LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
Colonna, Francesco
Martin, Jean |
Titre |
Hypnerotomachie, ou Discours du songe de Poliphile... |
Adresse |
Paris, J. Kerver, 1554 |
Localisation |
Besançon, Bibliothèque municipale, 8667 |
Mots matière |
Architecture, Jardins |
English
La reprise
en 1554 par l’imprimeur Kerver de la traduction de Jean Martin
du Songe de Poliphile, parue pour la première fois en
1546, scelle une réussite, et alimente le destin définitif
de l’œuvre. Cette réimpression est liée au
succès de la traduction qui a « naturalisé »
Poliphile et l’a acclimaté au goût français.
Elle est le signe que sa lecture est devenue un classique, et que les
figures de Colonna sont entrées pleinement dans les imaginaires
: elles alimentent les entrées royales, se glissent dans les
pages de Rabelais ou se prêtent à des interprétations
alchimiques sans aucun doute forcées par rapport aux intentions
premières de l’ouvrage.
Le livre
en lui-même est une reprise presque identique de l’édition
de 1546 : même type de présentation de la page, même
texte, mêmes bois. Au folio 12 v° toutefois, le schéma
proportionnel de la porte du jardin a été modifié
: les éléments de l’ordre, piédestaux, colonnes,
chapiteaux et entablement, apparaissent désormais, la grille de
construction des proportions a été simplifiée,
et un texte en marge précise que « les lignes ou sont les
ronds, sont selon l’antique : & tous les autres sont suyvant
le texte de l’autheur », ce qui pourrait indiquer qu’un
architecte a reconsidéré et regravé la planche
; entre 1546 et 1554, la conscience des réalités de l’architecture
antique avait progressé en France.
Les liminaires
comportent une légère différence, qui n’est
pas totalement anodine. En effet, cette édition, comme celle
de 1561 ensuite, comporte au verso de la page de titre une notice en
latin de Jacques Gohory, adressée au lecteur
; en quelques lignes celui-ci livre des éléments de commentaire
du texte qui vont en orienter les lectures assez longtemps. Gohory d’abord
y « révèle » le nom de l’auteur à
partir de l’acrostiche déjà connu des premières
lettres des chapitres, Poliam Frater Franciscus Columna peramavit.
Mais il va faire de ce Colonna un membre de la grande famille romaine
opposée aux Orsini (ex ea (opinor) illustri gente quae cum
Vrsiis aeternas inimicitias gerit, « de cette illustre famille
(à mon avis) qui poursuit d’éternelles inimitiés
avec les Orsini »), théorie qui alimentera le débat
d’attribution durant des siècles ; ensuite, il présente
le texte assez justement du point de vue linguistique, comme un hapax
linguistique et savant : stilus est novus, ad eo forte hoc pacto
excogitatus, et ex Graecae, Latinae, Hetruscaeque linguae temperie quadam
conflatus (« le style est nouveau, pensé précisément
par l’auteur de cette façon, et forgé d’une
sorte de mélange de langue grecque, latine et italienne »).
Enfin, il fait clairement de ce texte un livre « à secret
», théorie qui là encore va générer
d’innombrables interprétations qui nourriront ce qu’on
peut appeler la mythologie du livre : quae arcana sub his architecturae
et cerimoniarum involucris tegantur, vulgo non sciri reip. interesse
aiunt, (« on dit qu’il est de l’intérêt
de la communauté des lettres qu’on ne sache pas en vernaculaire
[ou « de façon répandue »] quels secrets sont
couverts de ces enveloppes d’architecture et de cérémonies
»).
Pour finir,
Gohory met en avant la figure du Chevalier de Malte qui aurait donné
une première traduction du roman, relue par Gohory puis confiée
par lui à Jean Martin, ce qui installe le personnage dans l’histoire
du texte et donne toute légitimité à ses commentaires
à venir, grâce à l’argument de la primauté
de lecture (Delinearat primum eques Meltensis vir ingenio facili
cultoque, ac me ut accurate legerem vehementer rogaverat, «
Un chevalier de Malte, homme de talent habile et cultivé, avait
d’abord tracé les grandes lignes [du texte], et m’avait
instamment demandé de le lire avec soin »).
Ce petit
texte, caractéristique de cette édition par rapport à
la précédente, fixe sans doute autant qu’il les
crée des pistes de lecture du roman qui commençaient à
se faire jour et à devenir une sorte d’obligation d’interprétation,
qui ne sera pas démentie durant des siècles.
Martine Furno (Université Stendhal Grenoble 3,
Centre d’études en rhétorique, philosophie et histoire des idées, ENS LSH Lyon)- 2009
Bibliographie critique
F. Colonna, Le songe de Poliphile, traduction de Jean Martin
(1546), présentée, translittérée et annotée
par G. Polizzi, Paris, Éditions de l’Imprimerie nationale,
1994.
M. Furno, Une « fantaisie » sur l’Antique : le
goût pour l’épigraphie funéraire dans l’Hypnerotomachia
Poliphili de Francesco Colonna, Genève, Droz, 2003.
G. Goebel, « Poliphile ancêtre du fantastique ? »,
Lendemains, 2003, 28, 110-111, p. 21-26.
L. Lefaivre, Leon Battista Alberti’s Hypnerotomachia Poliphili.
Re-Cognizing the Architectural Body in the Early Italian Renaissance,
Cambridge (Mass.)/Londres, MIT Press, 1997.
M. Lorgnet, Jean Martin translateur d’emprise, Bologne, Editrice
CLUB, 1994.
G. Polizzi, « Poliphile ou les combats du désir », H. Brunon (éd.), Le jardin, notre double, Paris, Autrement. Série Mutations, 1999, 184, p. 81-100.
Notice
Hypnerotomachie, ou Discours du songe de Poliphile, Deduisant comme
Amour le combat a l’occasion de Polia... Nouuuellement traduit
de langage Italien en Francois. A Paris Pour Iaques Keruer aux
deux Cochetz, Rue S. Iaques. M. D. LIIII.
In-fol., pièces liminaires, 157 ff., pl.
Traduction par Jean Martin
Besançon, Bibliothèque municipale, 8667.
*Note :
- Bas du f. 2 manquant.
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