GALLIA ROMANA

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Of Gallo-Roman antiquities (15th-17th centuries)

Notice

Ville Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire, 71)
Subject(s) Thermae
 
Author(s) Aubery, Jean
  Physician and writer (1569-after 1622)
Resource type Printed book
Date 1604
Inscription
References Aubery 1604, ff. 25, 26v°-43, 46v°-48v°, 53, 54v°-56v°
Bibliography

Bonnard 1908, pp. 438-439 ; Rebourg 1994-1, pp. 82-84 ; Lemerle 2005, pp. 116, 118-119

Remarks

The springs which supplied the baths were aligned parallel to a vertical rock face, fifteen metres high, which the Romans had created by cutting away the hillside in order to facilitate the capture of the springs. Aubéry describes here the system, still visible in his time. He was cited by Banc regarding the size of the baths

Transcription 

« mais les [bains les] plus somptueux & entiers tant en leurs sources, & Canaux qu’en leur structure, & merueilles de leurs effects sont les Bains de Bourbon [Bourbon-Lancy et Bourbon-l’Archambault], dignes suiects d’vne recerche plus industrieuse que la mienne, ne les voulant separer puis que mesme nom les honore, & mesme sceptre les vnit, mais seulement en faueur de l’ordre & de l’Ancienneté. Ie commenceray par la situation & structure des Bains de Bourbon Lancy […]. […] [26v°] Et plus bas au mesme niueau du costé de Loyre le bourg Sainct Martin (iadis vne tres-belle Ville) aux enuirons duquel se treuuent tous les iours en fouyant dans les vignes des medailles, & des ruynes de vieilles murailles, des grandes briques la plus part figureés (sic), des marbres antiques en table, colonnes, cornices entablemens, frises & architraues, & entre autres vn chapeau de colonne d’ordre coynthien (sic) enrichi de feuillages & plusieurs autres fragmens, comme testes, bras & iambes de statües de marbre que i’ay recueilli pour echantillons de l’antiquité. En la descente desdicts bourgs Sainct Martin & S. Lazare tirant vers le leuant, se voit vn grand chemin encore remarquable par neuf ou dix grandes pierres de taille posees a plat qui sont comme vn portal de ville, & vne muraille à chaque costé du chemin qui reste encores nonobstant sa ruine, de deux pieds hors de terre, descendant enuiron deux cents pas, & formant le chemin, par lequel les anciens se conduisoient aux Bains : du costé de [27] mydy tout proche des Bains s’eleue vne spatieuse colline, iadis orgueilleuse en palais, pour les commoditez & delices des Bains, les marbres, les iaspes, les pauemens à la Musaique, les cymens marbrez qui si treuuent en fouyant & pandant les rauages des pluyes la quantité d’ærin & de plomb fondu qui roule auec l’eau, & vne inestimable foison de petites pierres de diuerses tailles, & couleurs azurees, pourprees, iaunes, vertes, noires & blanches, quarrees, pour la plus part, les vnes plus transparantes que les autres, qui seruoient d’assortissement aux figures qu’ils representoient en leurs paués, voutes, & enceintes, lesquelles ie crois auoir esté ruinees par vn embrazement plustost que par autre decadance, l’ærin & plomb fondu me le font ainsi croire ; ces Confins posez pour nous faire voye dans le Cyrcque de gloire & l’asyle des infirmitez, ou flottent nos Bains, ou l’Art & la Nature se sont deffiez tant en leur situation, structure, materiaux, que pour les qualitez des sources eternelles, & viuifiantes autant delicieuses que salutaires ; Et parce que la plus part est comblee dans ses ruines, & l’autre est cachee sous les maisons voisines ou par vne secrette & malicieuse intelligence, personne n’ayant esté authorisé en ceste tant vtile recherché (sic) ces thresors demeurent enseuelis, & crains que le temps ayant pour complice la meschanseté & negligence des hommes n’en abysme la me[27v°]moire : Ie descriray seulement ce que i’ay veu, ce que l’on peut voir encore & ce que les apparances & vestiges me font coniecturer : la situation des Bains est vn lieu bas & du costé qu’ils participent du leuant & du midy, y a vn grand Rocher depouillé de la hauteur de cinq à six toises & de la longueur de quelque cent pas ou plus tirant d’vn bout à vn autre. A l’vn des bouts du Rocher du costé du leuant vne toise plus bas que l’aire ou paué qui est à present est la grande source d’eau chaude des Bains, sortant dudict Rocher, sous vne caue d’vne maison appellee Millet. C’este (sic) eaue de la grosseur de la cuisse d’vn homme, tombe dans vn bassin de pierre de taille bien cymanté, & reuestu de marbre par le dedans, & couuert d’autres pierres de tailles, la figure de ce bassin est ronde, sa hauteur de deux pieds & sa largeur de trois & demi : à vn endroit dudict bassin du costé qui regarde le midy, il y a vn canal de terre cuitte tout rond d’vn pied de rondeur sur touts endroicts, lequel par le dedans est remply d’vn canal de plomb de l’epesseur d’vn doit, & à (sic) ledict canal de longueur plus de soixante pas qui s’estend le long du Rocher, duquel il est distant d’vne toise : ce canal est enueloppé & entorné comme d’vn estuy d’vne grosse muraille faicte à moullons de chaux & sable de six pieds d’epesseur, & d’hauteur en tout quarré pour empescher tout ce qui pourroit offencer ce canal contenu en icelle. Entre ceste muraille & le Ro[28]cher il y a vn canal de pierre de taille de l’hauteur susdicte pour receuoir les eaux pluuiales & autres immondices, qui tombent du Rocher & s’ecoulent autre part que dans les Bains. Dans le premier canal de plomb reuestu de terre cuitte y a sept autres tuyaux de plomb, sortants de ce rocher, qui distribuent à sept fontaines qui sont au dessus. […] La premiere & principale des fontaines nommee du vulgaire, le Limbe, distant de la premiere source de trente cinq pieds, du costé du couchant, delaissant la grande source vers le leuant, c’est vn grand puys rond de trente quatre pieds de tour, & de diametre vnze pieds quatre pouces en œuure, par le dedans circui (sic) d’vne mariielle (sic) de marbre blanc, au dehors entourée enuiron trois pieds d’vn fort cyment de plusieurs pieces de marbre diuers en couleur, enchassé dans le cyments (sic) & faisant croute par-dessus de semblable composition & couleur que sont les colonnes de sainct Pierre à Rome, releuees par le Pape Xiste cinquiesme : ceste premiere marijelle de marbre blanc est hors de terre d’vn grand pied & autant en large [28v°] ayant par le dessus des trous qui sont marque de barreaux de fer posez anciennement, comme gardes tout autour, ou d’vn treillis, duquel ce puys estoit couuert, de mesme que ceux de Bourbon l’Archambaud, vn pied plus bas que c’est (sic) anneau de marbre, par dedans le puys y a vne autre fausse marijelle aussi de marbre blanc, qui depuis peu du costé de Septantrion s’est comme entr’ouuerte de sa liaison, & menace ruine : elle est plus estroitte en rondeur que la susdicte, & aduance plus par dedans le puys estant consolee & supportee par le dessous de grandes pieces de marbre blanc droittes & fondees sur de grosses pierres non taillees, & iectees en fonds, comme pierres perdües : on tient ce puys auoir esté anciennement paué de marbre, qui estoit à fleur ras, entre les dictes pierres perdües & les consoles le paué percé en diuers lieux, & comme l’eau descendant du Canal de plomb qui la conduict au puis par le dessous du paué n’a moyen de prendre son cours ailleurs, ny refluer, force par la perpetuelle continuité de sa source plus haulte que le fonds du puys, ainsi pressee se souleue en bouillons qui se rompent & disparoissent sur l’eau, laquelle par deux ouuertures à fleur ras de la marijelle plus haute, par vn canal rez de terre faict de pierre de taille & de cyment est portee dans le lauoir, ou Bain, que ie nomme Royal. La vuidange de ce puys se faict par vn gros canal de plomb, qui pisse tout à trauers sous le paué du Bain Royal, & fera [29] desgorger à fleur de terre, dans l’ouuerture qui vuide ledict Bain, ce canal est estouppé d’vne quantité de ceruse & autres immondices qui s’y sont engendrées.
