LES LIVRES D’ARCHITECTURE
Notice détaillée
Auteur(s) |
De l’Orme, Philibert |
Titre |
Architecture... |
Adresse |
Rouen, D. Ferrand, 1648 |
Localisation |
Besançon, Bibliothèque municipale, 11614 |
Mots matière |
Architecture, Cheminées, Ordres, Portes, Stéréotomie
|
English
Un an après
avoir réédité la Reigle de Jean Bullant,
l’actif libraire rouennais David Ferrand donna la dernière
édition du traité de Philibert De l’Orme. Cette
édition a connu une certaine notoriété de nos jours,
car elle a fait l’objet de deux publications en fac-similé,
en 1966 et 1981, qui ont été très utiles
aux chercheurs. Malheureusement, le travail de Ferrand a abouti
à une version très douteuse du texte de Philibert. Comme
il l’explique dans l’adresse au lecteur du traité
de Bullant, il avait récupéré à Paris tout
un matériel, probablement auprès des héritiers
de Regnault II Chaudière (mort en 1633), lequel, en tant que
gendre de Pierre Cavellat, disposait de toutes les richesses publiées
au XVIe siècle par l’association de Guillaume Cavellat
et Jérôme de Marnef : les planches de la traduction de
Vitruve de 1572, y compris celles qui provenaient des éditions
italiennes de Fra Giocondo et Cesariano, celles de Bullant et enfin
celles du De l’Orme de 1576 – sans compter celui imprimé
par Chaudière lui-même en 1626.
C’est
la configuration de la version de 1626 que reprend le libraire normand
: les neuf livres du Premier tome sont suivis des deux livres
des Nouvelles inventions qui deviennent les livres X et XI
d’une Architecture censée
être complète. Mais il remanie considérablement
le travail de Chaudière, qui lui-même avait pris quelques
libertés par rapport aux textes initiaux. Tous les bandeaux sont
refaits : l’ « horoscope » de Philibert disparaît.
Le beau cadre du frontispice est conservé, de même que
la présentation de la page de titre. Dans les pièces liminaires,
la dédicace « Au Roy » de 1626 est suivie d’une
autre, signée de Ferrand, à Jean-Louis de Faucon, premier
président du Parlement de Rouen et auteur d’aimables poésies
; lui succède l’épître au lecteur issue des
Nouvelles inventions. Par la suite, la mise en page reste similaire
à celle de 1626 : les mêmes gravures supplémentaires
viennent occuper les vides laissés par une mise en page plus
serrée.
Le texte
de l’édition Chaudière a été normalement
recomposé. Mais les interventions de Ferrand ne sont pas négligeables.
Elles sont probablement dictées par des impératifs techniques,
voire économiques. Si le discours devient plus impersonnel –
de nombreux « je » delormiens disparaissent, en particulier
dans les incipit des chapitres – ce n’est sans
doute pas pour des raisons de fond, mais, comme le suggère Jean-Marie
Pérouse de Montclos, parce que Ferrand ne disposait pas du nombre
suffisant de « I » majuscules ornés (qui doivent
aussi servir pour les « Il » et les « Jaçoit
» qui débutent fréquemment les textes). De fait,
les modifications ne commencent qu’au folio 166, pour le chapitre
29 du livre V : « Pour vous montrer encore la variété
des choses… » vient remplacer « Je veux montrer encore
pour la variété des choses… ». Au folio 232v°,
Ferrand se contente d’une initiale plus petite. Puis les suppressions
des « je » s’accélèrent, sans pour autant
devenir systématiques : ff. 242v°, 247v°, 261v°,
270v°, 290v°, 301, 318v°, 319v° et 323v°. Au folio
304, c’est le « I » de « icy » qui est
en cause. Preuve que ces remaniements n’ont pas eu pour but de
dépersonnaliser le texte, au folio 323v°, Ferrand ne supprime
pas le « je » ; au contraire, il le fait précéder
par un membre de phrase qui renchérit sur l’intervention
de Philibert : « Gardant toujours ma méthode,
je ne veux faillir… ».
Une autre
intervention mérite d’être signalée. Au folio
134, nous lisons que « plusieurs ont escrit bien amplement des
susdictes mesures, & de leurs diversitez (ainsi qu’a fait
Bulens en son livre des Colomnes) comme l’on en use en un païs
d’une sorte, & à l’autre d’une autres…
». Cette mention de Jean Bullant peut paraître normale (publiant
son Premier tome en 1567, De l’Orme a pu connaître
la première édition de la Reigle de 1564) et
en même temps exceptionnelle : jamais en effet Philibert ne fait
explicitement allusion à ses contemporains français. Elle
le serait en effet, si elle était originale. Car dans toutes
les autres éditions, le texte est bien plus neutre : « Plusieurs
ont escrit bien amplement des susdictes mesures, & de leurs diversitez,
ainsi qu’on en use en un païs d’une sorte, & à
l’autre d’une autre… ». Ferrand venait de rééditer
la Reigle : aussi n’est-il pas surprenant de voir mentionné
dans l’Architecture ce « livre des colomnes »
dont la résurrection était toute récente. Un peu
d’autopromotion ne pouvait nuire aux affaires de l’avisé
libraire…
Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2008
Bibliographie critique
Y. Pauwels, « La Reigle et ses masques : le traité des ordres de Jean
Bullant », M. Furno (éd.), Qui écrit ? figures
de l’auteur et poids des co-élaborateurs du texte (XVe-XVIIe
s.), Lyon, ENS, Collection IHL, 2009, p. 165-174.
J.-M. Pérouse de Montclos, « Les éditions des traités
de Philibert De L’Orme au XVIIe siècle », J. Guillaume (éd.), Les
traités d’architecture à la Renaissance, Paris,
Picard, 1988, p. 355-365.
J.-M. Pérouse de Montclos, Introduction à Philibert De
l’Orme, Traités d’architecture, Paris, Laget,
1988, p. 15-17, 45-46.
Notice
Architectvre De Philibert De L’Orme... Oeuure entiere contenant
vnze Liures, augmentée de deux ; & autres Figures non encore
veuës, tant pour desseins qu’ornemens de maison. Avec Vne
Belle Invention Povr Bien bastir, & à petits frais... A Roven,
Chez David Ferrand... M.DC.XLVIII.
338ff., figures et portrait.
Destailleur, p. 16 ; Fowler 100 ; RIBA 1956.
Besançon, Bibliothèque municipale, 11614.
*Note :
- Reliure basane.
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