GALLIA ROMANA

Corpus des textes et représentations
des antiquités gallo-romaines (XVe siècle - XVIIe siècle)

Notice

Ville Vers-Pont-du-Gard (Gard, 30)
Sujet(s) Pont du Gard
 
Auteur(s) Platter, Thomas II
  Médecin bâlois, frère cadet de Félix (1574-1628)
Support Manuscrit
Date 1596
Inscription
Références Platter A λ V, ff. 54, 67v°-69= Keiser 1968, p. 92, 111-113
Bibliographie

Keiser 1968 ; Le Roy Ladurie 1995 ; Le Roy Ladurie 2000 ; Provost 1999-2, p. 736 ; Lemerle 2005, p. 88-91

Remarques

Les passages en italique sont des ajouts de Platter postérieurs à la rédaction d’ensemble mise au point en 1604-1605. Le pont du Gard fut sans doute le monument gallo-romain le plus universellement admiré

Transcription 

« Es vermeinen auch ettlich, die überauß kunstreiche dreyfache bruck, Pont du Gard genennet, von deren nachmahlen gehandlet solle werden, seye zu disem endt gebauwen, daß man waßer von Uses durch ein heimblichen gang über dise bruck in disen fluß führen solte, damitt er so groß wurde, daß man auch zu der Römer zeiten hette kennen von dem meer biß in die damahlen gar verrümbte statt Nimes auf dem wasser die wahren führen, welches aber, wie viel erachten, niemahlen in daß werck ist gebracht worden ; oder daß wasser Le Vistre, welches von Nismes durch Aimargue in see laufet, schifreich zu machen. [...] [67v°] Unndt noch dem wier ettwan ein bügsenschutz auf der rechten handt dem waßer nach gangen sinndt, kamen wier zu der weitberümbten, uralten, überauß kunstlich erbauwenen dreyfachen bruck, Pont du Gard genennet, die also beschaffen :
Es sinndt drey brucken von mechtig großen quadertsteinen über einander gebauwen, ohn einigen kalch oder kitt, ligen die stein nur auf einanderen wie auch im schauwplatz zu Nismes, sinndt nicht geringer, ettwan auch zwelf schritt lang ein stuck. Die underste bruck, über die man auch gehet, ist mitt kißling steinen besetzet, zu beyden seiten aufgebauwen mitt quaderen, daß man nitt hinab falle, dann sonst wegen stetigen windts deßen gefahr [68] wehre, wie man dann saget, daß der windt einmahl roß unndt wagen überab in daß wasser gewehet solle haben. Dieselbige besetzte bruck ist 112 schritt lang unndt 8 schritt breit, hatt sechs bogen, durch die alle daß wasser, die Gard oder Gardon genant, fleüßt, wann es groß ist, sonst, so es in seinem rechten fluß, bleiben die drey nechsten bogen gegen Nismes trocken, aber bey den anderen solle es ein mechtige tieffe haben, daß man schier kein grundt finden kan. Dieser fluß laufet zwischen Avignon unndt Beaucaire in den Roddan, kompt auß dem gebirg Sevenes herauß. Ein yeder bogen von den understen ist 58 schu breit im werck, yedes ioch 18 schu dick; derowegen ist die weite, da daß wasser durchfleüßet, 438 schu. Unndt sinndt die understen bogen 83 schu hoch. Die weite oder höhe zwischen den understen bogen biß an die besetzte bruck ist 7 schu unndt 11 zoll.
Die andere unndt mittleste bruck hatt 11 bogen, ist ein yeder breit oder weit im werck 26 schritt oder 56 werckschu, unndt sinndt 11 joch, yedes 6 schritt oder 13 werckschu dick. [68v°] Die lenge diser mittleren bruck doriber man aber nitt gehen kann, ist 746 werckschu unndt ist 21 schu breit. Die bogen scheinen mechtig hoch, sinndt 67 werckschu in die höhe gebauwen. Zwischen den mittleren unndt obristen bogen ist die weite oder höhe 6 schu unndt 8 zoli. Die dritte unndt obriste bruck hatt 35 gantze bogen; sinndt ettliche yenseits der brucken gegen Avignon abgefallen, yeglicher ist 8 schritt odert 17 werckschu weit unndt ein yedes ioch 51/2 werckschu dick, also daß die obriste bruck 504 werckschu lang ist unndt 6 zoll, undt ist 6 werckschu hoch. Also daß die gantze bruck vom boden biß zu obrist 182 werckschu hoch ist, daruff ein (aquæductus) waßer canal, welcher noch 3 werckschu hoch ist, durch welchen man waßer gedeüchlet hatt, wiewol ettlich vermeinen, es seye niemahlen gar in daß werck gerichtet worden. Dann ob schon zu Uses, wie nachmahlen gemeldet werden soll, an ettlichen orten (aquæductus) wasser geng under der erden [69] auf die alte manier woll verkittet gefunden werden, so kan man doch kein continuation biß zur brucken merken, ist auch nirgendt nichts darvon aufgezeichnet.
