LES LIVRES D’ARCHITECTURE



Auteur(s)

Cambray, chevalier de

Titre Maniere de fortifier de Mr. de Vauban...
Adresse Amsterdam, P. Mortier, 1689
Localisation
Los Angeles, The Getty Research Institute, UG 400. C 36 1689
Mots matière Fortifications
Transcription du texte

English

     En l’absence d’écrits de Vauban qui a toujours préféré le terrain à la réflexion théorique, plusieurs auteurs à partir des années 80 ont présenté une ou plusieurs de ses méthodes pour fortifier les places. Desmartins l’Ainé (L’expérience de l’architecture militaire..., 1685), Jean-François Bernard (Nouvelle manière de fortifier les places..., 1689), Nicolas de Fer (Introduction à la fortification..., 1690-1693), Jacques Ozanam (Cours de mathématique... Tome troisième. Qui contient la géométrie et la fortification, 1693) ont proposé la manière de Vauban parmi d’autres. En revanche l’abbé Dufay et le chevalier de Cambray se sont exclusivement référés au maître ; leurs traités respectifs au titre quasi identique a entretenu durablement une certaine confusion bibliographique.
     Le traité du chevalier de Cambray parut en Hollande en 1689, soit deux ans avant la date probable de la première édition de l’abbé Du Fay. Pierre Mortier, son éditeur d’origine française, précise dans la dédicace au margrave de Brandebourg, Frédéric III, que Cambray a travaillé sous Vauban, et dans l’adresse au lecteur de la Maniere de fortifier qu’il serait son plus illustre élève. Comme il l’indique dans la préface, Cambray destine son traité aux cadets du roi très chrétien qui seraient dans les villes de Sarrelouis ou Strasbourg. Pour cette raison il est aussi proposé en version bilingue (français-allemand). Si le public visé est sujet du roi de France, il est curieux que l’ouvrage soit dédié à l’un de ses ennemis. La dédicace disparaît du reste dans les éditions anglaises et allemandes.
     De façon pédagogique le traité s’ouvre sur un traité de géométrie en deux livres, avec un texte sur deux colonnes. Le premier aborde le tracé et la construction des lignes, des surfaces, des volumes et des pyramides ; le second a pour objet l’altimétrie, la longimétrie, la planimétrie, la stéréotomie, le calcul des volumes irréguliers (la « coelométrie » ) et les calculs de transformation d’un volume en un autre (la « métamorphose »). Suit une table des matières détaillée qui précède les planches. Le traité de fortification proprement dit (La Maniere de fortifier), avec sa pagination autonome, est divisé en quatre livres. Il commence par des définitions de base comme dans les Travaux de Mars d’Allain Manesson Mallet récemment republié à Paris et à Amsterdam (1684-1685) dans une version augmentée – la première édition est donnée à Paris en 1671-1672 –, qui sont suivies d’un lexique relatif à l’art de la guerre. Cambray développe ensuite la nouvelle manière de fortifier en citant Vauban mais aussi Goldmann, Pasch, Errard, De Ville, Pagan, Freitag, Fournier, etc. Le tracé fortifié proposé correspond au « premier système » de Vauban, les polygones traditionnels relevant quant à eux de la théorie de la première moitié du XVIIe siècle ; la terminologie est vieillie (« ravelin » au lieu de « demi-lune », etc.). Il est de fait peu question de Vauban. L’ouvrage se clôt sur 44 figures.
     Le manuel, plutôt mal écrit, obsolète dans ses appellations, scolaire et peu représentatif de l’art de Vauban, connut toutefois un grand succès. Une édition franco-allemande parut en 1692 à Paris, une édition anglaise en 1693 à Londres. Cinq éditions allemandes furent publiées à Mayence par Louis (Ludwig) Bourgeat de 1695 à 1711, sans mention du nom de Cambray. L’ouvrage fut traduit en russe en 1724 et le nom de Cambray fut une nouvelle fois occulté par celui de Vauban.

P. Bragard (UCL, Louvain) – 2015

 

Bibliographie critique

A. Blanchard, Vauban, Paris, Fayard, 1996.

P. Bragard, « Du Fay et les autres. La diffusion de la fortification selon Vauban dans la théorie européenne autour de 1700 », M. Virol, P. Bragard, N. Faucherre, M. Steenbergen (éd.), L’influence de Vauban dans le Monde, Namur, Les Amis de la citadelle de Namur, 2015, p. 17-38.

C. Duffy, The Fortress in the age of Vauban and Frederick the Great, 1660-1789, Londres, Routledge & Keegan, 1985.

K. Jordan, Bibliographie zur Geschichte des Festungsbaues von den Anfängen bis 1914, Marbourg,Deutsche Gesellschaft für Festungsforschung, 2003.

P. Lazard, Vauban 1633-1707, Paris, Alcan, 1933.

M. Virol, Vauban, de la gloire du roi au service de l’État, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

I. Warmoes, « Vauban et l’art de la fortification », I. Warmoes, V. Sanger (éd.), Vauban bâtisseur du Roi-Soleil, Paris, Somogy, 2007, p. 190-197.