GALLIA ROMANA

« Il [Trajan] fit edifier à Nismes vne maison que Spartianus appelle Sacrée, de tres-grande despense & sublime structure ; qu’il doüa du chant des Hymnes anniuersaires à l’honneur de Plotine : en mémoire des bien-faits qu’il en auoit receus. Or Monsieur d’Albenas au XVI. Chapitre du Liure allegué, aduouë que ce n’est pas nostre maison carrée, ny aucun autre de nos bastimens anciens qui subsistent encore : C’est pourquoy estant obligé de la rechercher dans nos plus remarquables ruïnes. Nous n’en auons point, apres l’Amphiteatre, qui donnent des marques d’vne plus grande despense & sublime structure ; que celles qui se trouuent couuertes du bastiment moderne du Chasteau depuis abatu. Dans les masures de ce [43] Chasteau, sont encore visibles vne partie de deux grosses Tours antiques de la mesme matiere & ordre d’Architecture, que nos autres bastimens Romains ; qui pour estre enrichies de Cornices & autres beaux ouurages, comme elles l’estoient il y a peu d’années, sont autant dignes de la despense d’vn Empereur : Et pour vne celebre occasion telle que celle d’Adrian : qu’aucune autre que nous ayons. Et si ce bastiment n’estoit pas tant ruiné, ou qu’il n’eust pas esté reuestu de nouuelle maçonnerie, pour en faire vn Chasteau de deffense à la moderne : On verroit qu’il conuiendroit fort bien à vn edifice de la qualité de la Basilique dont il s’agit. Pour vn deuxiesme ; outre que ce vieux bastiment qui paroist dans les ruines de nostre Chasteau, nous donne par sa grandeur & belle Architecture, vne grande presomption que c’est l’ouurage d’Adrian : Le lieu de sa situation le confirme aussi, puis qu’il a esté construit precisément sur les anciennes murailles de nostre Ville, comme pour obeïr à la loy qu’il auoit faite ; rapportée par le Iurisconsulte Vlpian, portant deffenses de ne faire aucun sepulchre dans les Villes. Pour vn troisiesme, il est certain que cette maison estant vne espèce de monument dedié à la memoire d’vne Imperatrice, & pour y chanter les Hym[44]nes funebres : Elle a esté plustost bastie au Cimetiere public qu’autre part : ou que nos anciens peres ont mieux aimé faire leur Cimetiere prés de cette maison qu’ailleurs ; & par consequent qu’ils estoient ensemble ou prochains. Or leur Cimetiere estoit en lieu-là : comme il a esté reconnu en l’année mil six cens vingt-six, en creusant les bastions qui furent faits au pied du Chasteau, par moyen de grand nombre de Tombeaux, Epitaphes, ossemens, cendres, phioles, vrnes, & autres vstenciles funeraires, dont le lieu a esté trouué tout plain durant plus de deux cens pas de diametre ; mesme plus de vingt mille medailles d’argent en vn tas : la pluspart rapportans l’effigie de Trajan, Adrian & Plotine, & quelques-vnes au reuers la Basilique dont il s’agit. »