénieur militaire avant d’embrasser celle d’ingénieur civil. Sa carrière peut être divisée en deux périodes. Durant la première, qui court d’environ 1684 à 1689, Gautier est documenté comme ingénieur militaire en Languedoc et dans des places protestantes du Sud de la France. Il travaille ainsi à Orange en 1685, puis au fort de Nîmes entre 1686 et 1689 avant d’être nommé ingénieur de la province de Languedoc en 1693. Cette même année, probablement freiné par la révocation de l’édit de Nantes (1685) qui entravait l’avancement de sa carrière, il se convertit au catholicisme à Nîmes le 26 juin 1689. À partir de cette date et jusqu’à sa mort en 1733, Gautier s’oriente vers une carrière d’ingénieur civil devenant en 1713 l’un des premiers inspecteurs du corps des Ponts et Chaussées. Bien que principalement renommé aujourd’hui pour ses traités d’ingénierie civile sur les chemins, canaux et ponts (Traité de la construction des chemins,1693 ; Traité sur les canaux de navigation, 1693 ; Traité des ponts, 1716), Gautier est un auteur prolixe, curieux des avancées scientifiques de son temps et attentif aux discours contemporains sur l’art et l’histoire. Versé dans les sciences de la terre, il s’intéresse ainsi à la formation de la croute terrestre au sujet de laquelle il formule de Nouvelles conjectures sur le globe de la terre qu’il publie en 1723 dans un ouvrage aux ambitions intellectuelles bien plus larges intitulé La bibliothèque des philosophes et des savants. Archéologue et antiquaire, Gautier est également l’un des premiers ingénieurs à s’être intéressé à l’architecture antique et, plus largement, aux legs des générations passées. Il publie ainsi en 1720, une Histoire de la ville de Nîmes et de ses antiquités accompagnée de planches et de relevés de toutes les antiquités romaines de la ville. Il est également l’auteur de L’art de laver ou nouvelle maniere de peindre sur le papier (1687) qu’il republia dans une remaniée sous le titre L’art de dessiner proprement les plans, porfils, elevations geometrales, & perspectives (1697).
Le Traitté des fortifications publié en 1685 est un ouvrage de jeunesse rédigé par Gautier à Berne durant un séjour effectué au début des années 1680 alors qu’il n’est âgé que d’une vingtaine d’années. Ayant probablement quitté la France, comme environ 45 000 de ses coreligionnaires entre 1680 et 1700, pour vivre librement ses convictions religieuses en Suisse, Gautier profita de cet exil temporaire durant lequel il avait goûté « la tranquillité et la douceur » d’un gouvernement régi par « les effets de la sagesse et de la modération » (préface), pour rédiger son « Traitté de fortification » dont le privilège date de 1684. L’ouvrage est publié l’année suivante à Lyon chez Thomas Amaulry, éditeur-imprimeur parisien installé à Lyon depuis 1675 et dont le fonds de commerce était partiellement alimenté par des écrits de calvinistes (notamment ceux de l’érudit antiquaire Jacob Spon).
La jeunesse et l’inexpérience de Gautier qui n’a alors qu’un diplôme de médecine en poche peuvent expliquer la médiocrité de son traité. Conçu sous forme d’abrégé à l’attention de « l’instruction de la jeunesse » et des « jeunes hommes d’élite » (préface) qu’il avait connus dans la ville de Berne – et qui n’étaient fort probablement pas plus âgés que lui – l’ouvrage de Gautier décline successivement quelques règles de géométrie utiles dans l’art des fortifications, un glossaire des termes utiles à connaître, les maximes de construction les plus employées, quelques principes de balistique ainsi qu’une série d’exemples de construction de fortifications régulières et irrégulières. Sans plagier ses aînés, notamment Georges Fournier dont l’inspiration est proche, Gautier reste très généraliste dans ses propos. S’il semble connaître un grand nombre de « systèmes » constructifs notamment ceux de Samuel Marolois, Jean Errard, Blaise de Pagan, Antoine de Ville et Allain Manesson Mallet, il ne fait qu’en exposer les principes et ses analyses restent très superficielles. Enfin, il paraît être resté totalement à l’écart des grands perfectionnements de son temps mis au point par Vauban dans l’art de l’attaque et de la défense des places. Gautier signe ici un opus de jeunesse, en définitive médiocre, surtout si on le compare à la richesse de son œuvre ultérieure, mais qui a certainement dû lui être d’une grande utilité pour revenir en France l’année suivante et embrasser une carrière d’ingénieur militaire.

Émilie d’Orgeix (Université Michel de Montaigne – Bordeaux III) – 2013

 

Bibliographie critique

A. Brunot & R. Coquand, Le Corps des Ponts et Chaussées, coll. « Histoire de l’administration française », Paris, CNRS Éditions, 1982.

F. Ellenberger, « À l’aube de la géologie moderne : Henri Gautier (1660-1737) », Revue d’histoire des sciences, 1980, 33, 3, p. 279.