LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s) Du Fay (abbé)
Titre Maniere de fortifier selon la methode de Monsieur de Vauban...
Adresse Paris, Vve J.-B. I Coignard & J.-B. II Coignard, [1681=] 1691
Localisation Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 1134918 App.mil. 147
Mots matière Fortifications
Transcription du texte

English

     En l’absence d’écrits de Vauban qui a toujours préféré le terrain à la réflexion théorique, plusieurs auteurs à partir des années 80 ont présenté une ou plusieurs de ses méthodes pour fortifier les places. Desmartins l’Ainé (L’expérience de l’architecture militaire..., 1685), Jean-François Bernard (Nouvelle manière de fortifier les places..., 1689), Nicolas de Fer (Introduction à la fortification..., 1690-1693), Jacques Ozanam (Cours de mathématique... Tome troisième. Qui contient la géométrie et la fortification, 1693) ont proposé la manière de Vauban parmi d’autres. En revanche l’abbé Dufay et le chevalier de Cambray se sont exclusivement référés au maître ; leurs traités respectifs au titre quasi identique ont entretenu durablement une certaine confusion bibliographique. Si l’on en croit certains exemplaires, Du Fay aurait publié en 1681 chez la veuve de Jean-Baptiste Coignard associée à son fils sa Maniere de fortifier les places, mais il semble que cette date figurant sur ces exemplaires soit une coquille typographique, car Coignard père mourut en 1689 et sa femme ne peut être veuve en 1681.
     On ne sait rien de la vie de l’ecclésiastique. Il publie de fait chez Coignard père, imprimeur de l’Académie française, qui a son actif les grands noms de l’architecture, Claude Perrault (Ordonnance des cinq especes de colonnes...,1683) après les Vitruve (1673, 1684) et l’Abrégé (1674), André Félibien (Principes de l’architecture, de la sculpture et de la peinture..., 1676), Antoine Desgodetz (Les édifices antiques de Rome...,1682) et la traduction du Livre VI de Scamozzi par d’Aviler (1685). L’ouvrage a eu la caution de Vauban lui-même (Lazard 1933, p. 25) : « Ce petit traité de fortifications ne contient rien qui ne soit conforme à celles qui se pratiquent dans les places du Roy. Fait à Paris le 2 mars 1691 ». Le manuel, de petit format (in-12) comme l’Abrégé de Vitruve, est constitué de deux parties. La première, brève, est un « Traité préliminaire des principes de géométrie » découpé en chapitres qui traitent du cercle, des angles, du triangle, des polygones, des superficies et enfin des volumes. La seconde est consacrée à la « Manière de fortifier selon la méthode de Monsieur de Vauban », texte continu cette fois, mais dont l’ordre est atypique : considérations morales, bref historique de la fortification défensive (fossé palissadé, muraille, puis tours, enfin bastions). Suivent deux pages sur l’artillerie puis des considérations sur la technique de construction. Du Fay passe ensuite en revue les organes fortifiés, louant la méthode de Vauban qui est « simple, facile, & bonne dans toutes les parties » (1691, p. 99). Il mentionne notamment les contregardes à flanc de Vauban telles qu’on les trouve à Landau et Belfort, sans en donner toutefois une illustration, alors qu’elles sont éditées par Nicolas de Fer la même année. L’édition de 1693, revue et augmentée, ajoute deux hors-texte, le « Plan et profil d’un magazin » et la « Principalle attaque de Mons » [1691]. Le plan du magasin à poudre, invention de Vauban, qui figurait auparavant dans le texte a été ici déployé hors-texte : il est présenté pour la première fois en plan et coupe, modèle qui deviendra le standard du genre. Le livre se clôt sur des conseils aux futurs officiers qui doivent aller sur le terrain pour compléter leur formation et sur un panégyrique à la gloire de Vauban, « génie supérieur qui prévoit tout » et qui pour procurer la paix à l’intérieur du royaume éloigne la guerre en construisant des forts.
     Le manuel abondamment illustré sur bois ou sur cuivre, selon les éditions, où l’image colle au texte, ce qui est rarement le cas dans ce type de publications où les figures sont plutôt regroupées sur des hors-texte, fournit toutes les données pratiques sur le « premier système » de Vauban. À ce titre il pourrait être une réponse à l’ouvrage publié à Amsterdam par le chevalier de Cambray en 1689. Comme celui-ci il a connu de nombreuses éditions, neuf dont trois en italien ; et douze autres combinées avec le texte de Cambray parmi lesquelles une en espagnol et une en allemand.

P. Bragard (UCL, Louvain) – 2015

 

Bibliographie critique

A. Blanchard, Vauban, Paris, Fayard, 1996.

P. Bragard, « Du Fay et les autres. La diffusion de la fortification selon Vauban dans la théorie européenne autour de 1700 », M. Virol, P. Bragard, N. Faucherre, M. Steenbergen (éd.), L’influence de Vauban dans le Monde, Namur, Les Amis de la citadelle de Namur, 2015, p. 17-38.

C. Duffy, The Fortress in the age of Vauban and Frederick the Great, 1660-1789, Londres, Routledge & Keegan, 1985.

K. Jordan, Bibliographie zur Geschichte des Festungsbaues von den Anfängen bis 1914, Marbourg,Deutsche Gesellschaft für Festungsforschung, 2003.

P. Lazard, Vauban 1633-1707, Paris, Alcan, 1933.

M. Virol, Vauban, de la gloire du roi au service de l’État, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

I. Warmoes, « Vauban et l’art de la fortification », I. Warmoes, V. Sanger (éd.), Vauban bâtisseur du Roi-Soleil, Paris, Somogy, 2007, p. 190-197.