LES LIVRES D’ARCHITECTURE

Notice détaillée

Auteur(s) Bosse, Abraham
Titre Representations geometrales...
Adresse Paris, A. Bosse, 1659
Localisation Paris, Ensba, 188 A 7
Mots matière Cheminées, perspective, portes

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     Les Représentations géométrales sont une suite de onze planches précédées d’une page de titre et de deux planches de texte gravé. Abraham Bosse s’y adresse « aux curieux et praticiens de l’architecture ». C’est le premier recueil qu’il publie sur cet art, en 1660 si l’on en croit la planche I qui porte cette date, même si la page de titre est datée de 1659. Il travaille déjà à son « traité d’architecture » auquel il dit avoir songé intégrer ces planches de portes. Mais il y a renoncé, soucieux d’en faire « d’autres et même quelques fenêtres, cheminées, alcôves, décorations de salons et chambres » qu’il publiera au fur et à mesure. L’ouvrage se situe dans la tradition des recueils de modèles inaugurée en France au XVIe siècle par Androuet du Cerceau et Serlio et poursuivie au siècle suivant par Alexandre Francine (Livre d’architecture contenant plusieurs portiques de differentes inventions, sur les cinq ordres de colomnes, Paris, 1631), Pierre Collot (Pieces d’architecture, ou sont comprises plusieurs sortes de cheminees, portes, tabernacles..., Paris, 1633), et Jean Barbet (Pieces d’architecture, où sont comprises plusieurs sortes de cheminées, portes, tabernacles..., Paris, 1633) dont Bosse avait gravé les cuivres. Si les portes de Francine conviennent sans doute plus aux parterres, fabriques et fontaines de châteaux, si les quelques modèles du Flamand Collot restent anecdotiques, en revanche les dix portes présentées ont plus à voir avec celles d’architectes comme Serlio, qui dans le Livre extraordinaire (Lyon, 1551) proposait cinquante portes, trente « rustiques » et vingt « délicates », illustrations gravées sur cuivre, précédées d’un texte de commentaire, ou Pierre Le Muet qui ajoute à son édition de Vignole en 1632 neuf portes de sa composition. Dans le texte préliminaire il explique les mesures et proportions géométrales « de plusieurs parties de bâtiments faites par les règles de l’architecture antique ». Il développe longuement la manière de convertir le module ou demi-diamètre de la colonne en pieds ou pouces « afin de s’accommoder à la manière de mesurer la plus en usage parmi le commun des ouvriers ». Le module vaut ainsi 1 pied ou 12 pouces.
Dans un souci didactique évident, Bosse commence par illustrer le tracé des frontons, segmentaires ou triangulaires, qu’il utilisera dans les planches suivantes (pl. 1). Suivent dix modèles de portes selon les cinq ordres, représentés chaque fois en élévation et profil et cotés : un seul modèle pour l’ordre toscan (pl. 2) et composite (« composé ») (pl. 11) ; trois doriques (pl. 3, 6, 8) ; trois ioniques dont une porte cochère (4, 7, 9) ; deux corinthiens (pl. 5, 10). Les modèles doriques, ioniques et corinthiens sont présentés avec variantes, simple ou riche : fût lisse ou cannelé, frise plate ou pulvinée pour l’ionique, moulurations décorées ou non.
L’architecture n’est pas qu’une dépendance de la perspective, c’est aussi un art à part entière auquel Bosse va consacrer la majeure partie de son temps. S’il reprend sans doute des estampes utilisées pour ses cours à l’Académie de peinture, le propos, quoi qu’on dise, est tout autre. Bosse ne s’adresse plus aux peintres qui n’ont que faire de cotes aussi précises pour représenter des portes en géométral. La présentation rationnelle et précise des divers modèles révèle la connaissance des traités des meilleurs auteurs. Sa conception de l’ordre comme entité architecturale déterminée par un rapport constant (5 :15 :3) entre les trois parties fondamentales de l’ordre (piédestal, colonne, entablement) s’inspire de la doctrine de Vignole. Ses remarques sur le métier d’architecte et le bon goût en architecture (prééminence des ordres grecs, critique des compositions mélangées) révèlent une conception très proche de celle défendue par Roland Fréart de Chambray dans son fameux Parallèle de l’architecture antique avec la moderne (Paris, 1650). Bosse en profite aussi pour critiquer les peintres et dessinateurs qui ignorent les règles d’optique et de perspective qui donnent à certains édifices antiques toute leur beauté, car ils préfèrent suivre un « prétendu copiste de perspective pratique », c’est-à-dire Jean Dubreuil, auteur d’une Perspective pratique publiée en trois volumes (1642-1649), grossier plagiat des écrits de Girard Desargues diffusés par Bosse. L’allusion à la dispute scientifique qui les opposa à partir de 1642 pendant presque trois décennies au père jésuite et à Jacques Curabelle, entre autres, montre que Bosse est bien au cœur des débats scientifiques et théoriques de son époque.
En 1664/1665 Bosse intègre enfin les Représentations géométrales à son traité d’architecture en deux volets (Traité des manières de dessiner les ordres et Des ordres de colonnes), comme il l’avait initialement prévu, alliant pertinence de fond et cohérence commerciale.

Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2009

Bibliographie critique

A. Blum, L’œuvre gravé d’Abraham Bosse, Paris, Morancé, 1924.

G. Duplessis, « Catalogue de l’œuvre de Abraham Bosse », Revue universelle des arts, Paris, 1859.

M. Le Blanc, notice 290 du catalogue d'exposition Abraham Bosse savant graveur, Tours, vers 1604-1676, Paris, S. Join-Lambert & M. Préaud (éd.), Paris/Tours, Bibliothèque nationale de France/Musée des Beaux-Arts de Tours, 2004.

F. Lemerle, « Les livres d’architecture du graveur Abraham Bosse », J.-P. Garric, É. d'Orgeix & E. Thibault (éd.), Le livre et l’architecte, Wavre, Mardaga, 2011, p. 173-179.

R.-A. Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, 1, Paris, Bibliothèque nationale, 1939, p. 471-534.


 

Notice

Representations geometrales de plusieurs parties de bastiments faites par les reigles de l’architecture antique et de qui les mesures sont reduittes en pieds poulces et lignes, afin de s’acommoder à la maniere de mesurer la plus en usage parmy le commun des ouvriers / par A. Bosse. – A Paris : chez l’auteur, 1659. –
Page de titre, II planches de texte gravé, 11 planches de figures gravées en taille-douce.
À la suite des 10 planches numérotées de portes, 1 planche de porte supplémentaire, de mêmes dimensions, avec mention de privilège 1659, non numérotée.
La plupart des planches portent une mention de privilège datée de 1659 et 1660.
Inventaire du fonds français... XVIIe siècle, Bosse n°771-784 ; Fowler 63 ; RIBA 340 ; Berlin Katalog 3858.
Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, 188 A 7 (in-4°).
*Notes :
- Relié à la suite du Traité sur la pratique des ordres de colomnes, et Des ordres de colonnes en l’architecture, dans une demi-reliure moderne (41 x 25,5 cm).