Entre la maistresse source, & ce grand puys y a vne petite fontaine qui reçoit peu d’eau de la source principale, laquelle ayant fourny l’eau necessaire aux autres fontaines, fait refluer le reste en la superficie qui se conduit en icelle fontaine, faicte en voute, pauée de brique & de cyment, ayant vn pied & demy de large, & de profondeur demy pied d’eau, qui flue par vn canal de pierre de taille cymanté, partie se meslant auec le canal du grand puis, & l’autre se conduisant iusques à la premiere niche, de laquelle elle tombe dans le Bain Royal, ceste fontaine est distante de la source principale du puys de douze pieds, & du rocher vingt-huict. En continuant le long du rocher se presente vne autre fontaine, dicte Sainct Legier, en forme d’vn puys, dont la structure est tres belle, d’vne seule grande pierre de taille, en figure Hexagone où à six pans, posée sur vn quarré de pierres de taille, & le fonds d’icelle, paué, percé par le milieu, d’où s’esleue l’eau qui la remplit. Que s’’il aduient que par des immondices ce trou soit estouppé, l’eau s’escoule par les ioinctes dudict quarré, aucunement entr’ouuertes : du costé du rocher & du leuant, ie me suis peiné de la faire espuiser à bras, mais estant paruenu au quarré, l’eau se renforça tellement par le fonds & les ioinctes qu’elle [29v°] m’osta la veue du fonds que ie touchay. Le dessus de ceste grande pierre à six pans qui faict la capacité de ceste fontaine, est couronné d’vne cornice de marbre blanc, de demy pied de large, posée sur le cyment & attachée de grands cloux de cuyure qui se voyent encore, & de la en haut vers son comble, s’arrondit en voute, autrefois toute reuestuë de marbre : ceste fontaine contient en rondeur par le dedans deux pieds & demy en haulteur depuis le quarré iusques à la voute de cinq à six pieds, l’eau qui y entre vient du mesme canal que celle du puys par vn canal de plomb qui s’ouure par le dessous de son paué percé : à fleur de terre est vn canal de pierre de taille & de cyment qui conduit son eau au Bain Royal, & par le costé qui regarde le Midy, au fonds vn autre canal de plomb qui luy est commun & à la fontaine plus proche, par lequel leurs eaux se rendent communes, lors que le canal qui vient de la source est empesché, ou celuy qui porte leur eau au Bain Royal, & pour se vuyder & nettoyer, par la descharge de son eau dans l’autre qui la suyt : pour n’estre ennuyeux de redire souuent mesme chose, & preuuer la communauté des canaux de ces fontaines, ie diray ce que i’ay veu : si l’vn des esgoux qui sont aux niches du Bain Royal, cesse rendre l’eau de sa fontaine, l’esgout plus proche la reçoit, & double par ceste nouuelle affluance la quantité de son eau, que s’il eschet que la fontaine prenne sa quotité d’eau ordonnée de la source & que le passage de [30] son canal soit libre au cours de son eau dans le Bain Royal, elle la retire à soy, & fluë par l’esgoust de sa niche, ainsi que la commune confusion des Optiques, qui meslent leurs esprits par l’vnion de leurs moëlles poreuses […].
En suyte se rencontre vers le Midy vne quatriesme fontaine, de mesme forme, structure, profondeur, & largeur, faite de pierre de taille, en rondeur comme vn puys, auec son quarré en fonds, son paué de pierre de taille percé comme dessus, deux canaux de plomb, tous deux regardant le Midy, l’vn pour communiquer son eau à la fontaine qui là (sic) suyt, & l’autre pour se vuyder auec les deux fontaines qui la costoient, & se vont rendre dans vn canal de pierre duquel nous parlerons, ell’a (sic) aussi son canal de pierre & de cyment rez de terre qui conduit son eau au Bain Royal, les vestiges paroissent qu’elle a autrefois esté encroustée de marbre, sa voute est de moulons. […] [30v°]
En mesme ligne & distance des deux susdictes fontaines, se faict voir vne cinquiesme fontaine, de mesme forme, haulteur, profondeur & enrichissement que les deux precedantes, auec son quarré en fonds, ses deux canaux de plomb, l’vn qui porte l’eau du canal de dessus, & luy despart sous son paué percé, mais moins chaude, pour quelque portion d’eau pluuiale qui s’y mesle, se coulant à trauers quelque ioinctes relaschées par caducité : l’autre tuyau de plomb la vuyde, s’allant ioindre aux autres, qui de mesme mettent à sec les deux precedantes fontaines, & toutes trois deschargent leur eau dans vn canal de pierre de taille, de la haulteur d’vn homme & de la largeur d’vn pied & demy : & trauersant vers le Midy, ayant receu les eaux des susdites trois fontaines, vn pas ou deux plus bas recueille du costé du rocher les eaux pluuiales, par vn echenal de pierre, & continuant vers le Midy va ramasser les esgoux & descharges des deux fontaines plus basses : ceste fontaine a de mesme à fleur de terre son canal de pierre & de cyment qui conduit l’eau au Bain Royal, ell’a (sic) mesme distance du rocher & de la precedante, que les deux autres.
