GALLIA ROMANA

Corpus des textes et représentations
des antiquités gallo-romaines (XVe siècle - XVIIe siècle)

Notice

Ville Nîmes (Gard, 30)
Sujet(s) Aqueduc
 
Auteur(s) Deyron, Jacques
  Antiquaire nîmois (16.. ?-1677)
Support Imprimé
Date 1656
Inscription
Références Deyron 1656, p. 13-17
Bibliographie

Fiches/Veyrac 1996, p. 208-240 ; Lemerle 2005, p. 87 ; Lemerle 2013-2

Remarques Texte repris par Deyron en 1663 (p. 12-15) avec quelques variantes
Transcription 

« Et elles sont bien abondantes, puisque dans l’enclos de la Ville ancienne elles font moudre huit moulins, & qu’elles vuidoient par trois grands canaux sur terre, & par plusieurs grands Acqueducs sous-terrains, dont nous en voyons encore six grands & beaucoup de moindres. L’ouurage de ces Acqueducs est magnifique & digne d’vn puissant Fondateur : Car les principaux ont cinq ou six cens canes de longueur, deux de large & vne de haut, bastis [14] & voûtez à chaux & sable, de rocher vif, qui ne s’est jamais corrompu en nul endroit, pauez de grands quartiers de mesme pierre, bien joints, & niez dans le bon mortier. Ils communiquent la commodité des eaux de la Fontaine à tout le sol de nostre Ville, par des moindres Aqueducs : Et les leur mesnageant par des Escluses, auec des trous aux voûtes à certaines & raisonnables distances l’vn de l’autre, garnis de margeles de pierre dure, bouchées d’vne grosse pierre de mesme rocher entaillée à l’entour ; en telle sorte qu’elle entre vne partie dans la margele, & l’autre partie luy en couure seulement le bord. L’vsage de ces Acqueducs n’estoit pas pour fournir d’eaux à la boisson de nos premiers habitans de Nismes : quoy qu’elles soient parfaitement bonnes & salutaires. Car nous ne trouuons pas que ces Acqueducs eussent aucune communication auec leurs puits, ce que nous auons exactement obserué en tous ceux que nous auons veus. Au contraire nos Acqueducs conseruoient incommunicablemeny leurs eaux dans leurs bastimens solides & impenetrables : Ce qui fait juger infailliblement que ces eaux conduites par nos Acqueducs seruoient à nettoyer la Ville, comme ils font encore, de laquelle ils purgent tous les cloaques et lieux infects : Car pourquoy en se[15]roient les ouuertures si soigneuseoment fermées, que pour empescher de sortir la vapeur des immondices qu’ils contenoient, & le paué & le surplus du bastiment si bon ; si ce n’est pour empescher leur communication & le meslange des eaux sales des Acqueducs, auec les eaux nettes des puits, & l’eslevation de la mauuaise odeur de leurs corruptions. On ne prend point de soin à empescher l’eslevation des vapeurs procedentes des eaux nettes, comme on fait de celles des Acqueducs par leurs margeles si bien & exactement bouchées : Ny on ne les empesche point par des forts pauez de se communiquer aux puits. Or apres auoir parlé de la qualité & de l’vsage de ce bastiment antique, il seroit necessaire de dire vn mot du temps de la construction : Mais la longueur des siecles qui l’ont couuerte, & la rareté des Escriuains de nos Gaules (les habitans desquelles faisoient principalement profession des armes, & laissoient les lettres à quelque peu de Druides qui ne s’en seruoient gieres) nous ont priué de toutes preuues litterales ; ne nous ayant laissé que quelques presomptions. Ces Acqueducs furent construits auant que la Ville : parce que leur nombre & leur grandeur, comme tout son terrain dans la vieille closture, estant tout à fait impossible que [16] les maisons de la Ville ayent esté basties auparauant que les Acqueducs ; puis qu’ils sont en si grand nombre, suiuant l’aduis de Iules Frontin en son Traité des Acqueducs. Il eust fallu reuerser toutes les maisons de la Ville sans en excepter vne. Au lieu qu’apres auoir fait les Acqueducs, le Fondateur a assis commodement & asseurément le bastiment des maisons au dessus. Tel estant l’ordre de ces choses en matiere de bastimens ; que les sous-terrains sont premierement construits, & que les autres qui sont assis sur le sol les suiuent : Ioint que l’enceinte de nos murailles de closture de la ville, dont nous parlerons au Chapitre suiuant, est d’vne construction posterieure aux Acqueducs. Vne de leurs sorties en la partie Orientale de nostre Ville, se fait en trois grandes bouches se joignantes, qui donnent issuë aux eaux des Acqueducs, & à celles du canal qui estoit sur terre ; toutes trois faites de gros quartiers de pierre dure, auec moulures & ornement en dedans de la Ville, de la mesme construction & ordre d’Architecture de la muraille d’icelle. Cette muraille a dans son espaisseur des lieux vuides pour descendre des grilles de fer mobiles, qu’on eslevoit auec vn tour, pour donner liberté au cours des eaux, lors de leur grande abondance, & éuiter l’inon[17]dation. Et ainsi puisque la muraille de nostre closture est faite à l’endroit desdits Acqueducs, d’vne construction toute expresse pour eux, ensemble le vuide des grilles : & qu’à leur endroit il n’y a rien de nouueau ny de r’acomodé entre la muraille & les bouches, que tout le bastiment est bien lié, & d’vn mesme temps ; Il s’enfuit necessairement que la construction des Acqueducs de la Fontaine a precedé celle de la muraille de la closture. Bien davantage, puisque toutes nos maisons sont assises sur ces acqueducs, & qu’ils couurent tout le sol de nostre Ville : Il faut qu’ils ayent esté faits auant la fondation d’icelle, ou du moins que la fondation de la ville de Nismes, ait esté commencée par la construction des acqueducs ou canaux qui dériuent de la Fontaine, & suiuie par celle de la closture de la Ville ».