GALLIA ROMANA

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Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence, 04)
Subject(s) Thermae
 
Author(s) Richard, Sébastien
  Physician (15..?- 16..?)
Resource type Printed book
Date 1619
Inscription
References Richard 1619, pp. 54-62
Bibliography Bérard 1997, p. 68
Remarks

Still little known, Richard's description is the oldest account of the now disappeared baths of the Roman town of Dinia. They were supplied by the famous springs of the 'Vallon des Eaux Chaudes'. The Roman system was still in use in the 19th century, but the baths were entirely demolished and rebuilt in the first half of the 20th century. The Chapel of Saint Gilles was demolished in the 1980s

Transcription 

« Leur assiete est au pied d’une montagne, dont la surface exposee au Sud, ne represente qu’un aspre rocher, en vn petit vallon que le torrent Aiguechaude occupe, à vn quart de lieuë de la ville seulement, qui par ce moyen les secourt abondamment de tout ce qui se peut desirer pour la vie, avec facilité, avec commodité. Leur structure ne m’empeschera pas tant à descrire, que ceux de la superbe antiquité, qui iadis n’espargna ny thresors, ny metaux, pour enrichir les siens, y employant tout ce que les plus ingenieux ont iamais sçeu faire, plus pour le luxe, pour fomenter ses delices, sa curiosité, son ambition, que pour autre chose. Sordidæ putabantur balneæ, nisi parietes pretiosis orbibus refulsissent, nisi Alexandrina marmora numidicis crustis fuissent distincta, nisi illis undique operosa, et in picturæ modum variata circumlitio fuisset prætexta, nisi vitro absconderetur camera, nisi Thasius lapis quondam rarum in templo spectacululum piscinas circumdedisset, nisi ex ære, vel cupro thermarum forent cancelli. Les nostres ne font point parade de ces vaines superfluitez : on y remarquera mille merveilles de la nature, de l’art point : l’œil n’y voit aucun [55] sujet d’estonnement : mais l’entendement y retreuve de quoy s’y perdre, qu’importe l’apparence, s’ils sont glorieux assez à la monstre des prodigieuses proprietez, & comme inexplicables contre les maladies que nous cotterons en son lieu ? Quid mihi cum pretiis si animus non fruatur optatis ? Ils ne possedent pas ceste estenduë des autres, dont parle en se mocquant vn docte Escriuain : Lauacra in modum prouinciarum extructas. Qu’on n’y recherche pas des colomnes, des colosses, des pyramides : On n’y verra non plus ny cornices, ny frises, ny traues, ny architraues, moins encor ces mouleures, ces encrousteures, diuersité de face, oppositions, diametres tant affectez autrepart, les vitres & lambris n’y sont point esmaillez ny taillez de couleurs. Non fulgent cameræ vario fastigia vitro. Le marbre, le jaspe, le porphyre, l’or, l’argent, & l’airain n’ont iamais seruy d’onement à leurs canaux, ny au pauement, comme chez Etruscus :
--- argento fœlix propellitur unda, argentoque cadit.
Fy de ces delices, marques de vanité, digne de l’estonnement & des risees encor du grand Senecque : Eo deliciarum venimus. Ut nisis gemmas calcare nolimus.
Il y a quatre seiours à remarquer, l’estuue, & [56] trois bains, de S. Iean, de S. Gilles, & celui des vertus.
L’estuue est à main gauche, à l’entree de l’ancien logis, en guise d’une cauerne, dont la voute rabouteuse & sans façon, n’a eu à la voir la main d’autre maçon que de la nature ; practiquee dans le roc la longueur de cinq toises, vne de largeur, vne & demie de hauteur à l’abbord : mais qui se va touiours abaissant iusques à la source de l’eau chaude, claire, tres-riche, & imitant en son cours celuy d’un ruisseau qui se va deschargeant dans le bain voisin de S. Iean ; reseruoir bien paué de belles & larges pierres, d’une forme comme triangulaire, long de deux toises & demye, auec deux degrez pour y entrer, & prenant son iour par vne fente du rocher qui le couure.