Passant outre tout au long du mesme rocher vers le Midy se presente vne tresbelle & grande fontaine, nommée de la liberale reparation [31] faicte en icelle, par Louyse de Lorraine Royne de France, fontaine de la Royne, sa figure est quarrée de six pieds en quarreure, sur chacun sens, faicte de pierre de taille, pauée au fonds d’vn paué de marbre gris, aucunement ruiné, percé aux quatre coings & au milieu dudit paué, voutée à la moderne : ceste fontaine reçoit la sixiesme portion de l’eau de la source principale qui s’espanche le long du Rocher : l’eau de ceste fontaine ruisselle par vn canal de pierre & de cyment dans vne petite Auge de pierre de taille toute descouuerte, & de là va tomber au Bain Royal, se pouuant ladicte eau destourner ailleurs vers les estuues & y conduire ses eaux, ou pour se nettoyer, & ce par deux gros canaux de plomb qui sont couchez à son fonds du costé des anciennes estuues, & se desgorgent dans vn canal de pierre de taille, de la hauteur de cinq pieds & large de deux, regardant le rocher par l’vne de ses extremitez, & de l’autre trauersant, reçoit les eaux du canal qui vuyde les trois fontaines susdictes & les eaux pluuiales, & va aboutir à la grande vuidange des Bains : Plus outre vers le Midy, & à deux ou trois pas proche de la fontaine de la Royne y a vne source d’eau chaude maintenant couuerte, autrefois remarquée iecter autant d’eau qu’aucune autre qui y soit, laquelle on croit n’auoir le cours & département de son eau au Bain Royal : Ie prendray occasion par ceste ruyne d’aduertir le Lecteur d’vn doubte que [31v°] i’ay, (authorisé toutefois de coniectures qui s’ensuyuent,) qu’il y a en ces endroits quelque autre source chaude que la premiere qui se distribuë aux fontaines susdites, ou qu’à l’extremité de ce canal de terre cuitte ayant apané (sic) les sept fontaines, qu’il y a encore vn canal, lequel passant par-dessus la fontaine de la Royne, & costoyant ces deux qui la vuydent, ensemble portent leurs eaux ailleurs que dans le Bain Royal, & ce vers les estuues : ces deux canaux de plomb qui se ioignent & qui sont comme deux couleurines, qui veritablement deschargent la fontaine de la Royne dans le canal de pierre susdict, mais les voir si gros & si capables, n’auoir autre vsage, auquel vn d’eux, voire vn moindre beaucoup suffiroit, outre ce le peu d’eau que la fontaine de la Royne contribuë au Bain Royal, pour en auoir quantité, l’insupportable chaleur qui se ressent de l’eau de ces deux canaux de plomb, qui flancquent droict à droict les estuues presumées, & puis ceste septiesme fontaine qui despart son eau ailleurs qu’au Bain Royal, entretient dauantage mon doubte, pour l’employ de ces eaux : qui plus est deux grands canaux de pierre de taille d’vn pied & demy en quarré, que i’ay soigneusement consideré conduire quantité d’eau fort chaude, dans le canal de la Vuidange des Bains : ces eaux chaudes ne prouiennent des fontaines d’escrites (sic), d’autant que les canaux qui les deschargent sont tous bouchez, & les fontaines tousiours plaines d’eau, laquelle à mesure qu’elle est receuë par elles aussi tost la mesme [32] quantité est enuoyée par leurs canaux de pierre & de cyment dans le Bain Royal.
Av dessous de ces merueilleuses fontaines en distance enuiron de cinq à six pas, se releue le Bain Royal, en forme ronde, lequel vnissant deux aspects, & rassemblant deux hemispheres i’ay nommé Amphitheatre semblable aux arenes de Nismes, & aux antiques Piscines, tant Iudaïques que Romaines : sa Structure est si merueilleuse en ses materiaux, quelle est incertaine & presque incomprehensible à nostre siecle, toute cette ronde enceinte est construicte de grandes pierres de taille, quelques vnes naturelles, la plus grand part fusiles & materielles recognuës par Martial.
Non silice duro TRVCTILI-VE CÆMENTO. [marge gauche : Epig. 9, l] Ces pierres sont posées par diuerses assiettes, en trauers, en long, d’autres toutes droittes, liées non auec chaux, mais auec cyment & cramponnées de fer, ayant six pieds d’espesseur tout autour : Les choses du monde [32v°] n’estant que le ioüet & la proye du temps, nous ayant rauy l’inuention des pierres fusiles me portent à vn doubte, scauoir si la structure de cest Amphitheatre est de seules grandes pierres de tailles, ou bien fonduës dictes fusiles & cymentaires : de moy ie consens à l’opinion de ceux qui ont la cognoissance des materiaux, dont les anciens bastissoient à l’eternité leurs Amphitheatres, aque-ducs, & arcs triomphaux, & qui iugent l’enceincte de nostre Bain de pareille estoffe : & pour n’estre trop facile au dire de tels Pythagores, ie fortifieray leur party par demonstration & experience : qui ne iugera ceste masse de pierre qui est au deuant la maison des Bains n’estre vn rocher naturel ? Si toutesfois on met vne portion d’iceluy dans la forge d’vn mareschal, en peu de temps on la verra rougir & estinceler, comme vn fer ardant, toute transparante, & par l’arrousement d’vn peu d’eau se reduire & escouler en cendres, dauantage si on remarque la diuersité des parties qui se voient en ceste pierre, ouuerte & rompüe de petits scrupules, des cailloux ronds, longs, enchassez, des apparences de brique & d’ardoise pilées, paistries & liées par vn artifice que i’ignore : de sorte que si ce rocher est pierre fusile & vn reste de materiaux de nostre Amphitheatre, bien recognu pour auoir ésté fondu & artificieusement destrempé & desseché : que deuons nous estimer de ces grands quartiers tailléz à fantaisie, qui font l’enceincte du [33] Bain Royal ont-ils plus de durté & de liaison que ce rocher artificiel ? & puis est-il vray semblable que les Romains maistres& souuerains de toutes choses, qui auoient tant trauaillé pour la decoration de ces Bains, qui par leur puissance & industrie planoient les monts & montaignoient les plaines, perçoient les montaignes, tailloient les roches, eussent laissé au front de leurs Bains cest empeschement, & l’importune deformité de ce petit rocher en vne belle & spacieuse place ? Mais i’ose bien dire, presumant leur ambitieux desseing, qu’ils ont plustost laissé ce roc fusile & artificiel pour vn cartel de défy, ou surprise de la posterité, comme vn rideau de Parrhase ou les trompeurs raisins de Zeuze. Dans l’espesseur de la muraille de nostre Bain Royal, du costé du Couchant, ou du Bain public, six pieds plus haut que le paué du Bain, il y a vn gros canal de cyment plus de demy pied en rondeur, qui reçoit l’eau du grand puys, quand on la veut destourner du Bain Royal, & se conduit tout le long de la moitié dudict Bain iusques à la niche par laquelle la vuidange du Bain se faict, & passant dans ce canal de cyment, distribue son eau dans le Bain public par des ouuertures qui respondent au milieu des sieges de ce Bain : & encore plus haut vers l’autel ou pied d’estail, sur lequel la statuë estoit posée & dont nous parlerons en son lieu : ce canal de cyment se voit manifestement ; mais vn peu rompu par le dedans du Bain [33v°] Royal, ou l’on n’est si tost destendu, que l’on voit douze grandes niches, arrangées par esgale distance & proportion d’enfondremens, anciennement nommées SYGMATA ou SOLIA, [marge gauche : Sydonius] & de nous sieges & niches, differentes de couuert, de marches, & d’vsage, les six qui costoyent les fontaines sont voutées par-dessus, celles qui leur sont opposées à face sont quarrées, les premieres n’ont que deux marches, l’vne est commune, qui joinct le paué du Bain, & va tout autour d’iceluy, ayant vn petit pied de hauteur : l’autre plus haute d’vn pied & demy, n’a que deux places, la troisiesme est occupée au dessus par vn esgout, les autres niches ont trois marches, leur premiere est la mesme qui enceinct le Bain à fleur de son paué, & deux autres encore par-dessus assez capables pour seoir trois personnes : l’vsage des premieres niches est double, l’vn commun à elles & aux autres, de seruir de sieges & de retraictes aux baigneurs fatiguez de la nage, ou importunez de la chaleur de l’eau ou de la sueur, pour là se rafraischir & se reposer. […]
