GALLIA ROMANA

Corpus des textes et représentations
des antiquités gallo-romaines (XVe siècle - XVIIe siècle)

Notice

Ville Nîmes (Gard, 30)
Sujet(s) Amphithéâtre
 
Auteur(s) Platter, Thomas II
  Médecin bâlois, frère cadet de Félix (1574-1628)
Support Manuscrit
Date 1596
Inscription
Références Platter A λ V, ff. 63v°-65= Keiser 1968, p. 105-107
Bibliographie

Keiser 1968 ; Le Roy Ladurie 1995 ; Le Roy Ladurie 2000 ; Fiches/Veyrac 1996, p. 336-350 ; Gros 1996, p. 335-336 ; Lemerle 2005, p. 85-86 ; Lemerle 2013-2

Remarques

Les passages en italique sont des ajouts de Platter postérieurs à la rédaction d’ensemble mise au point en 1604-1605

Transcription 

« Sie fuhrten uns gleich au dem (amphitheatro) schauplatz oder spilhauß, welches ein herlich, groß unndt überauß kunstlich alt gebeüw ist, in einer oval rundung mitt unsäglichem grossen kosten unndt arbeit aufgeführt, ohn einigen kalch ; muß ein sonderbahr kitt zwischen den steinen ligen, daß man nitt sihet, oder es möchten die quaderstuck, welche mechtig lang unndt groß, sonst also auf einanderen gelegt worden sein ; hatt in der mitte ein ablangen, runden hoff, dem gebeüw in der form gleich, (campus Martis genant, darinnen daß volk zusamen kame, wann die Römer ein neüwen raht haben wellen erkiesen). Darinn yetz ettliche heüser in wenig jahren gebauwt worden sindt, darinn auch die leüt wohnen, damitt solcher großer platz nitt umbsonst in der statt ledig standt, welches doch zubedauren, dann man nichts daran abgehen lassen solte, weil es meines erachtens noch daß gäntzist amphitheatrum ist, daß zu unseren zeitten gefunden mag werden, dann es weder die Gothen noch Sarracener yemahlen zerstöret haben. Hatt inwendig zu rings herumb umb den hoff von grossen quadersteinen [64] gehauwne bänk oder stafflen in großer höhe übereinanderen aufgeführet, deren sibentzehen sinndt, ye eine höher dann die andere. Auf der öbristen stafflen übersicht man die gantze statt, also hoch ist sie, unndt hatt vierhundert unndt drey schritt in die runde, andere wellen 470 schritt; glaub, seye yede ettwan zwen schu breit unndt 2 schu hoch. Man kan noch oben rings weiß auf den stafflen oder bänken umb daß theatrum herumber gehen, obgleich woll ettwan 2 monat zevor, als es gar lang aneinander regnete, ein stuck, ettwan 30 schu lang, eingefallen wahre unndt ein hauß, dorinn doch niemandts wohnet, zerschlagen hatte. Ich halte, daß noch zur zeitt bey zwantzig tausendt personen darauf zusitzen, einem ritterspil, kampf, oder waß dergleichen darinnen gehalten wurde, zuzusehen, raum unndt platz genug hetten. Wie es dann die Römer zu solchem endt gebauwen haben, daß meniglich daselbst kente sehen, wie ettwan die ubelthäter von wilden thieren sindt darinn zerrißen worden, oder kämpf von menschen ettwan [64v°] umb ein statt oder landt, ein gantze schlacht zevermeyden, sinndt neben anderen spectaclen unndt schauwspilen gehalten worden, dahär sie den namen (amphitheatrum) schauwplatz bekommen haben.
Zu ruck am gebeüw sinndt drey unndt sechtzig gewelbte bogen, darauff die stafflen gebauwen, unndt kan man darunder trocken regenwetterszeitt gehen.
Außwendig am gebeüw ist Romulus unndt Remus, wie sie von der wölfin geseügt werden, im stein erhöhet geschnitten. Darneben im anderen theil zwen, die mitt einanderen kempfen. Item an einem eck ist auch ein groß bildt in stein geschnitten mitt einem langen hor, dunckte mich, es wehren drey personen an eim leib. In frontispicio fornen werden zwen ochsen köpf eingemauret gesehen. Auf der anderen seiten ein dreyfacher Priapus volans, auf welchem ein weib sitzet unndt ihn im zaum reiten thutt.
Unndt ist daß gantz gebeüw nitt allein gewaltig groß unndt hoch, sonder auch gantz kunstlich unndt ansehenlich erbauwen ; man sagt für gewiß, es seye weder kitt noch pflaster zwischen den steinen, [65] welche, wie zevor auch vermeldet, alle überauß groß sinndt, daß sie von ihnen selber woll bleiben ligen. Man sagt gemeinlich, es seyen zur selbigen zeit risen im landt gewesen, wie man es gebauwt ; ihre weiber haben die grossen stein auf den köpfen zu getragen unndt inmittels die kunklen under dem arm gehept unndt gespunnen. Es ist gemeinlich yeder stein zehen schu lang undt ein schritt breitt, dick unndt hoch, ya auch 12 schu lang undt 6 schu dick. Es ist der schauwplatz gleich neben sant Anthonij porten, hart an der statt mauren, auf keinem bühel, unndt wirt doch vor der statt weit gesehen, ob gleich woll die statt in einem thal liget zwischen siben underscheidenen bergen, die vor zeiten alle in der statt wahren ».
