LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Gentillâtre, Jacques |
Titre |
[Traité d’architecture] |
Adresse |
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Localisation |
Paris, BnF, ms. fr. 14727 |
Mots matière |
Architecture, Fortifications, Géométrie, Machines |
Consultation de l’ouvrage
1,2,3,4,5,6,7,8,9, 10,11
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Transcription du texte
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English
Jacques Gentillâtre est né en 1578 à Sainte-Menehould en Champagne. Vers 1595, il rejoint Paris pour se former dans l’atelier de Jacques II Du Cerceau, architecte du Roi et probablement son coreligionnaire. Il y copie de nombreux dessins, notamment des travaux de son maître à Fontainebleau, à Paris et surtout au château de Monceaux. Autour de 1602, il quitte Paris et s’installe dans l’austère citadelle protestante de Sedan où il construit au moins un hôtel. On le trouve ensuite au service de Jean III du Châtelet, baron de Thon et maréchal de Lorraine pour lequel il construit vers 1603-04 un important château aux Thons en Lorraine. À partir de 1606-07, il dirige la reconstruction du château médiéval de Chauvirey-le-Chatel en Franche-Comté pour le frère du baron de Thon, René du Châtelet. Sa prochaine étape est Montbéliard, ville protestante, appartenant au duc de Wurtemberg où il séjourne en 1610, occupé semble-t-il surtout à des ouvrages hydrauliques. Un an après, il est recommandé comme ingénieur à la ville de Genève. S’il y échoue avec l’invention d’une machine hydraulique, du moins construit-il une partie ou l’ensemble de la Monnaie. En 1612, il est de retour en France et installé à Chalon-sur-Saône, où il restera dix ans. Dès son arrivée débutent ses travaux pour un somptueux hôtel, aujourd’hui occupé par la sous-préfecture, pour Claude-Enoch de Virey, ancien secrétaire de Henri II, prince de Condé. Il érige encore au moins trois autres hôtels à Chalon. Sa consécration officielle lui vient avec la commande de la construction du palais du bailliage. Ses dessins attestent des travaux plus ou moins importants dans quelques châteaux aux alentours de Chalon, notamment une grande partie de celui de Cormatin. En 1621, il change une dernière fois de ville et s’installe à Lyon où il commence l’année suivante, au bord de la place Belcour, le portail de l’église de la Charité. Son dernier paiement date de 1623.
Le recueil de Lyon, récemment retrouvé, provient vraisemblablement de son fonds d’atelier. On peut en effet penser qu’il a fini ses jours à Lyon, probablement dans la gêne : dans son traité parisien, il fait, en effet, l’amer constat que son sort est de « Vivre en honneur, et mourir pauvre ».
L’œuvre de Gentillâtre est exceptionnellement bien documenté. Le Royal Institute of British Architects à Londres conserve un album réunissant près de 300 dessins de sa main datables entre 1597 et 1623, auquel s’ajoute à la BnF à Paris un volume in-8° de 594 feuillets manuscrits, le traité d’architecture qui nous intéresse ici. Le but de cet ouvrage rédigé entre 1615 et 1625 environ, dont plusieurs chapitres sont inachevés, était de fournir un manuel pratique pour un architecte-ingénieur. Chaque démonstration est accompagnée de dessins. Bien que pour une grande part il s’agisse d’une compilation, le choix des sujets traités et les priorités données lui sont personnels et significatifs d’une attitude que l’auteur partage avec la génération du maniérisme tardif.
Selon la tradition vitruvienne, l’ouvrage se divise en dix livres correspondant à quatre grandes sections. La première traite de mathématiques, la seconde de forteresses et machines de guerre, la troisième de bâtiments civils et la quatrième d’inventions mécaniques. Le texte débute par des notions élémentaires d’arithmétique et de géométrie (ff. 14v°-196r°). Il est symptomatique d’une nouvelle orientation que deux livres soient consacrés aux fortifications et machines de guerre (ff. 208r°-321r°). Les auteurs cités sont Albert Dürer, Aurelio Pasino, Galeazzo Alghisi, Samuel Marolois. Les deux Lorrains Jean Appier dit Hanzelet et Jean Errard ne sont pas mentionnés, bien que leurs dessins soient copiés.