Apres s’estre grossy de ces eaux empruntees, il les iette dans le bain de Sainct Gilles, ou des pauures, situé beaucoup plus bas : mais auec telle violence, & par vn si large canal, qu’il imite en sa cheute, en son bruit vn torrent : la proportion de cestuy cy en est belle, ayant de quarré trois toises & demye, & vne & demye de hauteur : son paué de pierre de taille, & sa voute assez bien trauaillee, soustenuë de bonnes arcades. Il prend iour de son entree qui est touiours ouuerte, pour donner [57] chemin à l’hasle, fort chaud & sulfureux qu’il exhale, & d’un petit soupirail encor en dehors : remettant en fin ses eaux amassees par vn canal, dans le torrent voisin.
Plus bas à main gauche est le troisiesme bain, qu’à bon droict l’on nomme bain des Vertus, vouté par la nature, paué par la main de belles & larges pierres, dont ses quatre marches encor en sont faictes ; sa figure est aucunement en ouale, bien que platte en son fonds, où l’on a dressé vne muraille. Il est long de trois toises & demye, vne & demye de large, & de la hauteur d’un homme, quoy que son entree en ait moins. Il a sept sources toutes siennes : mais entre autres trois belles, & des plus riches, qui saillissent du rocher, l’une à main droicte à l’entree, l’autre au fonds du mesme costé, & la troisiesme à son opposite, en guise de claires fontaines, dont les eaux semblent aucunement plus douces au goust, (nommement de la premiere) plus grasses au toucher, & moins puissantes en chaleur que celles de l’estuue, quoy que les yeux, le poids, & la distilation, n’y puisse marquer vne difference remarquable, que la couleur des residences vn peu plus brune. Il a beaucoup plus de iour que les autres : Ses sources plus profondes amassent quelques boües onctueuses & grisastres ; deschargeant ses eaux dans le [58] torrent par vn conduict, que l’on ouure, & qu’on estouppe selon la quantité de l’eau qu’on veut dans le bain.
Conduict qui me fit vn iour aduiser d’une eau tres-pure, qui sortoit à costé, en beaucoup d’endroicts, & au trauers de certaines pierres entr’ouuertes : ie la treuuay froide, & l’ay touiours depuis remarqué en mesme estat, sans croistre ny decroistre : qui me fait croire qu’elle vient du rocher ; & partant, on y pourroit faire, voire à petit frais, vn bain delicieux, & d’un prix inestimable, pour des maladies, qui demandent le rafraischissement : le canal du bain des vertus donneroit le chaud, et ceste fontaine le froid, ainsi par ce meslange, on feroit vne loüable temperature : ce seroit à mon gré ; (sic) vne chose fort agreable, de voir le feu, & la glace si voisins ; mais bien utile, de ioüyr du fruict d’une telle composition, quand ce ne seroit que pour pour raffraischir, & fortifier le corps, que le bain praticqué auparauant a eschauffé, & aucunement affoibly, Ita refrigerantur innoxie quæ fuerant excalfacta, & vires firmantur : quæ vero rarefacta, et iusto plus laxata, ea in naturalem redeunt mediocritatem. Sage aduis de nostre Maistre.
