LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Cousin, Jean |
Titre |
Livre de perspective |
Adresse |
Paris, J. Le Royer, 1560 |
Localisation |
Paris, Ensba, Masson 403 |
Mots matière |
Géométrie, Perspective |
English
Jean Cousin
(1490?-1560?), peintre originaire de Sens et installé à
Paris vers 1540, a réalisé de nombreux dessins qui ont
servi de modèles à des vitraux, des tapisseries et des
gravures ; il fut également géomètre. Son traité
de perspective paru en 1560 n’a pas été réédité
depuis, sinon dans un fac-similé (1974). Toutefois, il est mentionné
dans plusieurs inventaires après décès d’artistes
et dans des ouvrages de la fin des XVIe et XVIIe siècles, ce
qui témoigne d’une diffusion certaine dans le milieu artistique.
Dans un avertissement, Jehan Cousin au lecteur, l’auteur
annonce un deuxième volume consacré aux « figures
de touts corps, mesmes des personnages, arbres, & paysages, pour
entendre & cognoistre en quelle situation, forme & grandeur
ilz doivent estre representez selon cest art » [de perspective],
mais il meurt sans l’avoir publié. Jean Cousin le fils,
auteur d’un traité sur ce sujet, le Livre de Pourtraiture
(1595, et régulièrement réédité jusqu’au
XIXe siècle), dans lequel les personnages sont tracés
en perspective, a vraisemblablement réemployé une partie
du matériel laissé par son père.
Le Livre
de perspective est rarement étudié, et l’on
considère souvent qu’il reprendrait, sans rien y apporter
de neuf, les grands principes de la construction traditionnelle d’une
image en perspective : les lignes perpendiculaires à la «
ligne Terre » (la base horizontale du plan) convergent vers un
point (le point de fuite) placé sur la ligne d’horizon
; tandis que l’espace entre les parallèles à la
« ligne Terre » diminue régulièrement en profondeur.
Dans le De artificiali perspectiva (Toul, 1505) Jean Pèlerin,
dit Viator, a mis au point une méthode basée sur deux
« tiers points » équidistants du point de fuite,
sur la ligne d’horizon, pour calculer la diminution des parallèles
en profondeur. Méthode adoptée et perfectionnée
par Jean Cousin, qui donne à son exposé une rigueur géométrique
nouvelle.
Le Livre
de perspective, composé de 58 chapitres (141 pages non numérotées),
suit un plan en trois parties : la mise en perspective de figures planes
; puis en trois dimensions ; enfin, suivent des exemples de bâtiments,
d’escaliers, de colonnes, et de volumes géométriques
(dont les « cinq corps réguliers » mentionnés
par Platon, dans le Timée, par Euclide, ou par Dürer,
dans son Underweysung der messung, 1525).
Le plan de Cousin est simple et rigoureux : il expose des problèmes
de difficulté croissante et envisage à chaque fois plusieurs
cas. La clarté de ses démonstrations tient également
au grand format du livre, et à l’élégance
des schémas (dessinés par l’auteur lui-même
sur des plaques de bois à graver), où des lettres permettent
un jeu de renvoi rapide et clair avec le texte explicatif.
La plus
importante des innovations de Cousin par rapport à la méthode
de Viator consiste à distinguer deux plans de nature différente
pour tracer une figure en perspective. Ces deux plans sont dessinés
l’un au-dessus de l’autre : le plan géométral,
c’est-à-dire orthogonal, où les figures ne subissent
pas de déformations optiques ; et le plan perspectif,
défini par le point de fuite et les deux tiers points. On obtient
une figure en perspective en reportant sur le plan perspectif les coordonnées
de la figure définie dans le plan orthogonal.
Dans la
lignée de Viator, Cousin privilégie la question des tiers
points, c’est-à-dire le calcul de la réduction des
espaces en profondeur. La première règle du traité
« demonstre la source & origine de cest Art de Perspective
[…], car par icelle vous sera monstré comment il faut extraire
toutes profonditez & longitudes ». Et la dernière porte
sur deux démonstrations concernant exclusivement les «
profonditez », dont l’une s’appuie sur une expérience
d’optique, et l’autre sur une figure géométrique,
où alternent cercles et carrés, traditionnellement utilisée
dans les ouvrages de mathématique. L’importance donnée
aux tiers points peut surprendre aujourd’hui où les études
se concentrent souvent sur le point de fuite. Mais pour un dessinateur
novice, auquel s’adresse le Livre de perspective, poser
le point de fuite n’entraîne pas de grandes difficultés,
pas plus que de faire converger vers lui les perpendiculaires. En revanche,
les tiers points qui définissent la diminution des parallèles
en profondeur sont d’un maniement plus délicat, et leur
effet sur le point de vue adopté par la représentation
est plus complexe à expliquer. Jean Cousin ne propose donc pas
une théorie de la perspective, mais il veut s’adapter aux
besoins des peintres et il prétend régler leur pratique.
Par sa démarche
rigoureuse, Jean Cousin a contribué à imposer l’idée
que la construction d’une image en perspective répond à
un corpus de règles géométriques qui doivent toutes
être systématiquement appliquées. Il a ainsi participé
à une réévalution scientifique de la perspective.
Valérie Auclair (Université Paris-Est, Marne-la-Vallée) - 2005
Bibliographie critique
V. Auclair, Dessiner à la Renaissance. La copie et la perspective comme instruments de l'invention,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.
V. Auclair, « La Quadrature dans le livre de Perspective de Jean Cousin (1560). Réflexions sur l'histoire d'une notion », M. Bleyl & P. Dubourg-Glatigny (éd.), Quadratura: Geschichte, Theorie, Techniken, Berlin/Munich, Deutscher Kunstverlag, 2011, p. 65-80.
C. Grodecki, Documents du Minutier central des
notaires de Paris. Histoire de l’art au XVIe siècle,
Paris, Archives nationales, 1985-1986. 2 vol.
G.-M. Leproux, La Peinture à Paris sous
le règne de François Ier, Paris, PU Paris-Sorbonne,
2001.
H. Zerner, L’art de la Renaissance en France.
L’invention du classicisme, Paris, Flammarion, 1996.
Notice
Livre de perspective, de Jehan Cousin, Senonois, maistre painctre
à Paris. - A Paris : De l’imprimerie de Iehan le Royer imprimeur
du Roy és mathematiques, 1560. In-fol., sign. A-R4, fig. et pl.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Masson 403.
* Notes :
- F. c 3 v°, figure différente découpée et collée
sur celle imprimée.
- Reliure moderne.
- Ex-libris manuscrit sur la page de titre: « Collegii Soc. Jesu
Duaci » [=Douai] ; tampon gratté : « Bibliotheque publique
du B...y ».
- Donation Jean Masson à l’École des Beaux-Arts, 1925.
|