= « Ils nous conduisirent aussitôt à l’amphithéâtre où se donnaient [dans l’Antiquité] les jeux et les spectacles : bref les arènes de Nîmes. C’est un vieux bâtiment, immense, magnifique, artistement construit. Sa courbure est ovale. Enormité des coûts, du travail pour sa réalisation. On n’y a pas utilisé de mortier à base de chaux. Mais il doit y avoir une espèce de ciment un peu spécial, dissimulé entre les pierres, un ciment qu’on ne voit pas. Ou alors faut-il admettre que les pierres de taille rectangulaires, puissamment longues et grandes, furent en toute simplicité posées les unes sur les autres? Le centre de l’édifice est occupé par une cour ronde et allongée reproduisant la forme extérieure du bâtiment. On appelle cela le Campus Martius : c’est là que se réunissait le peuple quand les Romains du cru voulaient élire de nouveaux conseillers. Là encore, au cours de quelques années, on a bâti plusieurs maisons, et il y a aussi des gens qui y habitent ! Le but de cette opération immobilière, c’est que l’immense espace ainsi défini au centre des arènes ne reste pas inutilisé dans une manière de solitude au cœur de la ville. Et pourtant, c’est regrettable. On ne devrait pas faire ça ; je considère en effet que c’est l’amphithéâtre le plus complet qui existe encore à notre époque. Car ni les Goths ni même les Sarrasins en leur temps, ne l’ont détruit. La cour intérieure est entourée de banquettes ou marches d’escalier ; elles sont grandes, et confectionnées à l’aide de puissantes pierres de taille. On compte dix-sept gradins de ce genre, empilés les uns sur les autres [toujours en forme d’escalier] jusqu’à une grande altitude. Chaque pierre de taille ainsi utilisée a deux pieds de large et idem en hauteur. Une fois juché sur le gradin le plus élevé, on aperçoit la ville entière, tellement on est en hauteur. Le périmètre extérieur est de 403 pas ; d’autres personnes disent 470 pas. Il y a peu de temps encore, on pouvait faire le tour complet du théâtre en marchant sur l’ultime rebord supérieur des banquettes. Malheureusement, voici deux mois, il pleuvait sans discontinuer ; du coup, un morceau de cette crête architecturale, long d’environ trente pieds, s’est décroché ; sa chute a écrasé une maison, qui par chance était vide d’habitants. Je crois qu’il y avait place pour vingt mille personnes en tant que spectateurs des tournois, combats ou autres spectacles du même genre. Les Romains avaient construit un tel édifice à ces fins spectaculaires par exemple, pour que de nombreuses personnes y pussent contempler des malfaiteurs en train de se faire déchirer par des bêtes féroces ; contempler aussi des duels d’hommes ou d’équipes les unes contre les autres, petits combats livrés en vue de la possession d’une ville ou d’un pays, et qui servaient également à éviter des batailles rangées plus considérables ; il y avait encore bien d’autres spectacles en tout genre – d’où le nom d’amphithéâtre qu’on lui a donné.
Derrière ce grand édifice, il y a soixante-trois arcs voûtés, les banquettes étant bâties par-dessus. On peut marcher au sec sous ces voûtes par temps de pluie.
Sur le mur extérieur, on a sculpté, en haut relief, Romulus et Remus en train de se faire allaiter par la louve. A proximité, sur une autre portion de l’édifice, j’ai vu deux effigies d’hommes luttant l’un contre l’autre. De même, à l’autre extrémité, il y a aussi une grande image taillée dans la pierre : il m’a semblé qu’on y apercevait trois personnages en un seul corps, le tout recouvert de longs cheveux. Sur le frontispice, on voit deux têtes de bœufs emmurés et pétrifiés dans la paroi. D’autre côté encore, un triple Priape bat des ailes et, sur lui, une femme est assise en le tenant par la bride.
Tout cet édifice n’est pas seulement impressionnant par le gigantisme et par l’altitude. Il est, en outre, artistement construit et il a beaucoup d’allure. Je répète qu’entre ses pierres (d’après ce qu’on assure avec force) il n’y a ni mortier, ni plâtre, ni ciment : elles sont toutes tellement énormes, paraît-il, qu’elles tiennent par la simple opération de leur masse propre. On dit aussi communément qu’à cette époque il y avait des géants dans le pays, quand on construisait les arènes. Leurs femmes auraient porté ces grosses pierres sur la tête, sans cesser pour autant de filer avec la quenouille qu’elles tenaient sous le bras. Chaque pierre en général a dix pieds de long, et un pas de large tant en épaisseur qu’en hauteur ; il y en a aussi qui ont douze pieds de long et six pieds d’épaisseur. L’immense salle de spectacle des arènes est proche de la porte Saint-Antoine, et contiguë au rempart ; elle n’est nullement assise sur une colline et pourtant on la voit de loin, depuis le dehors de la ville ; et cela compte tenu du fait que Nîmes est située dans une vallée, entre les sept collines qui dans le temps se trouvaient en ville [celle-ci étant alors plus vaste]. » (trad. Le Roy Ladurie 2000, p. 149-152)