Ce seroit imiter & surpasser en vertu le frigidaire des anciens, comme leur Hypocauste, & leur Baptystere encor, ne doiuent pas estre [59] comparez aux nostres ; ie veux dire à nostre estuue, & à nos bains, beaucoup plus doux, & plus puissans ; dont la chaleur vient bien d’une autre main, & d’autant plus admirable que la nature surmonte tout artifice : Tantum à communibus balneis salubrior inuenitur ; quantum humana industria celsior est natura. Ce n’est pas vn feu de bois, qui donne ceste chaleur ! Piece a que ses cendres seules l’eussent estouffé, Fornaces hîc, non robora coniecta succendunt, cessante flamma, ibi perpetuus calor operatur. Vne vapeur puante qu’une boulette empoissee & allumee donnoit à leur laconic, l’eschauffoit voirement, mais non-pas esgalement, --- ubi languidus ignis inerrat, & n’eusse on sçeu souffrir longuement cette odeur i[n]gratte, hic globi fumiferi nesciuntur, aura est purissima, quæ ministrat vapores, sudorésque prouocat, dulciter anhelos : L’exhalation qui s’esleue de l’eau courante le long de notre estuue a telle energie, qu’elle tire du cuir le plus reserré & condensé qu’il puisse estre, des sueurs si copieuses, que chasque partie paroist vne petite fontaine.
Ce sont ces bains qui n’ont pas en apparence, mais en effect à leur entrée, ces deux statues que les Romains logeoient aux frontispices de leur Æsculape & sa fille u(gei&a : Ce bain des vertus ne desment point le nom que l’an[60]tiquité luy a donné, ou dans peu de iours on n’oye souuent des maux que toutes les drogues du leuant ne sçauroient tant soit peu alleger en vn siecle entier, lauacra miraculis plena, salutis qualitate pretiosa, naturalibus ministeriis exhibentur. […]
Ioignant le bain à main droicte il y en a vn autre, que je tais, nommé de nostre Dame, seché maintenant. On rapporte la cause de ceste perte à certains perduz, qui oublieux de l’honnesteté tant requise en ces lieux, assouvirent leurs desirs immundes, & firent de ce sainct azyle d’infirmites, vne infame retraicte de leurs lubricités : dont le Ciel offensé ayma mieux lascher son courroux contre le lieu du delict, que contre les delinquans, plus doux en cela, qu’il ne fut autrefois, aux deux bains d’Apponne au terroir de Padouë […] [61] […] d’autres croyent, que ses eaux s’escoulent secrettement au proche bain. On voit encor force belles sources chaudes qui n’ont point d’usage, faute de soing : trois à l’entrée de l’ancien logis, de mesme nature que celle de l’estuue, qui sortent de divers, quoy que prochains endroicts, du pied de la roche : leurs eaux s’assemblent & se vont rendre en des fosses voisines pour servir de toise au chanure, employ trop vil à la verité d’vne chose si noble, si rare & chargée de si belles qualitez : outre que l’air en demeure infecté, & partant preiuduciable à ceux qui se baignent alors : aussi voit-on qu’aux bains bien ordonnez la defense en est tres-estroite.
[…] Plus haut le long du roc se voyent plusieurs sources, trois chaudes, de mesme qualité que celles du bain : & au mitan d’icelles vne froide qui sort à gros boüillons, & forme vn ruisseau de ses eaux qui participent seulement du nitre, & à moytie moins que les chaudes il n’y [62] a pas moyen à mon aduis de les recueillir pour les garentir du torrent, lors qu’il s’enfle, battant iusqu’au pied de la montagne.
Il y a vn ciment au dire de quelques vns, contre le fondement du logis, mis à ce dessein pour le defendre du rauage, cyment à l’antique, faict de briques, & petits cailloux extremement dur & ferme, mais ie le crois plustost vn rocher naturel, l’art ne pouuant à mon aduis imiter vne telle dureté, ny pareil assemblage. […]
Tout au deuant on a basty vne petite chapelle à l’honneur de S. Gilles, qui auoit habité ces contrées, & qui retiré du monde, & ayant dit à Dieu aux vanitez, prenoit pour retraicte les antres voisins, mesmement vers Antrages, d’où ie crois le lieu estre ainsi appellé, comme qui diroit antra gilis ; ainsi de tout temps on a visité les eaux minerales, auec beaucoup de religion, & en a on vsé sous la faueur de quelque Sainct »….