LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Androuet du Cerceau, Jacques |
Titre |
Leçons de perspective positive |
Adresse |
Paris, M. Patisson, 1576 |
Localisation |
Paris, Ensba, Les 1171 |
Mots matière |
Perspective |
English
Les
Leçons de perspective positive furent publiées
en 1576, en guise d’accompagnement au recueil des Plus excellents
bâtiments de France, nous dit l’auteur. Elles se composent
de soixante leçons exposées sur douze pages et d’une
planche d’illustrations consacrée à chacune. Une
seconde édition connue, datée de 1676, aurait en réalité
vu le jour comme un retirage de la première au plus tard durant
les dernières années du XVIe siècle. Cet ouvrage
ne connut pas une grande diffusion en son temps, ni même de postérité.
Il n’a guère été traduit qu’en anglais,
par John Thorpe, dans la première moitié du XVIIe siècle
; et encore ce travail est-il resté manuscrit. Egnatio Danti
cite l’auteur parmi ceux qui ont écrit sur la perspective,
sous le nom italianisé de Andreotti, mais n’exploite pas
le contenu de son travail.
L’auteur
dédie son labeur à Catherine de Médicis et il espère
que « [son] œuvre [… lui] sera agréable et de
plaisir ». Quoi de plus singulier pour un livre de perspective,
matière qui rebutait souvent les artistes eux-mêmes ! Il
considère cependant, comme pour plusieurs de ses autres traités,
que son ouvrage possède une portée didactique et permettra
« par soi et sans autre maître que ce livre, apprendre aisément
les principes de cet art ». Il souhaite ainsi exposer les «
principes et leçons familières de l’art et secrets
de perspective », ne faisant nulle mention des fondements géométriques
et euclidiens de cette pratique. Les Leçons ne contiennent d’ailleurs
aucun résumé des notions de géométrie employées
et les termes utilisés ne sont en effet pas toujours ceux des
mathématiciens. Il exprime en outre son désir d’expliquer
publiquement la méthode employée pour les illustrations
des Plus excellents bâtiments de parution contemporaine.
La destination du texte n’est pas facile à déterminer
: texte de pratiques d’atelier mais dont la publication semble
rendue nécessaire par l’impossibilité de les acquérir
dans l’atelier ou dans certains ateliers.
L’architecte
du Cerceau destine la perspective au dessin et aux arts figuratifs en
général. Pour lui, elle ne connaît pas de champ
d’application dans le domaine de l’architecture pratique
même s’il « y a une grande affinité entre ces
sciences d’architecture et de perspective », qu’il
ne démontre pas par ailleurs. La perspective est en réalité
le « vrai truchement et juge de l’œuvre de portraiture
», elle permet à l’idée d’aboutir et
au peintre de vérifier la conformité de son oeuvre. Elle
offre au peintre l’occasion d’« observer la raison
et ordonnance de perspective ». Elle « n’est pas un
miroir [… qui] fait les choses […] meilleures ou pires qu’elles
ne sont mais seulement représente au vrai […] les choses
telles qu’elles apparaissent à l’œil ».
Du Cerceau ne revendique pas le caractère scientifique de la
perspective, il en affirme au contraire l’aspect positif donc
pratique ; il fait usage de son caractère vérifiable et
estime donc qu’elle sert à contrôler l’adéquation
de l’œuvre avec les dogmes mimétiques alors en vigueur.
La méthode
présentée, car il n’y en a ici qu’une, celle
des tiers-points, est une méthode universelle qui permettra à
ses lecteurs « ayant bien entendu ce petit livret, [d’avoir]
l’intelligence de tous les livres de ceux qui en ont écrit
». On doit à Egnatio Danti l’opinion, encore fort
répandue de nos jours, que les méthodes exposées
par Androuet du Cerceau et Jean Cousin proviennent de Serlio qui les
aurait apprises auprès de Baldassare Peruzzi. Il est vrai que
Serlio montre une « pratique » employant deux tiers points
équidistants du point principal sur l’horizon. Cependant,
c’est Viator qui semble la source plus immédiate. Du Cerceau
lui emprunte également une bonne partie de son vocabulaire. L’intérêt
pour le curieux petit recueil de planches perspectives de Toul se poursuivra
d’ailleurs dans les milieux français comme en témoigne
la traduction du père Martellange (Paris, BnF, ms. fr. 19065)
publiée ensuite en 1626. Il attache une importance considérable
au point de vue et expose ses modes de représentation selon ce
qu’il nomme l’assiette, c'est-à-dire la hauteur de
l’œil : « haute, moyenne et basse, ainsi nommées
au respect de l’œil du spectateur ». Il montre les
objets représentés selon quatre angles : de front, de
côté, de l’angle droit, de l’angle gauche.
Dans son vocabulaire on notera également l’apparition du
terme de « fuyante » (22 à 25 et 50 à 53). Dans ses traductions
de Serlio Jean Martin avait employé l’expression de «
figure fuyante » comme simple synonyme de « figure en raccourci
».
Androuet
du Cerceau est également célèbre pour avoir appliqué
parmi les premiers une formulation de la perspective parallèle.
On la retrouve notamment dans les planches des Plus excellents bâtiments
de France pour la représentation aérienne des domaines
qui ouvre chacune des descriptions illustrées. Mais de cette
méthode, il ne dit rien dans son traité de perspective.
Même la dernière leçon, consacrée aux «
dessins de bâtiments et paysages » fait usage de la perspective
centrale développée tout au long de son discours. Remarquons
enfin que Serlio en avait esquissé en 1545 les linéaments
(Livre II, f. 38).
Pascal Dubourg-Glatigny
(Cnrs, Centre Koyré, Paris) – 2004
Bibliographie critique
J. Androuet du Cerceau, Les plus excellents bastiments de France...,
présentation et commentaires par D. Thomson, Paris, Sand & Conti, 1988 (chronologie
documentaire et bibliographie générale p. 310-316).
J. Androuet du Cerceau, Lecciones de perspectiva positiva,
traduit par L. Casado, Madrid, Xarait Ediciones, 1980.
H. von Geymüller, Les Du Cerceau. Leur vie et leur œuvre
d’après les nouvelles recherches, Paris/Londres, Rouam/Wood & Co, 1887, p. 162-176.
K. J. Höltgen, « An unknown manuscript translation by John
Thorpe of du Cerceau’s Perspective », E. Chaney & P. Mack (éd.), England and the
Continental Renaissance, Essays in honour of J. B. Trapp, Woodbridge, Boydel Press, 1990, p. 215-228.
Notice
Leçons de perspective positive, par Jacques Androuet Du Cerceau,...
- A Paris : par Mamert Patisson imprimeur, 1576. - In-fol., 11 f. signés
A-B6 - [2 bl.] - 60 planches gravées.
Berlin Katalog 4699 ; Cicognara 827 ; Destailleur, p. 39 ; Fowler 26
; RIBA 95.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Les 1171.
* Notes :
- Reliure à la manière Renaissance, en maroquin rouge
à décor géométrique estampé à
chaud et à froid, signée LORTIC.
- Legs de Joseph Le Soufaché à l’École des
Beaux-Arts, 1890.
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