L’architecture civile (ff. 340r°-397v°) débute avec des extraits du premier livre de Vitruve dans la traduction de Jean Martin. La suite s’articule autour de deux demeures idéales servant d’exemple de distribution. Le caractère le plus distinctif du premier château qui est de l’invention de Gentillâtre, réside dans l’accentuation des ailes latérales, plus larges que le corps central qui n’abrite qu’une galerie de liaison « pour se promener… pour communiquer d’affaires ». Ce parti se retrouve dans les deux châteaux qu’il a bâtis, aux Thons en Lorraine et à Cormatin en Bourgogne. À ce type d’habitation s’oppose une maison des champs. L’étrange conception du plan avec ses dépendances multiples reflète évidemment la maison romaine de Vitruve (VI, 9), mais dans les détails Gentillâtre s’est inspiré de la Casa degli Antichi de Palladio (II, 16). Le texte accompagnant est contre toute attente ni de Vitruve ni de Palladio, mais d’Alberti et concerne surtout la distribution. Bien que l’auteur dans ses dessins d’architecture de Londres montre un goût souvent exubérant pour le décor, son traité reste quasi muet sur toute question esthétique. Les ordres sont copiés de Vignole, les schémas de proportions pour les ouvertures de Serlio et de Philibert De l’Orme. La partie qui traite des bâtiments s’achève par deux livres sur la maçonnerie (ff. 406r°-459r°) et la charpente (ff. 465v°-487v°) qui sont essentiellement fondés sur ses propres expériences et ses constructions.
Après deux pages sur l’optique, Gentillâtre consacre, comme Vitruve, son dernier livre aux arts mécaniques (ff. 492v°-590v°). Il reste difficile de distinguer ce qui est de son invention propre et ce qu’il a emprunté ailleurs. Toutefois les pages à partir du folio 591r° sur l’hydraulique sont copiées des Forces mouvantes (1615) de Salomon de Caus.
Dans cette ébauche, non sans ambition, de traité Jacques Gentillâtre a réussi à embrasser toutes les facettes du savoir nécessaire à un architecte de son temps, depuis des règles d’arithmétique, en passant par la conception d’un château jusqu’à une modeste machine à couper le chou, jadis vue à Fontainebleau.
Liliane Châtelet-Lange (Strasbourg) – 2006
Bibliographie critique
L. Châtelet-Lange, « Jacques Gentillâtre et les châteaux des Thons et de Chauvirey », Le Pays lorrain, 2, 1987, p. 65-95.
L. Châtelet-Lange, « L’architecte entre science et pratique: le cas de Jacques Gentillâtre », J. Guillaume (éd.), Les traités d'architecture de la Renaissance, Paris, Picard, 1988, p. 397-406.
L. Châtelet-Lange, « Jacques Gentillâtre. Montbéliard-Genève-Chalon-sur-Saône-Lyon », Fondation Eugène Piot. Monuments et Mémoires, 70, 1989, p. 71-138.
R. Coope, Catalogue of the Drawings Collection of the Royal Institute of British Architects. Jacques Gentilhâtre, Farnborough, Eng. Gregg International, 1972.
A. Marr, « Copying, Commonplaces, and Technical Knowledge : The Architect-Engineer as Reader », Intersections : Yearbook for Early Modern Studies, 16, The Artist as Reader, 2013, p. 419-444.
H. Omont, Catalogue général des manuscrits français, Ancien supplément français, III, nos 13091-15369 du fonds français, Paris, Leroux, 1896, p. 251.
Notice
[Traité d’architecture], manuscrit, sans titre, 1615-1625.
Paris, BnF, ms. fr. 14727.
Papier. 125x90 mm.
Couverture en parchemin (Omont 1896, p. 251).
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