GALLIA ROMANA

DLF XVI^e siècle, p. 262 ; Provost/Chevrot/Troadec 1992, pp. 101-102 ; Lemerle 2005, p. 107

« de laquelle [cité antique d’Avaricum] on veoit encores au jour d’huy les murs presque tous entiers, qui sont trespuissans, faictz & construictz de si bonne matiere & forte composition, que ceux qui les ont voulu demolir, pour s’en aider, & y faire cavereaux, n’en ont peu arracher qu’à grande peine, & difficulté, & avec grandz fraiz. Et se comportent & estendent lesditz murs depuis la grosse tour passant au travers l’eglise de sainct Estienne, & le long de la grande rue sainct Jehan des champs & porte Gordaine jusques à la porte qui anciennement s’appelloit, Porte neusve sainct Andrieu : & de la porte neusve tout au long de la rue des Arenes, jusques à la porte Tournoise ou bien Turonnoise : & tout au long de la rue des sucz, jusques à la porte S. Paul en retournant vers la grosse tour. [...] [235] De telles & semblables pierres percees [à celles de l’amphithéâtre] estoient munis & garniz les murs de l’antique cité : comme l’on peut encores voir evidemment du costé de la grosse tour. Non qu’elles soient taillées & garnies de moulures, comme celles qui estoient audict Amphiteatre : mais plattes, d’espesseur d’un pied seulement, & distans l’une de l’autre de six piedz, ou environ ; esquelles estoient plantez gros carreaux de boys supportans autres es longues pieces, servans d’arrest & accorder à fin que en temps de guerre & hostilité les soldatz, estans pressez sur lesditz murs, pour la deffense d’iceux fussent preservez de precipitation. [...] En la maison de maistre Jehan Arnauld procureur general du Roy au [236] bailliage de Berry, qui me monstra en sa court ou il faisoit crotter en la muraille antique, un grand amas de pierres, la pluspart desquelles estoient bases & colomnes grosses & moyennes, chapiteaux Corinthiens & Ioniques & grande quantité de pierres de marbre gris & blanc. Et en sa cave dans le mur de l’antique cité vne contremine droictement posee au milieu de l’espesseur du dict mur, & au pied d’icelle en laquelle contremine on voit de deux costez grande quantité de grosses pierres ouvrees & taillees, les vnes en façon de frize, aultres d’architrave & cornices, & les autres plaines & carrees, portans encores les vestiges & marques des crampons & liaisons de fer qui jadis les tenoient. Toutes lesquelles sont assizes l’une sur l’autre assez lourdement, sans aucune admixtion ou liaison de mortier, ou cyment : & par le dessus, sont posees autres grandes & grosses pierres asses mal joinctes : sur lesquelles, ensemble sur tout le residu du fondement, est basty & construict le dessus dudict mur avec chaulx & cyment d’une si forte & merveilleuse composition qu’il seroit autant laborieux à la ruiner & destruire que de rompre & abbatre ung tresdur & puissant rochier. Et croy ce avoir esté ainsi faict afin que si on venoit à miner ledict mur, la grosse & enorme masse & pesenteur des dites pierrres, assizes au pied d’icelle sans ligature aucune vint à effondrer la mine & suffoquer les pioniers & gens de guerre, ou bien qu’à loccasion de quelque ruine de la dite ville reparee soudainement les fragmens des somptueux edifices ayent esté mis & employez en confusion par contrainte. On voit encores tout autour de ladite ville de Bourges plusieurs mines & contremines & voyes militaires soubz terre bien voustéees & faictes d’une fort bonne matiere & composition, qui tendent les vnes à Xancoins, les autres à Dun le Roy : les autres à Sancerre, à Mehun, & autres divers lieux de Berry : la plupart desquelles sont à present en beaucoup d’endroictz mesmes entre sainct Just & Blet, rompuës & ruinees par la grande antiquité du temps. »