L’autre, qui leur est particulier pour receuoir l’eau des fontaines, qui par vn échenal de pierre fusile aduancé d’vn demy pied, tombe dans le Bain, & se respand sur telles parties du corps qu’il plaist aux baigneurs assis : des niches qui ont cest vsage la plus haute qui est du costé de la maison des Bains, est pour le [34] present à sec, & n’a aucune voiture d’eau, autrefois comme ie pense dediée pour receuoir l’eau du grand puys, mais son canal est bouché : presque à mesme niveau de son esgout, tirant vers le Leuant se voit tout à trauers de l’enceincte du Bain vn gros trou, qui vomit l’eau qui luy a esté enuoyée du grand puys, & vne portion de celle de la petite fontaine : par l’autre niche qui suyt du costé des fontaines, est versée l’autre portion de l’eau de la susdite petite fontaine, & toute celle de la fontaine Sainct Legier : les trois inferieures niches respandent par les esgouts, les eaux des trois fontaines qui s’entresuyuent, la septiesme fontaine atterrée n’ayant aucun commerce auec le Bain Royal : Continuant la suitte de ces niches, ayant outrepassé celle qui sert de descente au Bain des pauures (qui est vn quart du bain Royal) se recognoist celle par laquelle le Bain se vuide par deux endroicts du costé du Midy, l’vn qui est comme vne bonde à fleur du paué d’vn pied de large, & d’vn demy pied de hauteur, & trois pieds plus haut en la mesme niche, presque de mesme forme & dimention que le sousdict est l’autre deschargeoit tousiours ouuert pour esconduire les immondices qui se peuuent concréer sur la superficie de l’eau du Bain, ou de la crasse des baigneurs, & pour garder vne tousiours esgale quantité d’eau pour ceux qui se baignent, laquelle ayant plusieurs fois faict vuider, pour mieux considerer la structure, les degrez, & [34v°] la dimention des niches, tandis que l’on nettoyoit l[e]s murailles & le paué du Bain, ie les remarquay construictes de cyment autrefois encrouté de marbres blanc, gris, & serpentin comme encore, plusieurs fragmens de ces marbres adherans au cyment le tesmoignent : la marche ou plustost le sousbassement qui est relevé d’vn petit pied en quarré à fleur du paué, & qui rassemble & circuit les deux hemispheres de l’Amphitheatre, est de mesme estoffe que le paué, reuestu de tables de marbre blanc assez remarquables en plusieurs endroicts, & de mesme aux autres marches & sieges qui sont dans la capacité des niches, tout le reste de la muraille, & le fonds des niches est de pierre fusile, couuerte de cyment rougeatre, & ce cyment encrouté de marbres colez sur iceluy, & gramponnez à cloux de cuiure de la longueur d’vn demy-pied ou plus, d’autres plus petits tous fichez dans le cyment, auquel encore paroissent les vestiges : en plusieurs lieux, les marbres estoient attachez par cheuilles de marbre noir & gris, semblables aux pierres Lynx ou Iudaïques, desquelles i’ay veu plusieurs pieces, & des cloux de cuiure & d’érin entiers : la quantité de corniches, de traues, frises, architraues de marbre, iaspe & porphire de plusieurs couleurs differentes : qui se sont trouuées dans les ruines, font croire auoir iadis esté des enrichissemens, qui par certaines & proportionnées distances, embellissoient ceste enceincte [35] & remplissoient de plusieurs cernes, le vuide des encrouteures de marbre blanc, de sorte que, & la diuersité de ces ornemens, & la varieté de leurs formes & couleurs, pouuoient contenter & arrester la penséje & les yeux des baigneurs, pour ne se lasser du profit que receuoit leur santé par le Bain, & au lieu de ces marbres anciens tant dehors que dedans, ledit Bain en plusieurs lieux, pour marques de la santé de ces eaux, & pour enseignes de la vie qu’elles meliorent & prolongent, dans les ioinctes des cyments croist ceste souueraine plante Saluia vita, conseruant le teinct de sa verdeur au hale de ces vapeurs souphrées […]
Au plus haut de l’enceincte, se voit vne grosse cornice de marbre blanc, en forme de couronnement, & surtout dessus paroissent des enseignes de la continuation d’vne ancienne & riche voute, couuerte au sommet en dome, enrichie de lozenges de porphyre & de iaspe de bijarres couleurs, comme il s’en trouue appliquées par compartimens : ladicte voute fenestrée en plusieurs lieux, qu’ils appelloient Lata specularia & vitreamina [marge droite : Vitruve], qui s’ouuroient pour la libre exhalation des vapeurs du Bain, [35v°] pour l’entrée & reception du Soleil au Bain, & pour le contentement de voir l’agreable horison d’autour, la diuersité des bois & les croupes des montaignes des enuirons, & se fermoient en hyuer en temps pluuieux ou venteux, les ouuertures d’en-haut respondant aux niches d’en-bas, auec continuation et suitte des enrichissemens susdits, selon l’attestation que leurs ruines & fragmens nous donnent : ce magnifique Amphitheatre, ou Bain Royal, a de hauteur depuis le paué iusques au dessus bordé de la grande cornice, quinze grands pieds, de rondeur vingt & trois toises, de largeur onze toises, ses niches de douze à treize pieds de hauteur, de six en largeur, & de quatre pieds de profondeur d’eau lors qu’elle est en son plain. Ioignant le Bain Royal du costé du Couchant, s’est depuis peu descouuert vn autre grand Bain appelé par Philander sur Vitruue. Publicum fubdiale lauacrum quod amplè patet ac plus quingentorum hominum est capax (ceste estendüe est bien apparente, mais les confins de Philander sont suspects) nous le nommons Bain Public, son plan est aucunement quarré, on le dit de douze toises de largeur, & de neuf de longueur, sa capacité est de comprendre en soy ou en ces sieges qui l’environnent & trauersent, cinq cens hommes, la structure n’est moindre en estoffe, que celle du Bain Royal, la figure duquel, l’esleuation de son enceincte, l’enfondrement couuert de ses niches, & de son dome, apportent [36] la difference l’enceincte de ce grand Bain est enuiron de cinq pieds de hauteur, & de deux pieds de largeur, de pierre de taille & de gré reuestües par le dedans de marbre blanc, & enrichies de corniches à fleurs d’haire & de terre, & son paué esgal à l’autre : du costé du Bain Royal paroissent six grands sieges à trois marches, toutes de cyment, & reuestües de marbre blanc, faisant le reuers des niches du Bain Royal, cinq ou six pieds en haut du paué : au dessus de chacun des sieges estoit conduite l’eau du grand puys, par le canal de cyment sus-mentionné, enchassé dans la muraille du Bain Royal, & encore plus haut vers la Ville vn canal de la mesme eau qui tomboit dans le grand Bain, au milieu d’vn petit hemisphere sur vn autel ou pied d’estail, sur lequel anciennement estoit posée vne Statüe de marbre blanc de deux folastres Baigneurs : deux ou trois pas plus bas vers Midy s’est encores descouuert vne Auge dicte anciennement Labrum, couchée & mastiquée sur vne muraille trauersante le grand Bain, haute de quatre pieds, ceste Auge est toute de marbre blanc, longue de quatre pieds, & large de deux, profonde plus d’vn pied & demy. Ce Bain public est ainsi que les Bains de Neris trauersé de plusieurs murailles de pierres de taille, encroustées de marbre par le dessus, & de chaque costé releuées de marches, aussi couuertes de marbres, & ces murailles à fleur du paué sont ouuertes, pour se communiquer [36v°] les eaux chaudes, lesquelles ie n’ay encore recognu venir