LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Auteur(s) |
Chastillon, Claude et al. |
Titre |
Topographie françoise... |
Adresse |
Paris, J. Boisseau, 1641 |
Localisation |
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Mots matière |
Châteaux, églises, hôtels |
Consultation de l’ouvrage
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Transcription du texte
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English
En 1641 l’enlumineur Jean Boisseau publia la Topographie francoise ou representations de plusieurs villes, bourgs, chasteaux, maisons de plaisance, ruines & vestiges d’antiquité du royaume de France de Claude Chastillon (1559-1616), vingt-cinq ans après la mort de ce dernier. Il avait acquis les planches déjà gravées par Mathieu Merian, Léonard Gaultier, Joachim Duviert et Jacques Poinssart et il fit graver les dessins qu’il put racheter, entre autres par Isaac et Nicolas Briot (Weigert 1951, p. 307). Il s’agit comme l’indique le titre de vues de villes et de places fortes que Chastillon eut la charge de surveiller en tant que topographe et ingénieur du roi, mais aussi de châteaux, de demeures plus modestes, d’abbayes et d’antiquités qu’il visita lors de ses déplacements en Champagne (il résida jusqu’en 1606 à Châlons dont il est originaire), dans les Ardennes, en Picardie, Île-de-France et Berry, mais aussi en Aunis, Saintonge et Guyenne.
Auteur d’un Recueil de géométrie et de mécanique (Paris, BnF, Estampes I a 2, ff. 384-388), expert en fortifications et cartographie, excellent hydraulicien, Chastillon mourut avant d’avoir publié la Topographie francoise qu’il projetait, comme l’atteste la table des figures. Le nom de certains monuments n’a pas été complété ; les lettres repères (A à Z) indiquées sur les gravures n’ont pas été suivies des légendes auxquelles elles renvoyaient. De nombreuses planches ne sont pas signées.
L’ouvrage riche de près de 500 gravures se recommande moins pour ses qualités graphiques (absence d’ombres portées, vision schématique et perspective maladroite) que pour sa richesse documentaire. Les monuments représentés, qu’ils soient militaires (forteresses, citadelles), religieux (églises, abbayes, collégiales, prieurés) ou civils, des châteaux aux demeures plus modestes (manoirs, maisons de plaisance), ou encore les antiquités donnent un instantané de la France monumentale entre 1589 et 1616, même s’il s’avère incomplet à cause des déplacements du spécialiste des fortifications. Les attributions de Chastillon ne lui permirent pas de couvrir toute la Guyenne, ni surtout la France méridionale où se trouvaient concentrées les ruines les plus remarquables. L’inspection du phare de Cordouan en 1606 qu’il eut la charge d’achever lui a donné l’occasion de laisser du monument un dessin très précieux qui fut gravé seulement en 1642. Certaines représentations sont d’autant plus précieuses qu’elles donnent un état ancien avant reconstruction ou remaniement (châteaux d’Étoges, de Chilly-Mazarin, de la Cour Senlisse, de Coulommiers), montrent des bâtiments aujourd’hui disparus (château royal de Pontoise, château neuf de Challuau, châteaux de Limours, de Sillery, de Chapelaine, de Châteauneuf-sur-Loire avec ses exceptionnelles étuves de plan polygonal réalisées peut-être pour Philippe le Bel...). Il représente l’état complet du château de Meillant à la fin du XVIe siècle avant les importantes modifications ultérieures.
Parmi les monuments les plus remarquables représentés figurent Saint-Denis et son abbaye, les châteaux de Saint-Germain-en-Laye, de Gaillon et de Coulommiers, le remarquable ensemble urbanistique de Charleville. La Topographie donne aussi à voir les hôtels à la mode (hôtels d’Angoulême, du Maine, de Nevers) comme les grandes réalisations parisiennes du règne de Henri IV, le Collège royal, l’hôpital Saint-Louis, la place Royale, la place Dauphine ou la place de France à laquelle Chastillon travailla avec son collègue Jacques Alleaume mais qui ne fut jamais achevée.
La Topographie a la particularité de représenter une vingtaine d’antiquités que Chastillon a vues lors de ses multiples déplacements avec l’armée. Cet ensemble important est original par le contenu. En effet à côté des ruines renommées de Poitiers, de Saintes ou de Bordeaux figurent les vestiges plus modestes de Tonnay-Charente ou de Varaize, de Drevant-sur-Cher, ou encore ceux de Metz avec le fameux aqueduc de Jouy-aux-Arches. La vue de Reims montre bien les portes antiques subsistantes, celle de Boulogne la Tour d’Ordre. Chastillon dessine aussi les vestiges des thermes de Cluny, connus depuis longtemps quoiqu’identifiés à tort comme le palais de Julien l’Apostat.
Certains exemplaires de la Topographie comportent la page de titre de 1641 mais avec quelques planches de date postérieure (Pastoureau 1984, p. 97). Elle connut deux autres éditions en 1648 et 1655 qui attestent l’engouement du public pour ce type d’ouvrages purement visuels. Mais elle fut vite éclipsée par les publications plus séduisantes de Merian, Perelle, Silvestre ou même Marot. Pourtant en l’état, la Topographie, ouvrage rare dont n’est conservée qu’une quinzaine d’exemplaires, toutes éditions confondues, demeure une exceptionnelle source documentaire.
Frédérique Lemerle (Cnrs, Cesr, Tours) – 2014
Bibliographie critique
F. Boudon, « La Topographie française de Claude Chastillon : propositions pour une grille d’analyse des gravures », Les Cahiers de la recherche architecturale, 18, 1985, p. 54-65.
F. Boudon & J. Blécon, « Le réel et l’imaginaire dans l’œuvre de Claude Chastillon » (contrat du ministère de l’Urbanisme, 1983), inédit.
D. Buisseret, « Les ingénieurs du roi au temps de Henri IV », Annales de la Section de géographie, 77, 1964, p. 13-84.
D. Buisseret, Ingénieurs et fortifications avant Vauban. L’organisation d’un service royal aux XVIe-XVIIe siècles, Paris, CTHS, 2000, p. 69-73.
M. Dumolin, Essai sur Claude Chastillon et son œuvre, Paris, s.d., manuscrit dactylographié conservé à la Bibliothèque nationale (Estampes, YB3 2725 4°).
M. Grivel, Le commerce de l’estampe à Paris au XVIIe siècle, Genève, Droz, 1986, p. 282.
M. Herme-Renault, « Claude Chastillon et sa ‘Topographie française’ », Bulletin monumental, 139-3, 1981, p. 141-163.
F. Lemerle, La Renaissance et les antiquités de la Gaule, Turnhout, Brepols, 2005, p. 77-78
M. Pastoureau (avec la collaboration de F. Lestringant), Les atlas français, XVIe-XVIIe siècles : répertoire bibliographique et études, Paris, Bibliothèque nationale, 1984, p. 120-124.
M. Préaud, P. Casselle, M. Grivel & C. Le Bitouzé, Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Promodis, 1987, p. 56-57.
J. Proust-Perrault, « Claude Chastillon et sa bibliothèque parisienne », Les Cahiers de la Rotonde, 1997, p. 115-144.
J.-P. Ravaux, Claude Chastillon (vers 1560-1616) et sa Topographie française, à l’aide de renseignements inédits, Châlons-en-Champagne, 1998.
R.-A Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1939, 1, p. 393-394.
R.-A Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1951, 2, p. 307-381.
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