Dieser öbrist canal ist mitt grossen, breiten quaderen bedecket unndt inwendig hol, daß man darinn gehen kan. Aber zu obrist, über den steinen, von einem berg zu dem anderen zegehen, ob sie schon 5 schu breit, ist ohn große gefahr unmöglich. Dann yeder zeitt in derselbigen höhe ein solcher grausamer windt zwischen den bergen gehet, daß nitt möglich wehre, sich zehalten, wie wier dann wegen desselbigen haben miessen auf allen vieren kriechen. Ehe ein stein, den ich vom canal in daß wasser geworfen, dasselbig berüret hatt, hab ich viertzig leichtlich gezellet.
Si liget zwischen zwen felsechtigen bergen, dahäro die underste, da die berg noch beysamen, viel kürtzer dann die obriste, weil sich die berg weit voneinanderen thundt, unndt sie aber beyde berühret, wie in bey ligendem meinem abriß deütlicher zesehen. Die besetzete bruck ist 112 schu lang, die mittleste bruck ist 746 werckschu lang, die obriste noch ettwas mehr halt: in die 804.
[69v°] Demnach wier die brucken woll besehen, gungen wier über die underste ettwan ein stundt dem waßer noch; als dann schlugen wier auf die lincke handt. »
= « Il y a encore d’autres opinions à ce propos [rôle de Lattes] et qui concernent le pont à triple étage qu’on aurait construit dans ce but, et qui nous est connu sous le nom de pont du Gard. De toute manière, nous en reparlerons plus tard. Le but de cette opération ‘pont du Gard’ aurait donc été de canaliser les eaux venues d’Uzès, en les faisant couler par-dessus ce pont, grâce à une conduite bien dissimiluée, et de [136] là jusqu’au fleuve. Et le fleuve en question, étant grossi de cette manière, aurait pu, au temps des Romains, porter les marchandises par voie d’eau depuis la mer jusque dans l’illustre ville de Nîmes. Mais la plupart des gens pensent que rien de ce genre n’a jamais été mis à exécution. Ou bien s’agissait-il en procédant de la sorte, de rendre navigable le cours d’eau du Vistre qui, par Aimargues, va de Nîmes jusqu’à l’étang ? […] Après Saint-Privat, nous avons longé la rivière à main droite sur une distance d’une portée d’arquebuse. Nous sommes arrivés à l’antiquissime et célèbre pont du Gard, admirablement construit à triple étage.
Voici en quoi il consiste : il comporte trois ponts bâtis en pierres de taille puissamment grandes, l’un sur l’autre, les unes sur les autres. Même structure, donc, qu’aux arènes nîmoises. Ni chaux ni ciment. Ces pierres-là ne sont pas moindres ! Chacune d’entre elles a environ douze pas de long. On traverse la rivière sur le pont d’en dessous. Il est pavé de galets caillouteux, avec deux parapets en pierre de taille, un de chaque côté pour qu’on ne puisse pas tomber : sinon le danger de chute serait tout à fait réel, à cause de la violence et de la persistance du vent. On raconte en effet qu’une rafale venteuse a fait basculer dans le vide un cheval et sa charrette, jusqu’à tomber dans la rivière. Ce ‘pont routier’ a 112 pas de long et 8 de large. Six arches le soutiennent; la rivière, qu’on appelle Gard ou Gardon, coule sous toutes les six, du moins lorsqu’elle est grosse ; en revanche, quand elle est dans son cours normal, les trois arches qui sont du côté de Nîmes demeurent à sec. Mais sous les trois autres l’eau coule très profonde, au point qu’on n’a pratiquement jamais pied ou peu s’en faut. Le Gardon descend de la montagne cévenole, et se jette dans le Rhône entre Avignon et Beaucaire. Chaque arche d’en bas mesure 58 pieds d’empattement ; et chaque pilier, 18 pieds d’épaisseur. La largeur du lit du Gard, susceptible d’être arrosé par le courant, est donc de 438 pieds. Ces arches d’en bas s’élèvent, d’autre part, à 83 pieds de hauteur. L’épaisseur de pierre qui s’intercale entre le sommet de ces arches et le niveau de la route charretière passant sur le pont du premier étage est de 7 pieds 11 pouces.