dans ce Bain public d’ailleurs que du canal de cyment, estuyé dans la muraille du Bain Royal, laquelle il respand, comme i’ay dit, sur l’autel, & sur les six niches du Bain public. I’ay bien remarqué vn canal de plomb, gros comme la cuisse, qui vient du costé du Leuant, regardant la fontaine de la Royne, lequel passoit autrefois sur le grand canal de la vuidange des Bains, & se voit encore souz le pressoir du sieur Robert, qui conduisoit l’eau chaude ou dans le Bain public, ou dans quelque estuue, comme ie diray cy apres : vers le Septentrion vis-à-vis l’Eglise sainct Legier s’est trouué vn canal de cyment tout reuestu de marbre blanc, ayant vn pied de hauteur & demy pied de largeur, couché sur le paué du Bain public, lequel ie croy trauerser tout ledict Bain vers le Midy : en nostre recherche ce canal ayant esté ouuert, on le trouua plein de limon & d’eau tresfroide la plus claire qu’il est possible, & suaue au boire : & du mesme costé trois toises plus bas, s’aduance vn gros tuyau de plomb de la grosseur du genouil, qui iecte aussi de l’eau froide sur trois ou quatre marches de cyment : tout ce grand Bain se vuide & nettoye par deux endroicts, tous deux du costé du Midy, l’vn qui est le plus haut ioignant le Bain Royal à fleur de paué en forme d’vne ecluse, ne meslant son eau dez la sortie auec celle du Bain Royal, mais huict ou dix pas plus auant du costé du Couchant, ayant en ceste estandüe son canal separé d’vne grosse muraille [37] de celuy de la vuidange commune ou apres il se va rendre & y mesler son eau : le dessus de ces deux grans canaux est couuert de cyment rouge, auec des tables de marbre entre les deux cyments pour l’affermir d’auantage, l’autre canal qui vuide le grand Bain, est vers l’encoingneure du mesme costé du Bain, & ce canal est faict de grandes pierres de taille, ayant en quarreure vn grand pied & demy posé à fleur du paué, & conduit son eau sous le cymetiere, & le iardin du sieur Robert, dans le grand canal de la vuidange generale. Aupres la muraille du Bain public du costé du couchant ou est apresant le grand four, on a faict rencontre d’vn autre Bain, que l’on presume fort grand & capable, duquel les marches sont de cyment rouge, auec deux gros canaux de plomb, atterrés sous le four, & les maisons voisines, au detriment de la santé publique, & nulle vtilité particuliere : plus haut que le Bain Royal vers le midy, & aux enuirons la fontaine de la Royne, il y a vn grand espace comblé de ruines, ou l’on croit les estuues auoir esté, & que les deux canaux de plomb qui vuident l’eau de la fontaine de la Royne, & la septieme fontaine, & autres sources proches de ( (sic) la soupçonnées par moy pour les raisons plus haut alleguees) fornissoient l’eau pour echauffer les estuues, osant asseurer (par la franchise & fidelite deuë à ma profession) que ces Mazures les atterrent : l’employ de tant d’eaux chaudes, qui n’entrent dans les Bains, & qui se [37v°] vuident par ces deux grands canaux de pierre de taille de ce mesme costé dans la vuidange des Bains, ayant serui aux estuues ioignant desquelles vers le couchant il y a vn petit Bain quarré enuiron de deux toises tout encrouté de marbre blanc auec vn canal de plomb, qui entre en iceluy ; & si l’on ma dit que proche ce Bain se sont descouuerts plusieurs petits quarrés fort riches en materiaux en forme de sieges, propres pour les estuues : ceste ruine est plus preiudiciable qu’aucune qui soit nous retranchant la plus douce partie du Bain.
Le grand canal de la vuidange des Bains, est du tout merueilleux en sa structure, en ses sinuositez, en la reception de diuers canaux, & en son estandüe, & d’autant que peu de personnes abordent ces merueilles pour y vouloir entrer, à raison de l’importune vapeur qui y couue n’estant euenté comme il souloit autrefois par les soupiraux qui sont comblez, pour l’auoir plusieurs fois visitté depuis son commancement iusques aux ouuertures qui sont vers les prez appellée par le vulgaire les rotonditez bien qu’improprement, ie me seruiray toutefois de ce mot pour confin, & ayant curieusement consideré auec des flambeaux les particularitez les plus cachées, ie puis hardiment & veritablement attester n’auoir veu chose si industrieuse, & si magnifique pour l’vsage auquel il estoit construit, la structure est toute de quartiers de pierre de taille lesquels sont de chaque costé de [38] tant plus longs & larges, que l’on continüe auant son chemin, leur longueur estant le plus communement d’vne toise & leur largeur d’vne demy toise, iusques à la diuision du canal qui se faict enuiron deux cent cinquante pas de son emboucheure au dessous du iardin Robert, tirant vers le couchant & de la plus bas sa structure est partie de pierre de taille, partie de pierres communes quarrees posées comme à la ligne, & liées de chaux & sable, son paué est par tout de pierre de taille, mais son couuert est tout dissemblable : des son entrée enuiron trante ou quarante pas la couuerture est toute de pierres de taille carrees & couchees à plat, & enuiron cent cinquante pas plus bas de grandes pierres taillées en voutes & de la enhors de moulons & pierres menües, & pres de la sortie & ouuertures qu’on a faict vers les rotunditez la voute a failli, & n’y a plus que la terre : enuiron soixante pas de l’entree du canal en sa voute, il y a vn grand anneau de pierre de taille en forme de soupirail par lequel aisement vn homme peut descendre, & cinquante pas plus bas vn autre semblable, mais touts deux à present couuerts de terre, & lesquels estants ouuerts randoient plus accessible & moins estouffante la visitte du grand canal, on peut presumer que en mesme distance il y auoit des soupiraux par toute la voute : cent cinquante pas de l’entree du grand canal, sa voute est rompüe dans le iardin de Ro[38v°]bert […] les sinuosités & reflexions de ce grand canal ne sont de moindre admiration, se recourbant de vingt, trante, & quarante pas au droit desquelles il se dilate & amplifie en quarreure, & par des angles de pierre de taille detourne le cours de son eau : l’vsage de ces anfractuositez & mæandres est pour r’amasser de touttes pars les eaux tant chaudes que froides seruants aux Bains & pour leur decharge et netteté aussi pour distribuer son eau chaude à plusieurs Bains particuliers ; ce qui nous sera clair par le fidelle rapport & suitte que ie feray des canaux qui s’y rendent de toutes parts. Ces replis tortueux empeschent le parfaict iugement de l’estandüe de ce canal : il est vray que fort loing des Bains vers le couchant paroissent des ruines anciennes que l’on dit estre des moulins à draps & taintureries audroit desquelles ce grand canal est ouuert, son eau à raison de la chaleur & du melange de ces mineraux estant fort propre a fouler les draps, & faire prandre tainture de longue duree comme on veut rapporter de Philander, vsus earum aquarum multiplex est, vt quæ præter balneas plura præstet tum priuata tum publica opera [39] fulonibus præcipue vtilis, & ayant forny à ces draperies, Ces eaux se perdoient, ou estoient conduictes dans des champs, pour les arrouser, comme en Asie, ce que les Iurisconsultes nous confirment. […] on ma dit qu’vn bourgeois de Bourbon a des arbres qui tousiours portent les premiers des fruicts tres-bons & sauoureux à cause du grand canal qui passe sous son verger. La longueur de ce canal est de trois cent pas ou plus depuis son entree iusques aux rotunditez, & d’icelles pres d’vn quart de lieüe iusques à ces ruines de moulins, la hauteur & largeur n’est egale par tout, nulle part toutesfois plus haut de six pieds, & plus large de deux, & communement plus haut & plus large vers les recoings de ses retours.