Le pont du milieu a onze arches, la largeur de chacune d’entre elles étant de 26 pas, autrement dit 56 pieds. Elles reposent sur onze piliers dont chacun est épais de 6 pas, autrement dit 13 pieds. On ne peut pas traverser le Gard sur ce pont intermédiaire, même pas pédestrement. Il a 746 pieds de long, et 21 de large. Les arches de cet espace intermédiaire semblent extrêmement élevées ; elles font, en hauteur, 67 pieds chacune. Entre ces arches de la partie médiane et celles du haut, l’épaisseur verticale de la paroi de pierre horizontale qui les sépare est de 6 pieds 8 pouces. Le troisième et dernier pont, celui d’en haut, possède encore trente-cinq arches en bon état, mais quelques autres au même niveau sont écroulées, du côté de l’ouvrage qui va vers Avignon. Chacune des arches encore en place a 8 pas de large, ce qui fait 17 pieds ; chaque pilier correspondant à 5,5 pieds d’épaisseur. Le pont supérieur lui-même fait 6 pieds d’épaisseur et, en longueur, 504 pieds 6 pouces [en fait, 804 pieds]. En conséquence, l’ensemble du pont du Gard, de la base au sommet, s’élève à 182 pieds de hauteur. Sur la crête de l’édifice est disposée une canalisation, en latin aquæductus. Elle a trois pieds de hauteur. On y a fait couler de l’eau dans le temps, quoique diverses personnes pensent que c’est faux et qu’en réalité aucun liquide ne s’est jamais écoulé dans le canal supérieur. Il est vrai qu’à Uzès, j’en reparlerai, on a trouvé en quelques endroits des conduites d’eau d’aqueduc souterraines bien cimentées à l’ancienne manière ; mais en fait on ne note aucun prolongement d’icelles jusqu’au pont du Gard et, qui plus est, rien de tout cela n’est répertorié ni dessiné nulle part.
Ce canal situé tout en haut de l’édifice est recouvert de dalles grandes et larges sous lesquelles il y a le vide de la canalisation ; en celle-ci, on peut se déplacer. Mais marcher sur la crête elle-même, sur les dalles, pour se rendre d’une rive à l’autre, c’est-à-dire d’un flanc de colline à l’autre, voilà qui est impossible, à moins d’accepter de courir de grands dangers. Et cela en dépit [158] du fait que cette allée de dalles a cinq pieds de large, pour le moins. Car en tout temps, à cette altitude, il y a un vent tellement violent qui souffle d’une berge à l’autre, ou plutôt d’une colline à l’autre ! On ne peut pas se tenir debout dans ces conditions. Nous dûmes donc faire la traversée en rampant à quatre pattes. J’ai jeté un caillou dans le Gardon depuis la crête ainsi canalisée. J’ai pu compter jusqu’à quarante, sans me presser, le temps qu’elle atteigne l’eau de la rivière.
Le pont du Gard joint deux collines rocheuses, d’une rive l’autre. De ce fait le pont inférieur, là où les deux collines sont presque à touche-touche, est beaucoup plus court que le pont d’en haut, à cause de l’écartement progressif entre ces hauteurs montueuses, au fur et à mesure qu’on progresse en altitude, cependant que le pont d’en haut persiste à les relier l’une à l’autre. Voyez l’esquisse que j’ai dessinée à ce propos, ci-jointe. La longueur du pont routier d’en bas est donc de 112 pieds. Celle du pont médian : 746 pieds. Le pont d’en haut est encore plus long : dans les 804 pieds.
Après avoir bien visité les divers étages du pont, nous avons traversé définitivement la rivière sur le pont routier d’en bas : tout cela nous a pris environ une heure; puis nous avons longé vers l’aval la rive gauche du Gard. » (trad. Le Roy Ladurie 2000, p. 135-136, 156-158)