Venons au denombrement des canaux qui entrent : dez que ce grand canal s’eleue de terre il reçoit les eaux du grand puis de marbre, celles du Bain Royal par les endroits desia mantionnées, & tirant vers le couchant à main droitte enuiron deux toises en auant, se faict voir vn grand canal de pierre de taille [39v°] de figure quarree, d’vn pied & demy d’ouuerture, lequel à fleur du paué conduict l’eau du Bain public dans ce grand canal, presque à l’opposite de l’autre costé qui est du midy on voit vn autre canal d’vn pied en quarré distant du paué du grand canal de trois pieds de haut : plus bas vne toise, & demie du mesme costé se presente vn grand canal de pierre de taille quarré, & dans iceluy vn canal de plomb d’enuiron demi pied de gueule, qui degorge demy pied dehaut dans le grand canal. Enuiron vne toise & demie du mesme costé, se voit vn autre canal quarré & fort profond tout paué de pierre de taille, lequel reflechissant vers le droict des estuues aporte quantité d’eau aussi chaude que celle du grand Puis, & est esleué de deux pieds du grand canal. Du mesme costé enuiron deux toises se treuue vn autre canal de pierre de taille, ouuert d’vn grand pied & demy en quarreure & qui est le degorgement des deux autres canaux desquels le premier vient en biaizant deuers les estuues & faict couler de luy aussi quantité d’eau fort chaude : l’autre qui se rend dans le susdict vient tout droit par le trauers, comme s’il venoit du midy & n’en sort rien, tous deux sont eminans de trois pieds du paué du grand canal. Du costé droict ou du Septantrion trante cinq ou quarante pas plus bas que l’entrée du grand canal se voit vn petit canal quarré & ouuert plus de demy pied, distant du paué du [40] grand canal de trois pieds, duquel ne sort rien, & regarde le grand Bain ; par ce canal i’ay opinion que l’eau froide portée par le canal couuert de marbre blanc qui trauersoit le Bain public, tomboit dans le canal de la vuidange des Bains. Deux toises plus bas du mesme costé & à fleur du paué se treuue vn grand canal, en forme de voute tout de pierre de taille, de deux grands pieds d’ouuerture, & d’vn pied & demi de hauteur, par lequel ie presume le Bain public se vuider, veu mesme que vis-à-vis d’iceluy à esté decouuerte la vuidange du Bain public, ou de celuy qui est au dessous : trois toises plus bas du mesme costé se recognoit vn canal quarré de pierre de taille d’vn grand pied & demy de gueulle, & haut de deux pieds du paué du grand canal.
Quatre ou cinq toises plus bas, droit à droit de la maison de Berier recourbant vers le leuant, y a vn canal fort grand à fleur de paué faict de pierre de taille en arcade & par les flancs et voute de menües pierres, ayant d’ouuerture trois pieds par le trauers & d’hauteur quatre pieds.
Cinquante pas plus bas du costé du Septentrion on aperçoit vn autre grand canal d’vn pied & demy d’ouuerture, tout de pierre de taille, plus haut que le paué de quatre pieds : par ce canal i’ay opinion les eaux pluuiales auoir ésté conduittes dans le canal de la vuidange vniuerselle.
[40v°] Dans tous les canaux susdicts, & dans les iointes de pierres du canal, les fanges s’amassent des vapeurs de l’eau epaissie & croupissant en ces petites retraittes, ou elle adhere, estant de sa nature vnctueuse, & mixtionnee de mineraux, lesquels elle represente par sa couleur rougeatre, grise, iaune, verte, noire : la plus douce & friable que ie touchay iamais, de consistance mediocre, & chaude en sa premiere qualité.
Plus bas enuiron vne toise & demie du dernier canal, toutte l’eau du grand se mepart en deux egales portions, & du costé du couchant va droit dans vn canal vouté, aussi large, haut, & de pareille structure que le grand, par ce dernier ie crois que l’eau des Bains particuliers qui estoient aux maisons en tout ce quartier estoit distribuée : & le reste de l’eau cy dessus tornant & reflechissant à gauche vers le midy continüe son cours, lequel en tournoyant on peut voir au dessous du iardin Robert vers les rotundités, ou du costé du Septantrion on voit clerement vn canal se rendre à fleur du paué dans le grand, par lequel ie pense les Bains particuliers se vuide : Ceste suitte & denombrement de canaux ne peut estre de la posterité iugee trop curieusement, & le malicieux pourra dire inutilement recherchee par moy, moins leur structure vaine, & sans fruict, que si à la presente consideration, i’adiouste les vestiges & les ruines causees par les iniures des siecles & la ma[41]lice des barbares leurs partisans, & que nous mettions tout sur le bureau d’vne industrieuse & equitable meditation pour se former par ces echantillons des notions viues de l’ancien estre des merueilles de ces Bains nous serons informés de la verité des choses.
Pour à quoy paruenir examinons c’est espace presomptif des estuues anciennes, iugeons la quantité & le cours des eaux chaudes qui y sont & qui de ce costé se vuident ailleurs (sic), la distance depuis la fontaine de la Royne iusques au grand canal de la vuidange des Bains, presque de vingt pas, & tous les enuirons montueux inegaux & comblés de mazures, designées & recognües par la foy publique, & par la verbale tradition, confirmée par la quantité d’eaux chaudes sortant de ces deux gros canaux de plomb, qui les voisinent, ceste abondance d’eau continüe en la fontaine de la Royne & neantmoingts ce peu d’eau qui en sort, & qui encore se destourne vers les estuues, quand on veut. Et de la tirons vne consequence, que ces deux canaux de plomb & ceste septieme fontaine atterree, nullement contribuable au Bain Royal sont reseruees pour lesdictes estuues, le soupçon que i’ay d’autres sources chaudes outre la nostre grande recognüe m’est confirmé par Philander, Variis in locis erumpit magna vis aqua calidiffimæ, & osons encore, par le cours & affluance d’eau treschaude qui du costé des estuues il va rendre [41v°] par les deux canaux de pierre dans la vuidange, asseurer, ou que la source principale passe outre la septiesme fontaine, ou qu’elle distribue par quelques canaux souterrains de l’eau chaude aux Estuues, & à vn petit Bain ioignant, reuestu de marbre blanc : ou bien faut consantir qu’il y a quelque’autre source chaude outre celle que nous recognoissons venir du leuant, & sortir du Roc, dispençant à chaque fontaine sa portion : car puisque toutes ces fontaines se tiennent remplies & enuoyent le surplus de leur eau au Bain Royal, que les canaux qui les epuisent sont exactement recognus, & demeurent bouchez, d’ou peut deriuer tant d’eau chaude continuellement versee par ces deux canaux esloignés de deux toises, l’vn de l’autre se dechargeants dans la vuidange il semble que Philander les aye designez, Itaque prius in caldaria id est sudatorias sellas, aperto per latus alterum canali profluentes, eas calidissimo complent vapore, liberum tibi est vtrouis modo sudare, mais le confin de Philander posé in finibus Aruernia et non Burgundiæ me faict douter de ce passage, receu par Baccius & du Lecteur, s’il luy plaist : dauantage les trois autres canaux qui du costé du midy s’embouchent dans le grand canal & qui ne sont eloignés des Bains que de cent cinquante pas, seront-ils desauoüés, & sans office ? & si par l’ongle on iuge du lyon, ne deuons nous precognoistre que ceste ancienne muraille [42] qui est du costé du midy à cent pas des fontaines, dans la vigne du sieur Robert commançant au roc taillé qui se continüe vers le couchant, costoyant la grande vuidange ne fut anciennement vne Auge semblable à celle qui est vers les sources, pour arrester comme vne tranchée, l’impetuosité des torrents, qui se grosissent par les rauines des pluyes & qui tombants sur ceste colline fauorisées de la pante eussent rauagé les Bains.
Ceste muraille ruinée & egalée a la hauteur de l’herbe à present & mesme couuerte en plusieurs endroicts, & ores n’ayant plus ceste (sic) vsage, si le sieur Robert n’entretenoit dans sa vigne vne tranchee fort profonde, & ne faisoit passage aux eaux, les Bains, & sa maison qui leur est contigüe, seroient inondez, à toutes les crües & rauages des eaux pluuiales.
Ces demonstrations posees, disons, que ces eaux pluuiales estoient retenües & recueillies par ceste muraille, qui faict en son fonds vne forme de canal, & qui par deux autres canaux portoit ses eaux dans le grand de la vuidange, ce qui ce (sic) voit par deux canaux de pierre de taille en quarré, l’vn desquels i’estime estre le premier, que l’on treuue de ce mesme costé, dix ou douze pas dans le grand canal, & l’autre le plus bas de tous ceux deuers midy plus ouuert beaucoup que le precedant, & tous directement regardants ladicte Coline.
[42v°] Pour ce tuyau de plomb, amboitté pour sa conseruation & reuestu d’vn canal de pierre de taille quarré, il estoit destiné à vn autre vsage qu’à la conduicte de (sic) eaux pluuiales, & presume qu’il conduisoit des eaux chaudes plus outre que le canal de la vuidange, dans les Bains des maisons particulières, qui estoyent vers le Septentrion. Ce grand canal qui se continüe droit vers le couchant diuise l’eau du grand. Trois autres canaux plus haut vers les Bains du mesme costé qui se terminent au grand, & qui ont esté recognus pour seruir aux Bains decouuerts qui se peuuent suffisamment vuider par les canaux declarés, desquels celuy du Bain Royal est tout manifeste, & deux pour le Bain public, l’vn decouuert & l’autre presumé par sa capacité & directe situation au canal qui le vuide. De sorte que les trois restants du mesme costé ne sont sans soupçon, qu’ils n’ayant (sic) esté ordonnés pour d’autres Bains publics & particuliers abismés auec la mémoire de leurs auheurs. Philander parlant de la distribution des eaux chaudes. Alias vero priuatæ domus ac diuersoria quæ maxime vicina sunt sibi concipiunt. Car les eaux pluuiales vers le Septentrion peuuent prandre leurs cours, & se mesler auec le ruisseau de Borne qui vient des moulins Amanzé & coule quelque cent pas plus haut que les Bains, s’allant loing de là, ioindre auec leurs vuidanges : la disposition des Bains particuliers descrits par Philander, [43] l’ancienne façon des Romains, & la permission de bastir des Bains en leurs maisons, les vestiges qui s’y sont trouués, les paué à la musaique, les marbres & cymens aux entours des maisons & iardins Berier & Robert, sept grandes pierres de taille de trois pieds de large, & quatre de long posees & cymentées l’vne sur l’autre en forme d’Autel, & quatre pas plus haut, vers le midy vn vase quarré de terre rouge cuitte qui s’y est treuué, des cymens, marbres, & de grandes briques, sont enseignemens de maisons lesquelles vsant de la commodité & voisinage des eaux chaudes, les conduisoient dans leurs Bains priués : mais toutes ces œuvres admirées par leurs ruines, tous ces Bains atterrés & soupçonnés par tant de canaux, & par l’abondance de tant d’eaux chaudes comme elles n’ont peu auoir leur estre, agencement, & gloire, que par vne entreprise Emperiere, aussi ne se peuuent elles plainement decider & reveler à la posterité sans vne recherche qui soit Royalle & en authorité, & en despance In tenui labor, at tenuis non gloria. […] [46v°]
Rapportons toutes ces parties des Bains anciens aux nostres, commençans par les Estuues, lesquelles & pour leur situation plus haute que le Bain, & pour l’affluence d’eau tres-chaude qui couloit au dessouz, relaschant & rechauffant de sa vapeur chaude-humide le cuir de ceux qui s’y mettoient, non comme aux Romains par vne mauuaise odeur de poix & de souphre, de laquelle la vapeur ne pouuoit s’exempter, mais à nos Bains la vapeur est plus saine & gracieuse, prouenant d’vne chaleur naturelle de l’eau mineralle, assaisonnée par la nature : nostre Bain Royal, respond à leur Caldaire ou Lauoir, lequel en sa voute souloit estre tout fenestré pour iouyr de l’agreable obiect des montaignes voisines, sa forme ronde, ses materiaux susdicts, sa reuesture de marbre blanc par le dedans auec tant de diuersitez de iaspes, tant de marbres en son pauement, en ses sieges approchant par ces materiaux somptueux, de l’opulence de ceux des Empereurs, qui tenoient au commencement si chers & si precieux les marbres desquels l’vsage se commença seulement à Rome souz cest Auguste absolu, & furent depuis l’accroissement de l’Empire plus communs aux Bains des Romains, […]. [47] le marbre à nos Bains est comme à ceux des Empereurs de Rome ou solide, ou encrouté : solide comme l’anneau & les marches du grand puis, qui sont de marbre blanc, toutes les cornices de mesme : le paué, les murailles, les sieges des Bains sont de tables de marbre, de differentes espesseurs de quatre, de trois, de deux, d’vn doigt, voire d’vn trauers, siées à la façon antique […].
Dauantage le rapport des marbres eslaborez & de plusieurs couleurs, les iaspes & les porphyres seruent à nos Bains de mesme ornement, comme anciennemet aux Thermes Imperiales qu’ils nommoient Variegata mar[47v°]mora […] [48] […] ceste disgression de marbres & leurs incrustations estoit necessaire pour apparier nos Bains auec les plus riches qui estoient à Rome. […]
Le deux canaux qui viennent du Septentrion & qui departent dans les quarrez du Bain public de l’eau froide, se meslant par proportion à l’eau chaude, faisoient la selle (sic) Tepidaire, ou Frigidaire, car le sejour que l’eau chaude y faisoit s’attiedissoit desia esloignée de sa source & exposée à l’aër : l’estendüe des Frigidaires anciens ayderont nostre conference : Sydonius parlant de son Bain n’oublie a dire combien se dilattoit le Frigidaire, & nous, ceste capacité du Bain public, dans lequel on se remettoit au point de sa temperature, sortant des autres Bains chauds, & des estuures, qui sont aux entours ce grand Frigidaire. La Cuuette ou Auge de marbre qui est dans le grand Bain, couchée sur l’espesseur de la muraille se rapporte à la selle (sic) qu’ils nommoient Alyptaire, à laquelle ils se dessechoient & net[48v°]toyoient des sueurs & immondices, tant du Bain & du corps, & là apres se parfumoient : la maison du Bain se peut assortir à la selle Apoditaire, ou ils posoient leurs vestemens & les reprenoient apres s’estre baignez […]. De sorte que, soit pour la richesse des materiaux, incrustations de marbres, decorations de iaspes, forme de structure, soit pour la suitte & disposition des parties des Bains des Empereurs Romains, ceux de Bourbon s’y rapportent du tout, voire les surpassent par la faculté medicinale de leurs eaux, par leur cours perpetuel, & chaleur inextinguible, accommodée par la nature à la souffrance des corps, sans iamais s’augmenter ou diminuer. […] [53] & depuis, les Romains, comme il est facile d’adiouster aux choses inuentees [par leurs prédécesseurs] y ont aporté l’embellissement de l’architecture diuisé les parties du Bain sur le patron des Bains de Rome, comme ie l’ay faict voir en la conferance, & comme encore le tesmoignent l’auancement de ces grands Cornices, le refondrement de ces niches, le Caldaire ou Cupe en Amphitheatre couuert anciennement en dome, ces paués à la musaique, quelques Termes pour seruir d’Epystiles (sic). Ces pieces de frises de mouleures, ces beaux architraues, & incrustations de marbres diuers, Iaspes, tant de diuers canaux, qui portent l’eau au Bain chaude ou froide ou qui la vuident. Ie crois touts ces ornemens & commodités, estre la pluspart deües au (sic) Romains, comme ie crois les commancements aux vieux Gaullois […]. [54v°] Mais particulierement se doit recommander l’heureuse & perpetuelle mémoire de Henry troisiesme Roy de France & de Poulogne, lequel conseillé d’vfer des Bains, prefera les ruines de Bourbon à Caudes-aignes (sic), Borbonne, Plombieres, Balerne, Enos, Vichy & Neris, & ce l’an Mil Cinq cent quatre vingt auquel temps commission fut octroyee à Monseigneur Myron Conseiller d’Estat, & premier Medecin de sa Majesté Seigneur de l’hermitage, à Monseigneur Donon Controleur des bastimens, & au sieur [55] Baptiste du Cerceau premier Architecte de sa dicte Majesté, pour eux acheminer à Bourbon Lancy, affin de rechercher plus particulierement les singularités, & remettre aucunement l’ancienne commodité des Bains accablés & confondus dans leurs ruines, destoupper les canaux, tant des fontaines que de la vuidange desdicts Bains, ou déjà la longueur du temps auoit enseuely le nom auec la forme de la chose. […] [55v°] ayant ledict sieur Myron touts les iours cent Cinquante hommes, pour y faire trauailler, assisté desdicts sieurs Controleur & architecte, & du sieur Robert, qu’ils auoient pour registre & pour truchement de la tradition du pays touchant la mémoire des Bains, en remuant les terrées & nettoyant les fontaines plusieurs marbres Iaspes Porphires & medailles furent treuuees, ces conduicts ouuerts tant des fontaines que de la vuidange : la maison fut construitte contre vn ancien pignon, pour la commodité & vsage des Bains mais si hastiuement & d’estoffe si fresle que si elle n’est melioree, elle menace sa ruine. Le bastiment paracheué, le Roy, & la Royne son epouse, plusieurs Princes, Seigneurs Dames s’y transporterent la pluspart pour estre secourus à leurs infirmités […]. [56]. Les recherches des Bains se continoient ausquelles le Roy se monstroit fort affectionné & liberal, resolu à la restauration entiere, si la guerre par vn parricide pretexte pour luy, n’eut en sa mort rompu son vertueux et royal desseing […]. […] & fort fouuent les a practiqués monfeigneur de Beau-lieu Conseiller d’Estat & Secretaire des commandemens auec ressentiment de mieux en toutte sa personne, & pareillement monseigneur de Fresnes assisté de messieurs Myron, & du Ioug, & quelques fois de moy pandant (sic) qu’il seiourna esdicts Bains lequel combattu de l’iniure du temps, & touché d’vne vertueuse curiosité de l’antiquité, don[56v°]na vne honneste somme de deniers pour rechercher le Bain public, & ses vuidanges, lequel auparauant on ne scauoit que par soupçon, tant de diuers canaux de plomb, de marbre de cyments tant d’especes de marbres, & de Iaspes, nous furent reuelees, ces sieges c’est Auge, c’est hemisphere au milieu duquel est le pied d’estail, ou estoit posee la statue de deux baigneurs, tants de tables de marbres, ouuragees & releuees de festons, & de feuillages & infinie autres rarités, recognües sous sa faueur & liberalité, & l’industrieuse assistance des medecins susnommés, meritant pour ceste acte autant de gloire, voire plus que Hercule n’en presume, pour auoir nettoyé l’estable d’Augie, & luy des Bains, qui peuuent par leur santé, obliger toute la posterité : mais pour empescher nostre siecle d’estre ingrat »…